Chronique de Sarah Sauquet

« L’Enfant de la rage » d'Anne Boquel : ZAD, violence et sidération

C'est une histoire de violence sur fond de ZAD, de drame et d'engagement dans la France contemporaine. Sarah Sauquet a été particulièrement touchée par le roman d'Anne Boquel : L'enfant de la rage (Robert Laffont). Elle nous explique pourquoi dans sa chronique.

Portrait d'Anne Boquel ©Adélaïde Yvert-Mayet - Robert Laffont Portrait d'Anne Boquel ©Adélaïde Yvert-Mayet - Robert Laffont
Loïc et Laurence sont les parents de Yohann et Émilie. Ils habitent un pavillon de la France périphérique, là où même les dimanches semblent enduits de poix et les nuages à l’arrêt. Lui est chauffeur poids lourds, elle secrétaire médicale.

L'ordinaire et la tragédie

« Des gens ordinaires, mal outillés pour la tragédie » qui s’avance. Tel le minotaure qui dévorerait quotidiennement sa ration de chair humaine, une ZAD s’est montée à quelques kilomètres de chez eux. Au début, Loïc et Laurence n’y ont pas pris garde, et puis, lentement mais sûrement, Yohann a basculé. On n’est pas sérieux quand on a 17 ans, et quand le roman commence, Yohann est dans le coma.

Un roman, comme un tour de force

Second roman d'Anne Boquel, « L’Enfant de la rage » est avant tout un tour de force, une prouesse d’écriture qui témoigne d’un engagement intime et intellectuel, ainsi que d’un travail considérables.
Très documentée tout en restant extrêmement fluide, l’œuvre nous plonge au cœur d’une ZAD, et brosse des portraits ou figures totémiques réellement inoubliables. Comme tout droit sortis d’une bande dessinée tant ils sont incarnés, « coloriés » et bien campés, Louise-Michel, Rox, le Pilote et les autres racontent la fureur de jouir, les raisons de la colère, le refus de la médiocrité, mais aussi les plafonds auxquels on finit par se cogner. L’écriture dit l’urgence, chaque mot est pesé.

Yohan, un fils dont la vie a basculé

Présent-absent tout du long, Yohann est le fil rouge grâce auquel on entre dans le grand thème du livre : le métier de parents, ce que c’est que d’avoir un fils qui nous échappe et dont l’altérité profonde nous déchire. Alors que Loïc s’arc-boute, Laurence s’empare des frustrations et empêchements qui l’ont conduite au mariage et à sa vie de famille pour tenter de comprendre ce fils qu’elle ne connaît pas et monter dans le train de la ZAD.
Ce train ne part pas vers l’Est. Il la conduit vers une nouvelle vie, dans la chambre-forte de son fils.
Un roman superbe qui pourfend l’injustice, la manipulation, et la duplicité crasse. Anne Boquel excelle dans l’évocation des corps en guerre, qui souffrent et exultent.
> L'enfant de la rage d'Anne Boquel, Robert Laffont, 288 pages, 20 euros >> Pour acheter le livre, cliquer sur ce lien
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Professeure de lettres et autrice, Sarah Sauquet a notamment publié Les 1000 livres qui donnent envie de lire (Glénat, 2022). Elle est aussi la co-créatrice des huit applications littéraires Un texte Un jour. Qu’il s’agisse d’enseigner, d’écrire, ou d’établir des ponts entre cultures classique, populaire et contemporaine, son travail tourne autour d’un objectif : celui de susciter l’envie de se cultiver. Son dernier livre : Petites chroniques de culture populaire chez Librisphaera.
 
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