La trajectoire de Pierre Szalowski

L'histoire qui vous a mené à devenir écrivain est bien peu banale. Comment commencer pour la raconter?

J'ai été photographe de presse, journaliste, graphiste concepteur de logiciels éducatifs, scénariste. Je change de métier tous les sept ans. En 1997 je suis arrivé à Montreal où j'ai travaillé pour l'entreprise Ubisoft, spécialiste des jeux vidéos qui venait de s'installer là bas. J'aime essayer de nouvelles expériences et ne veux surtout pas m'ennuyer. Aujourd'hui, je suis écrivain à temps plein et je publie Le Froid modifie la trajectoire des poissons.

Pourquoi avoir choisi de vous installer au Québec?

Ce pays me correspond. Je ressens dans ce lieu du monde une formidable énergie positive. Les gens travaillent pour vivre avec volonté et simplicité. Sous différents aspects, on prône l'estime de soi au Quebec, denrée rare dans notre monde contemporain!

Le Froid modifie la trajectoire des poissons commence par la souffrance d'un être qui ne comprend pas que son quotidien puisse être bouleversé. C'est aussi une réflexion sur l'enfance qui tout à coup s'en va.

Oui, le 4 Janvier 1998, un petit garçon apprend que ses parents vont se séparer. La nouvelle est difficile à avaler. Il cache pour se pleurer, ne voulant pas l'accepter. Il demande au ciel de l'aider. Puis cette tempête de verglas intervient Elle va changer la donne de la même manière que tout à coup dès le début du livre, l'enfant ne croit plus au Père Noël et en fait part à son père qui avec une philosophie mélancolique dit "C'est la vie". Par ailleurs, j'avais envie de réfléchir sur des faits réels. Au Québec, on fait souvent son premier enfant à 35 ans. Et de la même manière que les personnes se rencontrent vite, elles se séparent aussi rapidement. Pour les enfants, le divorce est assimilé à la fin des disputes mais aussi à une sorte de vide et d'absurdité du monde des grands.

Vous montrez encore comment le climat change soudain la vie des personnes.

A cause de cette tempête de verglas, le monde s'est totalement arrêté. Les personnes ont tout à coup du s'entraider et surtout apprendre à se connaître. Ils partagent un même événement. Il faut qu'ils soient ensemble. Ils vont à la rencontre de leurs voisins. J'ai vécu moi même cette tempête quelques mois après mon arrivée au Québec, un moment vraiment étonnant où une formidable solidarité s'est établie. Les souvenirs de ce verglas ont été la matrice de ce roman. Dans l'adversité, il faut se soutenir. Ce livre cherche à mêler humanité et humour et ne se prive pas d'une fin qui se termine bien.

En vous lisant, on est porté par un optimisme réjouissant. Comment pourriez-vous l'expliquer?

Ce livre est en effet inspiré d'un sentiment de bonheur et de joie face à l'existence. J'aime croquer la vie. Je pense que l'humour permet au texte de prendre son envol. La vie si on la regarde de manière noire, elle reste noire. Au fond je souhaitais en écrivant ce livre me définir comme  "bonheuraturge". C'est au fond plus facile d'emmener les gens dans le malheur que dans le bonheur. Selon le logiciel Antidote, on trouve deux cents trente six synonymes au mot peine contre seulement trente six au mot joie. Ces données donnent à réfléchir

Votre titre sonne comme un refrain entraînant qui pourrait presque être un nouveau dicton. Comment avez-vous choisi ce titre enthousiasmant et quelque peu énigmatique?

L'idée de ces trajectoires m'a été inspirée par un ami mathématicien qui travaille sur la topologie, soit la représentation mathématique du noeud. Chacune des trajectoires est comme autant de possibilités de noeuds. Pour moi le titre était essentiel car un bon livre avec un mauvais titre ça ne pardonne pas. Nous en avons beaucoup parlé avec mon grand ami Régis Loisel qui m'a bien conseillé. Il me semble que le titre est le livre et inversement.

Pourrions-nous revenir sur le personnage de Boris qui me semble central dans le texte.

Pour moi, Boris est l'incarnation du personnage vraiment inspiré. C'est le chercheur mais aussi l'immigrant au Québec. Il est obnubilé par son étude sur les poissons.Il regarde la fenêtre, fixe le ciel. Ayant vécu dix sept ans en Russie, il sait faire avec les difficultés et ne croit pas en Dieu. En tant que mathématicien, il pense pouvoir tout prouver. Or la tempête verglaçante, il ne se l'explique pas. Chercheur solitaire, il va rencontrer Julie, incarnant un tout autre rapport au monde. Mais, dans l'adversité, il faut s'entraider. Et après l'épisode où Boris court après ses poissons, il entre chez Julie et avec elle regarde le spectacle surréaliste des poissons dans sa baignoire, suivre les cheminemenets rituels et se produire le miracle!

Vous présentez le livre en France à la rentrée littéraire de l'automne. Qu'est ce que cela signifie pour vous?

C'est un grand cadeau de la vie. Petit, j'ai habité Paris près du jardin du Luxembourg, puis Franconville. Aujourd'hui, mon livre paraît dans une maison d'éditions à quelques mètres du jardin et je trouve que c'est une belle récompense de l'existence. Au Québec, mon livre a reçu le Prix Archambaut en 2009 et a été merveilleusement accueilli. Je ne peux qu'espérer la même chose en France.