Projecteur

Rentrée littéraire 2023 : notre sélection d'auteurs étrangers

En cette rentrée, de nombreux livres de littérature étrangère sont au programme. A côté des poids lourds comme Salman Rushdie, Maggie O'Farrell, Louise Erdrich ou Audur Ava Ólafsdottir, quelques plumes à découvrir comme Kiran Millwood Hargrave, Kathleen Glasgow ou Ellie Midwood. Découvrez notre sélection. 

1. La Cité de la Victoire, Salman Rushdie, Actes Sud, 352 pages, 19,50 euros

Quelle histoire ? Dans le Sud de l’Inde au XIVe siècle, à la suite d’une bataille quelconque entre deux royaumes aujourd’hui oubliés, une fillette de neuf ans fait une rencontre divine qui va changer le cours de l’histoire. Après avoir assisté à la mort de sa mère, la petite Pampa Kampana, accablée de chagrin, devient le véhicule de la Déesse, qui se met à parler par la bouche de l’orpheline. Lui accordant des pouvoirs qui dépassent l’entendement de Pampa Kampana, la déesse lui annonce qu’elle contribuera à l’essor d’une grande ville appelée Bisnaga – littéralement «cité de la victoire»–, la merveille du monde. Au cours des deux cent cinquante années suivantes, la vie de Pampa Kampana se confond avec celle de Bisnaga, depuis sa création à partir d’un sac de graines magiques jusqu’à sa ruine tragique de la manière la plus humaine qui soit : l’hubris de ceux qui détiennent le pouvoir. En donnant vie, par ses chuchotements, à Bisnaga et à ses habitants, Pampa Kampana tente de remplir la mission que la déesse lui a confiée : faire des femmes les égales des hommes dans un monde patriarcal. Mais toutes les histoires échappent à leur créateur, et Bisnaga ne fait pas exception. Tandis que les années passent, que les dirigeants vont et viennent, que des batailles sont gagnées et perdues, et que les allégeances changent, le tissu même de Bisnaga devient une tapisserie de plus en plus complexe, abritant en son cœur Pampa Kampana. Brillamment présentée comme la traduction d’une épopée antique, cette saga aux confluents de l’amour, de l’aventure et du mythe atteste du pouvoir infini des mots.

Pourquoi on aime ? Ce nouveau livre de Salman Rushdie, contant l’épopée d’une ville du XIVe siècle en Inde, nous entraîne dans une intrigue surprenante et envoûtante. À travers ce conte, l’auteur nous questionne sur la place des femmes dans la société et de la relation entre le politique et la religion. Un texte qui prend une dimension particulière puisqu'il paraît quelques mois après l'attaque terroriste dont a été victime l'auteur. Blessé, mais toujours debout celui-ci nous apparaît comme un écrivain qui défend les femmes et la liberté. Et surtout la littérature.

2. Trust, Hernan Diaz, L’Olivier ( Prix Pulitzer 2023), 400 pages, 23,50 euros

Quelle histoire ? «New York enflait de l'optimisme tapageur de ceux qui croient avoir pris de vitesse le futur. » Wall Street traverse l'une des pires crises de son histoire. Nous sommes dans les années 1930, la Grande Dépression frappe l'Amérique de plein fouet. Un homme, néanmoins, a su faire fortune là où tous se sont effondrés. Héritier d'une famille d'industriels devenu magnat de la finance, il est l'époux aimant d'une fille d'aristocrates. Ils forment un couple que la haute société new-yorkaise rêve de côtoyer, mais préfèrent vivre à l'écart et se consacrer, lui à ses affaires, elle à sa maison et à ses oeuvres de bienfaisance. Tout semble si parfait chez les heureux du monde... Pourtant, le vernis s'écaille, et le lecteur est pris dans un jeu de piste. Et si cette illustre figure n'était qu'une fiction ? Et si derrière les légendes américaines se cachaient d'autres destinées plus sombres et plus mystérieuses ?

Pourquoi on aime ? Ce roman, Lauréat du Prix Pulitzer 2023, conte l’histoire d’Andrew Bevel, figure importante dans l’économie américaine du début du XXe siècle. Hernan Diaz, grand spécialiste de Borges, déconcerte le lecteur en écrivant son livre à la manière d’un puzzle qui gagne toute sa cohérence dans ses dernières pages. Un livre virtuose qui confirme qu'Hernan Diaz, d'origine argentine, installé aujourd'hui aux Etats-Unis, est un très grand écrivain.

3. La Sentence, Louise Erdrich, Albin Michel, 448 pages, 23,90 euros

Quelle histoire ? «Quand j’étais en prison, j’ai reçu un dictionnaire. Accompagné d’un petit mot: "Voici le livre que j’emporterais sur une île déserte". Des livres, mon ancienne professeure m’en ferait parvenir d’autres, mais elle savait que celui-là s’avérerait d’un recours inépuisable. C’est le terme "sentence" que j’y ai cherché en premier. J’avais reçu la mienne, une impossible condamnation à soixante ans d’emprisonnement, de la bouche d’un juge qui croyait en l’au-delà.» Après avoir bénéficié d’une libération conditionnelle, Tookie, une quadragénaire d’origine amérindienne, est embauchée par une petite librairie de Minneapolis. Lectrice passionnée, elle s’épanouit dans ce travail. Jusqu’à ce que l’esprit de Flora, une fidèle cliente récemment décédée, ne vienne hanter les rayonnages, mettant Tookie face à ses propres démons, dans une ville bientôt à feu et à sang après la mort de George Floyd, alors qu’une pandémie a mis le monde à l’arrêt... On retrouve l’immense talent de conteuse d’une des plus grandes romancières américaines, prix Pulitzer 2021, dans ce roman qui se confronte aux fantômes de l’Amérique: le racisme et l’intolérance.

Pourquoi on aime ? Dans ce roman au ton apparemment léger, Louise Erdrich nous entraîne dans une intrigue mêlant humour et gravité. L’écrivaine s’appuie sur son expérience des évènements de l’année 2020, du confinement au décès de George Floyd, pour nous questionner sur le rôle des livres dans notre société et les messages dont ils sont vecteurs. Les livres sauveront-ils le monde ?

4. L’Hôtel des Oiseaux, Joyce Maynard, Philippe Rey, 526 pages, 25 euros

Quelle histoire ? 1970. Une explosion a lieu dans un sous-sol, à New York, causée par une bombe artisanale. Parmi les apprentis terroristes décédés : la mère de Joan, six ans. Dans l'espoir fou de mener une vie ordinaire, la grand-mère de la fillette précipite leur départ, loin du drame, et lui fait changer de prénom : Joan s'appellera désormais Amelia. À l'âge adulte, devenue épouse, mère et artiste talentueuse, Amelia vit une seconde tragédie qui la pousse à fuir de nouveau. Elle trouve refuge à des centaines de kilomètres dans un pays d'Amérique centrale, entre les murs d'un hôtel délabré, accueillie par la chaleureuse propriétaire, Leila. Tout, ici, lui promet un lendemain meilleur : une nature luxuriante, un vaste lac au pied d'un volcan. Tandis qu'Amelia s'investit dans la rénovation de l'hôtel, elle croise la route d'hommes et de femmes marqués par la vie, venus comme elle se reconstruire dans ce lieu chargé de mystère. Mais la quiétude dépaysante et la chaleur amicale des habitants du village suffiront-elles à faire oublier à Amelia les gouffres du passé ? A-t-elle vraiment droit à une troisième chance ? 

Pourquoi on aime ? Dans ce roman foisonnant, Joyce Maynard, avec la virtuosité qu'on lui connaît, emporte les lecteurs sur quatre décennies. Riche en passions et en surprises, L'Hôtel des Oiseaux explore le destin d'une femme attachante, dont la soif d'aimer n'a d'égale que celle, vibrante, de survivre. Joyce Maynard, qui avait reçu le grand prix de la littérature américaine en 2021, a été récompensée dans la catégorie littérature étrangère, lors de la 19e édition du Palmarès Livres Hebdo des libraires, pour ce dernier livre L'Hôtel des Oiseaux.

5. Tasmania, Paolo Giordano, Le Bruit du Monde, 323 pages, 23 euros

Quelle histoire ? Paris, novembre 2015. Le narrateur, écrivain et journaliste, est venu couvrir un sommet sur le climat, quelques jours seulement après les attentats. Une situation de crise qui fait écho à celle qu'il traverse avec sa compagne, Lorenza. Avec une désinvolture vivifiante, il s'entoure de personnages atypiques qui apportent, chacun à sa façon, du sens à son univers : un jeune physicien aventurier, un climatologue spécialiste des nuages, une reporter haute en couleurs et un prêtre qui a rencontré la femme de sa vie. Intime et universel, Tasmania est un roman sur le présent et sur l'avenir. L'avenir que nous craignons et celui que nous désirons, celui que nous n'aurons pas et celui que nous construisons. Il nous rappelle que chacun peut trouver sa Tasmanie, un espace où écrire son avenir.

Pourquoi on aime ? Paolo Giordano nous entraîne au Japon, à Nagasaki et Hiroshima, où le narrateur est venu rencontrer les derniers survivants des bombes nucléaires. Ce roman émouvant montre les conséquences terribles de ces deux journées sur la vie des habitants de ces deux villes, nous questionnant sur la légitimité de l’arme nucléaire comme arme de guerre. Paolo Giordano poursuit son oeuvre sur les lieux de l'absolu et de l'amitié, comme salvation du monde.

6. La Danse des Damnées, Kiran Millwood Hargrave, Robert Laffont, 360 pages, 22 euros

Quelle histoire ? Strasbourg, 1518. Au pied de la cathédrale, dans la chaleur étouffante de l’été, une femme se met à danser. Elle danse des jours durant, infatigable, possédée, avant d’être rejointe, petit à petit, par des centaines d’autres femmes. Non loin de là, Lisbet récolte le miel de ses ruches. Auprès des abeilles, elle oublie l’atmosphère oppressante et son angoisse de perdre, une fois encore, l’enfant qu’elle porte. Alors que la ville semble s’effondrer sous la chaleur et les pas des danseuses, le retour d’Agnethe, après sept ans d’exil pour un crime que tout le monde tait, promet de faire voler en éclats le monde tel que Lisbet le connaît. Déterminée à découvrir le secret de sa belle soeur, la voilà bientôt prise dans un tourbillon d’interdits et de passion, une mélodie à en perdre la raison… Ancré dans une époque de superstition, ce roman, inspiré de faits réels, est le récit enivrant de ces femmes, grandes damnées de l’Histoire, mais surtout une bouleversante histoire d’amour et de résilience.

Pourquoi on aime ? Kiran Millwood Hargrave nous entraîne à Strasbourg pendant l’année 1518 pour nous conter l’histoire de deux femmes dans la société de l’époque. Ce livre, empreint de suspense, nous questionne sur la place de la femme ainsi que le rôle de la religion dans la vie quotidienne dans la période de la Renaissance. C'est un livre qui ne se lâche pas.

7. La Contrée Obscure, David Vann, Gallmeister, 512 pages, 26 euros

Quelle histoire ? Le 3 juin 1539, le conquistador espagnol Hernando de Soto enfonce son épée dans le sol de La Florida et se proclame gouverneur officiel, adoubé par le roi Charles Quint. Au terme d’un périlleux voyage, après avoir bravé la fougue de la mer et la rage de ses ennemis, le voilà enfin face à son destin. À lui les richesses, à lui la gloire, il bâtira là une nouvelle cité qui portera son nom. Aveuglé par l’ambition, obsédé par l’or, de Soto déferle sur les terres avec ses conquistadors. Mais ces nouvelles contrées se révèlent hostiles, peuplées de Cherokees qui se battent farouchement. Face à l’avidité des espagnols, leur résistance se nourrit des mystères de la création et de mythes. Comme celui de l’Enfant Sauvage qui renaît chaque jour, et avec lui, la soif salvatrice de sang. 

Pourquoi on aime ? Explorant l’héritage de ses ancêtres cherokees, David Vann signe une œuvre virtuose sur le choc sanglant des cultures, mêlant avec intensité l’intime à l’universel. David Vann qui s'est fait connaître avec le bouleversant Sukkwan Island n'en a pas fini avec sa confrontation de la violence.

8. Le Portrait de Mariage, Maggie O'Farrell, Belfond, 416 pages, 23,50 euros

Quelle histoire ? Après Hamnet, Maggie O’Farrell nous entraîne dans la Renaissance italienne pour redonner vie à une femme libre, rebelle, incomprise. Portée par une écriture d’une beauté inouïe, une œuvre lumineuse et poignante.
C’est un grand jour à Ferrare. On y célèbre les noces du duc Alfonso et de Lucrèce de Médicis. La fête est extravagante et la foule n’a d’yeux que pour le couple. La mariée a quinze ans. Rien ne l’avait préparée à ce rôle. Elle n’était que la troisième fille du grand duc de Toscane, la discrète, la sensible, celle dont ses parents ne savaient que faire. Mais le décès soudain de sœur aînée a changé son histoire. La fête est finie, Lucrèce est seule dans un palais immense et froid. Seule face aux intrigues de la cour. Seule face à cet homme aussi charismatique que terrifiant qu’est son mari. Et tandis que Lucrèce pose pour le portrait de mariage qui figera son image pour l’éternité, elle voit se dessiner ce que l’on attend d’elle : donner vie à un héritier. Son propre destin en dépend… 

Pourquoi on aime ? Ce roman historique nous entraîne à Florence pendant la Renaissance italienne. Partant d’un fait historique, Maggie O'Farrell nous conte le destin d’une jeune femme dans un roman empli de poésie et de beauté. Un beau livre en costume qui fait revivre  avec brio une belle page de la Renaissance.

9. Gorge d’Or, Anni Kytömäki, Rue de l’Echiquier, 640 pages, 29,50 euros

Quelle histoire ? L’histoire de Gorge d’or se déroule en Finlande entre 1903 et 1937. On y rencontre Erik Stenfors, fils d’un riche propriétaire forestier, Lidia, militante de la classe ouvrière, et leur fille Malla. Il y a aussi Joel, un orphelin marqué par le souvenir de son père communiste, et… un ours. Gorge d’Or emporte le lecteur dans le récit de certains événements de l’histoire de la Finlande (Première Guerre mondiale, indépen-dance de 1917, guerre civile de 1918, etc.), mais son sujet véritable est le suivant : comment une personne qui voue une passion sans limites à la nature, et plus particulièrement à la forêt, peut-elle survivre durant une période de turbulences historiques extrêmes ? Comment résister au tourbillon dans lequel l’histoire entraîne l’humanité quand on est convaincu que la nature incarne l’éternité ? Tandis que d’autres choisissent leur camp, Erik se réfugie dans les régions sauvages du nord de la Finlande, où il se confronte au vertige de l’isolement complet. Gorge d’or met ainsi en scène des personnages qui ne font qu’un avec la nature, qui ressentent dans leur chair la valeur de ce qui sera bientôt perdu à cause de l’industrialisation et de l’urbanisation. Tout au long du récit, l’histoire d’une ourse et de son ourson se mêle aux destins des personnages – car, selon une ancienne croyance des peuples nordiques, les humains peuvent se transformer en ours, et les ours en humains… 

Pourquoi on aime ? À la fois réaliste et onirique, ce roman impressionne par sa description détaillée, nuancée et très sensible de la nature, qui confine au mystique. Une écriture quasi-incantatoire pour défendre la planète.

10. Glory, Noviolet Bulawayo, Autrement, 464 pages, 23,90 euros

Quelle histoire ? Il y a longtemps, dans un pays de cocagne pas si lointain, les animals vivaient heureux. Puis vinrent les colonisateurs. Après de longues années de domination, une guerre de Libération sanglante rendit l'espoir aux citoyens. Elle leur apporta un nouveau dirigeant, un cheval tyrannique - la Vieille Carne - qui gouverna, gouverna et gouverna encore, avec l'aide d'un groupe de cruels Défenseurs et celle de sa jeune épouse bien-aimée, l'ambitieuse ânesse Merveilleuse. Mais même les sots de ce monde savent qu'il n'y a de nuit si longue qui ne s'achève par une aube. Et elle s'acheva pour la Vieille Carne un jour où elle prenait son thé Earl Grey en écoutant son émission de radio préférée. Une fois de plus, les animals retrouvèrent l'espoir. Glory raconte l'histoire d'un pays pris dans un cycle vieux comme le monde. Et pourtant, tout en révélant les artifices nécessaires pour maintenir l'illusion d'un pouvoir absolu, cette satire mordante nous rappelle que l'Histoire peut basculer en un clin d'oeil : il suffit du retour d'exil d'une fille depuis longtemps disparue, d'élections libres, justes et crédibles, d'un vent changeant - même d'une simple balle.

Pourquoi on aime ? Ce roman, inspiré du coup d’état de 2017 qui a renversé le gouvernement zimbabwéen, nous entraîne dans une fable envoûtante rappelant avec précision les évènements de l’actualité de ces six dernières années. Le lecteur est questionné sur la société moderne. Ce livre a été finaliste du Booker Prize en 2022.

11. L’Étoile du Matin, Karl Ove Knausgaard, Denoël, 848 pages, 27 euros

Quelle histoire ? Un matin, les habitants d'une station balnéaire norvégienne aperçoivent dans le ciel une énorme étoile flamboyante qui se dirige à toute vitesse vers la Terre. Kathrine, Arne, Iselin et Solveig, tous à un croisement de leur vie, tentent de trouver un sens à cette catastrophe imminente.  Avec L’Étoile du Matin, Karl Ove Knausgaard compose un roman choral magistral aux accents apocalyptiques qui explore la confrontation entre l’humain et les forces qui le dépassent. 

Pourquoi on aime ? Karl Ove Knausgaard nous entraîne sur les traces d'une série de personnages, inspirés chacun par des proches de l'auteur, ce qui donne un ancrage fascinant à ce roman. De la première à la dernière page, la lecture est emprunt de mystères et de surprises, nous déconcertant jusqu'à la fin. Cette étoile est décidément très brillante.

 

12. Les Âmes Errantes, Cécile Pin, Stock, 288 pages, 20,90 euros

Quelle histoire ? « Il y a les adieux, et puis on pêche les corps - entre les deux, tout n'est que spéculation.» Sur le sable d'une plage hongkongaise, une main anonyme soulève des draps. La jeune Anh, 16 ans, reconnaît sans hésiter les beaux cheveux de sa mère, le visage de son père et de quatre de ses frères et soeurs. Noyés. Anh, et ses deux frères, Thanh et Minh, sont maintenant seuls au monde. Pourtant, il y a quelques mois seulement, ils étaient encore une famille. Une famille qui voulait fuir le Vietnam, pour sauver sa peau, après le départ des dernières troupes américaines. Les trois aînés ont embarqué sur une première embarcation de fortune, leurs parents et le reste de la fratrie ont fait de même quelques semaines plus tard. Ils s'étaient promis de se retrouver à Hong Kong pour rejoindre ensemble ces Etats-Unis pleins de promesses. Un seul groupe a survécu au voyage. Sans famille ni foyer, Anh et ses frères tentent désormais de se reconstruire. De centres de réinstallation, en camps de réfugiés, d'espoirs en désillusions, ils finissent par poser leurs valises dans la Grande-Bretagne de Thatcher. Dans ce Londres en proie aux inégalités sociales, ils doivent s'accrocher : Anh use ses doigts dans les usines clandestines, Minh traîne sa rancoeur au pied des immeubles et Thanh rêve d'astronomie. Mais les fantômes des absents, la culpabilité du survivant leur collent à la peau et, à mesure qu'ils grandissent, leurs chemins semblent se séparer. Dans la droite lignée de Certaines n'avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka et Un bref instant de splendeur d'Ocean Vuong, Céline Pin signe un premier roman éblouissant sur l'une des pires tragédies de la fin du XXe siècle. Elle explore les blessures générationnelles et le pouvoir guérisseur des mots. Comme un chuchotement pour nous livrer une page de notre histoire moderne, encore et toujours d'actualité. Hélas.

Pourquoi on aime ? Ce roman bouleversant nous conte l’histoire de la fuite d’une famille vietnamienne lors de la guerre du Vietnam. Révélant l’horreur des camps migratoires et des conséquences de la guerre, Cécile Pin nous livre un récit sur les réalités d’une des guerres les plus meurtrières du XXe siècle. 

13. Le Monde de la Berge Fleurie, Atticus Lish, Bouquins, 640 pages, 25 euros

Quelle histoire ? Corey Goltz, quinze ans, grandit dans la banlieue ouvrière de Boston. Il vit seul avec sa mère Gloria. Cette dernière a connu beaucoup de désillusions, mais elle a toujours été là pour son fils unique. Tout change quand un médecin lui apprend qu'elle est atteinte de la maladie de Charcot. Car à mesure que Gloria perd son autonomie et son énergie vitale, Corey doit s'organiser pour faire face. Son amitié avec Adrian, un étrange garçon fasciné par Nietzsche et la musculation, l'aide pendant un temps. Les arts martiaux lui permettent de sculpter son corps, comme un miroir inversé de celui de Gloria. Mais Corey doit aussi trouver des petits boulots, payer les factures, aider sa mère à s'orienter dans un système de santé sans pitié pour les gens modestes et, surtout, affronter le comportement toxique de son père Leonard. Seul ou presque, dans une Amérique violente et gangrenée par le complotisme, Corey aura fort à faire pour trouver son chemin et devenir l'homme qu'il a envie d'être... Porté par une puissance narrative incontestable, le deuxième roman d'Atticus Lish, emprunte autant au roman de formation qu'à la chronique sociale. 

Pourquoi on aime ? Dans Le Monde de la Berge Fleurie, Atticus Lish nous entraîne au cœur de Boston dans une saga sur une famille américaine. Le lecteur est confronté aux réalités de la maladie de Charcot et aux difficultés de s’en sortir dans une société américaine individualiste, tout en découvrant la place centrale que l’auteur donne à l’amour familial. Un livre difficile parfois, mais qui sonne comme une bouleversante ode à la vie.

14. Girl in Pieces, Kathleen Glasgow, Anne Carrière, 448 pages, 23 euros

Quelle histoire ? Charlotte Davis est une fille en lambeaux. À dix-sept ans, elle a déjà perdu plus que la plupart des gens en une vie. Mais elle a appris à oublier. Le verre brisé avec lequel elle se coupe apaise sa peine jusqu’à ce qu’il ne reste que le calme. Le verre brisé murmure : Tu n’as plus besoin de penser à ton père et à la rivière. À ta meilleure amie, qui est partie pour toujours. Ou à ta mère, qui n’a plus rien à te donner. Chaque nouvelle cicatrice endurcit un peu plus le cœur de Charlie, pourtant cela fait toujours aussi mal. Si mal que ça n’a plus d'importance, et parfois cette douleur est nécessaire pour remonter la pente. 

Pourquoi on aime ? Girl in Pieces est le portrait profondément émouvant d’une adolescente dans un monde qui ne lui doit rien et lui a tant pris, et du chemin qu’elle entreprend pour se réparer. Le premier roman de Kathleen Glasgow est d’une authenticité déchirante et d’une honnêteté sans faille. Une histoire dont on ne peut se détourner. La douleur d'une jeune fille en pleurs, qui sèche ses larmes et avance coûte que coûte. Une plume à suivre.

15. Le Bunker de Tbilissi, Iva Pezuashwill, Emanuelle Collas, 156 pages, 17 euros

Quelle histoire ? Tbilissi, Géorgie, 9 avril, jour de commémoration nationale. C’est l’anniversaire de mariage entre Guéna et Mila, d’origine arménienne, qui, follement amoureux, se sont mariés il y a vingt ans. C’est aussi l’anniversaire de Mila, même si tous semblent l’avoir oublié tant ils sont obnubilés par leurs soucis. Guéna essaie de surmonter une nouvelle journée dans sa vie ratée. Mila, qui ne lui fait plus confiance, tente de planifier un avenir sans lui. Zéma, leur fille, qui travaille pour la police, a décidé que la vengeance était le seul but qu’elle se fixait dans la vie. Le fils, Lazaré, déteste les riches et se sent des idéaux socialistes. Il rêve de devenir un rappeur célèbre tout en étant livreur. Tous doivent survivre à cette journée, qui convoque les conflits, les drames et les espoirs ainsi que les démons et les fantômes du passé, dans Tbilissi où ils ont cru pouvoir bâtir une vie meilleure mais où ils se heurtent à l’histoire soviétique, gangrénée par la corruption, la violence et les magouilles politiques, et où ils sont déçus par l’Occident dont ils ont tant rêvé.

Pourquoi on aime ? D'une rare actualité, Le Bunker de Tbilissi d’Iva Pezuashvili est un roman explosif, au ton rageur, cynique et déjanté, sur la période post-soviétique où les liens intrinsèques avec la Russie sont, comme en Ukraine, extrêmement complexes et privent la Géorgie d'un avenir serein alors qu'elle se trouve aux portes de l'Europe. Pour essayer de comprendre l'enchevêtrement des histoires derrière l'Histoire.

16. Les Parts Oubliées, Charmaine Wilkerson, Buchet Chastel, 512 pages, 24,50 euros

Quelle histoire ? « B&B, il y a un petit gâteau noir dans le congélateur pour vous. Ne le jetez pas. Je veux que vous vous asseyiez ensemble et que vous partagiez ce gâteau. Vous saurez quand le moment sera venu. Je vous aime, Ma. » Ce sont les dernières volontés de la mère de Byron et Benny. Avec le gâteau, elle a laissé un enregistrement audio réalisé avant sa mort. Elle y livre l’histoire d’une jeune nageuse venue d’une île des Caraïbes, forcée de quitter son pays natal après avoir été accusée de meurtre. Alors que son récit se développe, le frère et la soeur découvrent les multiples strates du secret qui entoure leur arbre généalogique et les conséquences sur leur vie tout entière.

Pourquoi on aime ? Dans un voyage bouleversant qui emmène le lecteur des plages des Caraïbes au Royaume-Uni en passant par l’Italie, Charmaine Wilkerson explore ce qu’on laisse derrière soi pour survivre, l’importance de l’héritage et de la transmission, et les parts du passé que l’on soumet au silence. Ces parts oubliées ne s'oublieront pas.

17. Plan Américain, Seth Greenland, Liana Levi, 304 pages, 22 euros

Quelle histoire ? New York, 1976. Paul, 23 ans, rêve de réaliser des films. Dans un club, il fait la connaissance d'Avery, comédienne noire dont Jay Gladstone, son ami d'enfance, tombe amoureux. Surfant sur la vague de la blaxpoitation, les deux hommes décident de monter leur premier film sur un gangster juif dans un monde où les Blancs ont disparu. Mais le financement est compliqué et la mafia s'en mêle.

Pourquoi on aime ? Seth Greenland nous entraîne à New-York en 1976 dans une intrigue mêlant crime, cinéma et drogue. Dans ce roman, l’auteur révèle les réalités d’une ville en pleine croissance et de la culture newyorkaise. Les années 70, comme un eldorado déjà oublié qui refait surface sous une plume pleine d'esprit.

 

 

18. L'Ultime Testament, Giulio Cavalli, Editions de l’Observatoire, 270 pages, 21 euros

Quelle histoire ? Depuis que les émotions ont été abolies, le petit pays de DF ne s'est jamais aussi bien porté. Du Centre pour l'enfance où sont élevés les nourrissons à la zone pavillonnaire où se voient assignés les adultes, les habitants de DF sont des êtres résolument raisonnables. C'est simple, tout ce qui est susceptible d'émouvoir est interdit : à quoi bon le rouge et le jaune, quand existent le gris 422 et le noir 727 ; finie la notion poussiéreuse de famille, ici le couple est un partenariat à visée reproductive en CDD ; et qui a besoin de musique et de peinture lorsqu'il y a la salle de sport où exsuder ses humeurs ? Aussi lorsque Fausto est surpris en flagrant délit d'émotivité, il n'y a pas de temps à perdre : direction l'hôpital. Mais comment ne plus ressentir quand la doctoresse Anna Cordio est si jolie et que son voisin de chambre cache des livres sous son matelas ? Les habitants de DF sont des êtres résolument raisonnables... jusqu'à l'étincelle. 

Pourquoi on aime ? Giulio Cavalli poursuit son exploration du roman d'anticipation comme arme politique et littéraire. Son Ultime Testament est une œuvre, désespérément drôle, joyeusement tragique. Né à Milan en 1977, écrivain, journaliste et dramaturge, Giulio Cavalli vit, comme son compatriote Roberto Saviano, depuis 2007 sous protection policière pour son engagement dans la lutte antimafia. 

19. La Fille à la Robe Rayée, Ellie Midwood, Faubourg Marigny, 460 pages, 22 euros

Quelle histoire ? Allemagne, 1947. Les tribunaux de dénazification ont commencé à traiter les premiers procès. Un dossier particulier retient l’attention du Dr Hoffman, un psychiatre américain actuellement en poste en Allemagne. Un ancien gardien d’Auschwitz, Franz Dahler, doit comparaître devant le tribunal, et a demandé à faire témoigner un témoin inattendu pour sa défense : l’une de ses anciennes détenues et épouse actuelle, Helena. Silencieuse, sur la retenue et apparemment dépendante de chaque mot de son mari, Helena semble être une victime classique d’abus. Alors qu’elle commence à donner son témoignage, le Dr Hoffman se retrouve de plus en plus confus devant l’image qui émerge progressivement devant ses yeux : le criminel semble devenir le sauveur et l’accusateur, un « chasseur » de nazis nommé Andrej Novák, le criminel. 

Pourquoi on aime ? Basé sur une histoire vraie, ce roman profondément psychologique se situe dans le temps au cœur d’Auschwitz et de l’Allemagne de l’après-guerre. Il ose nous interroger sur le véritable mobile de chaque camp. Pour mieux comprendre ce qui a conduit à l'une des pires abjections ?

20. La Poussière des Souvenirs, Suzanne Abel, Charleston, 560 pages, 22,90 euros

Quelle histoire ? À quatre-vingt-trois ans, Greta vit confortablement dans un très bel appartement sur les bords du Rhin et même si elle aimerait voir son fils, célèbre reporter pour une grande chaîne de télé, plus souvent, elle ne manque pas d’occupations. Seulement, depuis quelque temps, elle ne se sent plus tout à fait dans son assiette, les mots lui échappent, les objets aussi parfois… Mais tout cela est bien normal à son âge, n’est-ce pas ? Ce qui la trouble, ce sont les images qui affluent et la taraudent. Des images du passé qui la ramènent dans l’Allemagne de l’après-guerre, celle des privations, celle de la faim et du froid, mais aussi celle des GI américains et des clubs de jazz, quand elle était encore une jeune fille gaie, débrouillarde… et follement amoureuse. Greta comprend alors que le secret qu’elle gardait soigneusement enfoui est en train de la rattraper et qu’elle ne peut plus lui échapper.

Pourquoi on aime ? Susanne Abel signe un roman qui lève pour la première fois le voile sur un pan méconnu des années de l’après-guerre, le Brown Baby Plan lors duquel des milliers d’enfants allemands arrachés à leur mère furent envoyés aux États-Unis. Un roman autant qu'un document.

21. Éden, Audur Ava Ólafsdottir, Zulma, 256 pages, 21,50 euros

Quelle histoire ? Alba voyage aux quatre coins du monde pour des colloques sur les langues en voie d'extinction. De retour à Reykjavik, elle fait le compte : pour compenser son empreinte carbone, il lui faudrait planter 5 600 arbres. Ni une ni deux, elle repère un terrain de roche, de lave et de sable avec une petite maison. Rien n'est censé pousser là mais Alba y projette déjà une colonie de bouleaux. Peu à peu, Alba tente d'apprivoiser son jardin d'Eden. Elle s'équipe au rayon bricolage de la boulangerie, prête l'oreille à son voisin qui lutte contre un projet d'usine à glaçons, et s'attache à un jeune réfugié prêt à absorber tout le dictionnaire.

Pourquoi on aime ? Ode au pouvoir infini des mots, Éden explore notre faculté à déjouer les paradoxes de l'existence, à nous réinventer. Un régal d'humour et d'humanité. Une écriture unique, à la fois naïve et poétique, particulièrement percutante. 

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