Gautier Battistella qui fut l'une des révélations de 2014 avec son livre "Un jeune homme prometteur"(Grasset), revient en 2018 avec un second livre : Ce que l'homme a cru voir (Grasset), un retour sur les tarces d'enfance d'un narrateur en mal de vérité. Rencontre avec un auteur aussi prometteur que le titre de son premier livre.
Gautier Battistella : La promesse de pouvoir en publier un second, voire un troisième, et de bâtir, pierre par pierre, la petite cathédrale intime, rêveuse et aventureuse, au sein de laquelle je convie mes lecteurs. Car je ne crois qu’aux « romans qui dansent », ceux qui aspirent vers la fin, et tourbillonnent, les œuvres symphonies, plurielles, qui favorisent les lectures différentes. Les romans trop sages, créés pour plaire, formatés « prix littéraires », m’ennuient. C’est pourquoi le jugement des libraires demeure à mes yeux le plus important. Bien entendu, la presse reconnaissante est un atout indéniable : rares sont les succès publics qui se sont bâtis sans les médias.
Gautier Battistella : Il s’agit d’abord un roman d’initiation, un thriller sur la quête de l’identité. Le narrateur n’a pas de nom, il dit « je ». Il cherche un prénom à ce « je », qui ne le satisfait pas. Le narrateur est orphelin : il n’a d’autre rapport au monde que la violence qui lui a permis d’exister. La littérature va le sauver… Mais il va bientôt réaliser qu’il a tort de lui faire confiance, qu’il est périlleux de ne vivre que dans ses rêves, et qu’il vaut mieux parfois rêver sa vie. Cette quête l’entraînera des Pyrénées à Paris, puis en Thaïlande, lieu de perdition, dit-on, mais où les hommes se dévoilent. Il en est même certains qui se trouvent.
Gautier Battistella : Le rire invite à ne jamais se prendre au sérieux. Les écrivains qui arborent la posture du créateur torturé, murmurant deux mots par minute, ont le don de m’irriter. Les palettes du rire sont d’une complexité infinie : complice, cruel, candide… J’aime peindre des paysages tordus, ponctués d’un sourire. Comme la possibilité d’une échappatoire. Une clarté, derrière la brume.
Gautier Battistella : D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours écrit. Ma mère prétend que mon premier texte abouti date de mes huit ans, à la suite d'une promenade dans les Pyrénées : je me souviens d’un château cathare, au loin, peut-être Roquefixade, posé comme un noyau de cerise au sommet d’une montagne. Je dessinais beaucoup, aussi. J’inventais (comme beaucoup d’enfants) des histoires de chevaliers, de vengeance. Mais chez moi, les méchants finissaient par piéger les gentils. J’ai toujours été fasciné par les méchants. Un bon méchant a des chances d’initier un bon livre, car il entraîne le romancier sur des chemins périlleux. Or, c’est cela qui est palpitant dans le métier d’écrivain : découvrir l’intrigue en même temps que ses personnages. S’il veut surprendre ses lecteurs, l’auteur doit d’abord se laisser surprendre. Lâcher prise. Accepter d’être manipulé par sa création. Un auteur peut aussi bien signer un texte, un bon mot ou un crime. L’écrivain écrit, son cœur bat dans ses doigts. Il ne se déguise pas.
Gautier Battistella : La figure du double me passionne. Le double, c’est moi, chaque matin dans le miroir, c’est vous. Combien de fois a-t-on l’impression d’être étranger à soi-même ? Ou de porter en soi une multitude de personnages ? Je ne peux trop en révéler sous peine de trahir mon intrigue, mais mon narrateur est hanté par cette figure de l’autre, exigeante, protectrice et dangereuse.
Gautier Battistella : Je ne crois pas que le numérique tuera le papier, même si des géants comme Amazon sont bien les ogres que l’on craint. Ce que je trouve terrible en revanche sur les sites comme Amazon, c’est la marchandisation des œuvres, avec avant même la sortie du livre, en lettres clignotantes « Revendez le roman XX contre un chèque pouvant aller jusqu’à 7 euros 40 ! ».
Quand j’écris, je procède en trois étapes : je note sur mon carnet des phrases, des idées, ce que je peux entendre dans la rue, une situation cocasse ; ensuite je rédige sur ordinateur, support sur lequel j’ai plus d’aisance à laisser courir ma pensée (je frappe plus vite que je n’écris à la main). Lorsque je suis satisfait d’un passage, ou d’un chapitre, je l’imprime, et je retravaille minutieusement sur la feuille, au crayon et ainsi de suite… Ce travail de relecture est souvent long, parfois pénible, mais il est indispensable. Je ne me couche jamais sans avoir vérifié que j’ai un stylo à portée de main.
Gautier Battistella : En vrac : Cent ans de solitude de Garcia Marquez, Salammbô de Flaubert, Vendredi ou les Limbes du Pacifique de Michel Tournier, L’île au Trésor de Stevenson, Voyage au bout de la nuit, de Céline, L’Etranger de Camus, La Caverne des Idées de Somoza, le Petit Prince de Saint Ex…
Gautier Battistella : Il sera question d’une disparition, de Lovecraft et de l’univers de l’entreprise. Un indice : « Ce qui dort depuis toujours ne meurt jamais ».
Propos recueillis par Olivia Phélip
Les lauréats du Prix Mare Nostrum 2024 vient de livrer la liste de ses lauréats. Chaque lauréat recevra une dotation de 2 000 € pour sa c
Légende photo : en haut de gauche à droite : Deloupy (Les Arènes), Carole Maurel (Glénat), Pierre Van Hove (Delcourt/La Revue Dessinée), Sébast