Stupeur et tremblement dans l'Administration

par Olivia Phélip

Les écrivains ont tous les droits : écrire des bios imaginaires sur des personnages célèbres, s’inspirer de faits divers ou raconter la vie de toute leur famille….sauf celui d’évoquer sous une forme romancée leur lieu de travail.

Aujourd’hui, le scandale éclabousse la jeune Aurélie Boulet, alias Zoé Shepard, qui, avec son livre Absolument débordée, fait trembler toute l’administration. Mise à pied par sa hiérarchie, la jeune femme risque une exclusion de deux ans de la fonction publique, tel que l’a requis le conseil de discipline du conseil régional, et probablement une nette remise en question de sa carrière.Son délit ? Avoir évoqué dans ce pamphlet écrit sous un pseudonyme, les conditions de travail ou plutôt de non-travail, d’une administration territoriale française à la productivité courtelinesque, en l’occurrence le conseil régional d’Aquitaine. Le récit évoque des personnages aux noms imaginaires, certains inspirés de près par les collègues de la jeune fonctionnaire, d’autres fictifs, le tout dans un lieu indéfini. Evidemment le trait est cruel et l’administration en prend pour son grade : il ne fait pas bon en temps de crise de souligner qu’en certains endroits, on fait ses 35 heures en un mois et qu’in fine le même travail pourrait donc être effectué par 3 fois moins de personnes…

L'histoire n'est pas isolée : il ne fait pas bon critiquer celui qui vous emploie, même de façon déguisée, et ceux qui osent transgresser cette règle le paye en général cher. Ainsi, Frédéric Beigbeder, avait également été remercié après la parution de son célèbre 99 Francs qui brossait un visage peu flatteur de l’agence de publicité où il travaillait.

Quant à la sociologue Corinne Maier, elle avait aussi en son temps déchaîné les passions avec son Bonjour Paresse qui montrait à quel point les grandes entreprises pouvaient être vues comme des machines à ne pas travailler pour qui avait compris leur raisonnement de la productivité par l’absurde...

Pour autant, ces livres qui suscitent la polémique, sont aussi en général très médiatiques : plus personne ne s'émeut d'un énième récit scabreux sur pratiques sexuelles déviantes, mais tout le monde crie au scandale, quand on évoque la paresse de son supérieur hiérarchique...

A méditer sur les limites que se donnent notre société. Le trivial a changé de camp. Car aujourd'hui pour être assuré d'une gloire certaine, rien ne vaut un petit pamphlet contre son employeur, si possible une administration. Et pour quitter un emploi sans passion, se fabriquer un avenir en or avec quelques lignes dénonçant ces paresses qu'on ne sauraient voir...