Chronique de Littéraflure

« Les Monuments de Paris » de Violaine Huisman : grandir à l'ombre des pères

Grandir à l'ombre de monuments, figures paternelles et grand-paternelles tutélaires. « Les monuments de Paris » (Gallimard) de Violaine Huisman représentent ce père et ce grand-père qui ont marqué l’Histoire de leurs personnalités hors du commun. Tout en imprimant chez leur fille et petite-fille un mélange d'admiration et de tristesse. La chroniqueuse Littéraflure a retenu ce livre pour l'émotion qu'il suscite.

Les monuments de Paris (Gallimard) sont ce père et ce grand-père qui ont marqué l’Histoire de leurs personnalités hors du commun.

Un père, philosophe autodidacte, brillant businessman et homme à femmes

Le premier, Denis, était un philosophe autodidacte, un brillant businessman, un homme à femmes, un monstre engendré par les Trente Glorieuses qui a pu susciter l’adoration autant que la détestation, et dont notre époque n’aurait fait qu’une bouchée (« L’outrance, le trop, le toujours plus, l’hubris a été ton mode opératoire, ton équilibre. »). Un homme dont la richesse corrompt la générosité (« J’aurais voulu son amour immatériel, je l’aurais voulu pur, j’aurai voulu lui prouver à quel point j’étais désintéressée, insensibles aux transactions qui régissaient les liens qu’il tissait autour de lui .»).

Ce grand-père qui a créé le Festival de Cannes

Le second, Georges, cet « esthète sincère », ce « petit juif parti de rien », est devenu un homme d’Etat. On lui doit la création du Festival de Cannes, le sauvetage épique des trésors du musée du Louvre ou l’audacieuse promotion des artistes avant-gardistes (« L’État mécène, pour faire son métier, devrait avoir trois budgets : celui de la charité, celui de la nouveauté et celui de la beauté. »). Contemporain de Jean Zay et de Léon Blum, il fut, comme eux, humilié. Ce récit est aussi une manière de réhabiliter sa mémoire.

Un livre émouvant et instructif

À la limite de l’hagiographie, ce livre est à la fois émouvant et instructif. On sent que l’auteure a une tendresse particulière pour son grand-père. L’admiration pour son père est mesurée, et pour cause, elle ne lui a jamais pardonné d’avoir négligé sa mère, bipolaire et merveilleuse, « Fugitive parce que reine » - titre du roman que j’avais préféré à celui-ci, moins enlevé, et confus par endroits.

Le mot de l'éditeur

« Mon père était un homme d'une autre génération, aurait-on dit pour excuser sa misogynie ou son pédantisme, un homme dont les succès justifiaient l'arrogance, dont l'affabilité surprenait autant que la fureur, dont la tendresse excessive, baroque, totalement débridée, trahissait l'excentricité ou expliquait en partie l'attachement qu'il inspirait en dépit de ses abominables défauts. J'étais sa petite dernière, sa numéro huit, avait-il coutume de dire pour me présenter dans le grand monde. Dans l'intimité, il m'appelait son petit ange.» Après avoir mis en scène le personnage de sa mère dans Fugitive parce que reine, Violaine Huisman se penche sur celui de son père, à la fois philosophe et businessman, figure hors norme, emblématique des Trente Glorieuses. Mais du portrait d'un iconoclaste follement attachant surgit un autre livre : une enquête familiale autour de Georges Huisman, le grand-père de l'autrice. Haut fonctionnaire juif, le directeur des Beaux-Arts du ministre Jean Zay joua un rôle central dans la création du Festival de Cannes en 1939, avant de connaître la traque durant la Seconde Guerre mondiale. Avec émotion, l'écriture de Violaine Huisman transforme dans Les monuments de Paris la matière de la mémoire et du temps. L'intimité du souvenir s'y conjugue à l'autorité de l'Histoire pour ressusciter les destins oubliés.

> Violaine Huisman, Les monuments de Paris, Gallimard, 288 pages, 19 euros >> Pour acheter le livre, cliquer sur ce lien

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Littéraflure est le pseudonyme de critique littéraire d'une auteure qui a déjà publié cinq romans et dont l'identité est inconnue. Prochainement elle fera paraître ses Confessions d'une chroniqueuse littéraire.
Son credo : « Je porte aux nues et souvent j’érafle pour que vive la littérature ! »

En savoir plus

Violaine Huisman présente son livre en vidéo. Réalisation Mollat.

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