Les traits de plume de Daniel Sarfati

« Le chemin d'Edo », promenades poétiques et inspirations japonaises

Daniel Sarfati raconte une promenade poétique qui le mène au Japon au Marché de la poésie, place Saint-Sulpice, qui fêtait cette année son 40e anniversaire. Il tombe en émoi devant Le chemin d'Edo (Pippa) et les calligraphies de Thi Phan Chanh. Encre et haïkus, tout un voyage. A admirer en  savourant une glace au thé matcha. 

Rue des Quatre-Vents, rien ne soufflait.
Une plate canicule.
Je suis entré chez Jugetsudo, « la boutique et salon de thé japonais, chic et sobre de Saint Germain des Prés », pour un peu de fraîcheur.
Ils étaient en pleine cérémonie du thé.
L’hôtesse s’est légèrement inclinée, avec une pointe d’agacement.
Il faut dire que je venais de bousculer une étagère avec des tasses en céramique à mille euros pièce.
L’hôtesse, instinctivement, avait perçu que je ne pratiquais pas le Kintsugi.
Cet art martial qui restaure les objets brisés en soulignant les fractures d’un liseré d’or, pour sublimer la fragilité de chaque chose.
« Nous ne recevons que sur réservation. »
Je me suis incliné aussi, en m’éloignant de l’étagère.
« Je viens juste pour acheter, sans cérémonie, une glace au thé matcha. »
7 euros le pot de 200 ml. Le pot est en carton.
Pour ce prix je me doutais qu’elle n’allait pas m’offrir une coupelle en céramique.
Le temps d’arriver place St Sulpice, j’avais liquidé la moitié du pot. Le reste de la glace était en voie de fonte accélérée pour cause de réchauffement climatique.
Surtout ne pas salir la chemise blanche que je portais sous une élégante veste en seersucker.
J’avais un rendez-vous important en soirée.
Se tenait face à l’église St Sulpice, le Marché de la Poésie.
Pas très poétique d’appeler ça un marché.
Rimes et strophes ne s’achètent pas au kilo.
Revues de poésie, petits éditeurs à petits tirages.
Poètes assis stoïquement sous le soleil, attendant le lecteur.
J’ai cru reconnaître Verlaine devant une absinthe et Baudelaire dans les bras d’une magnifique métisse.
« Poètes, vos papiers ! » chantait Léo Ferré.
Rimbaud attendait le 84 devant la Mairie de 6ème arrondissement.
J’en étais à boire ma glace complètement liquéfiée.
L’exercice pour ne pas salir ma chemise devenait périlleux.
Je me suis arrêté sur le stand des Éditions Pippa.
Un bouquin m’a attiré l’œil.
« Le chemin d’Edo » de Phan Chanh Thi.
Des haïkus calligraphiés et illustrés de dessins à l’encre.
« L’artiste s’est absenté, mais je peux l’appeler si vous êtes intéressé… »
Oui, j’aimerais le féliciter, j’aime beaucoup.
Chanh Thi est arrivé, timide, les doigts maculés d’encre.
« Je suis né à Saigon, dans une famille chinoise.
Mon père et mon grand-père étaient calligraphes.
Nous sommes arrivés en France en 79, avec le statut de réfugiés.
J’ai toujours dessiné.
Je peux vous montrer les planches originales des dessins du livre. »
Chanh Thi dessine à l’ancienne, plumes et pinceaux sur du beau papier.
Ses dessins originaux sont encore plus impressionnants que dans le livre.
Je lui ai acheté un dessin.
Il m’a offert son livre, avec une longue dédicace calligraphiée à l’encre.
Le temps que ça sèche, j’ai fini ma glace.
En repartant, j’ai remarqué que ma chemise blanche avait également été calligraphiée.
Avec de la glace fondue qui avait coulé et dessiné un drôle de motif verdâtre sur ma poitrine.
Chanh Thi aurait pu d’un coup de pinceau sur la coulure de glace , faire de ma chemise, une estampe originale.
J’avais juste mon doigt.
J’ai dessiné vaguement une branche de bambou au thé matcha.
Thi Phan ChanhLe chemin d'Edo, Préface de Françoise Naudin-Malinaud, éditions Pippa,  128 pages, 20 euros  >> Pour acheter le livre, cliquer sur le lien
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Daniel Sarfati est médecin ORL, passionné par le langage, par les signes, la lecture des mots qui s’écrivent, se lisent sur une page ou sur des lèvres, les histoires qui se vivent ou qui s’inventent.
 
 
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