Encensé par la critique américaine, « Flora » est enfin publié en France par les éditons Joëlle Losfeld. A cette occasion, Gail Godwin livre son autoportrait par le texte et l’image pour Viabooks. Elle nous rappelle ce que sa vocation littéraire doit à Françoise Sagan et à Bonjour Tristesse, qui fête ses soixante ans ces jours-ci.
Réalisation Annick Geille
A l’orée du bois où je vais souvent me promener, tôt le matin. Il est à peu près 7h30, à Woodstock dans l’Etat de New York, quand j’ai pris cette photo de moi avec mon portable. Mon premier et probablement dernier «selfie» ! Je le dédie avec affection à mes lecteurs français.
Mon premier roman, The Perfectionists, a été publié en 1970. Permettez-moi de vous raconter comment Françoise Sagan fut à l’origine de mon parcours littéraire. Alors que je me trouvais au bord de la mer, en vacances avec un père très élégant -qui connut hélas par la suite un destin contraire-, je me suis mise à lire un premier roman. Le livre s’appelait Bonjour Tristesse et avait écrit par une très jeune femme dont je ne savais rien. Durant toute cette lecture, je fus envahie par une sorte de nécessité intérieure, dans le sentiment étrange d’une certaine urgence. J’avais dix-huit ans, j’étais étendue dans le sable aux côtés de mon père et la lecture de ce livre m’a rendue furieuse ! Françoise Sagan m’avait piqué mon histoire, celle que j’avais l’intention d’écrire. Même s’il m’a fallu quinze ans avant de publier quelque chose, ce «choc de compétition» fut décisif sur le plan de la création littéraire. Il m’a fait comprendre que je n’avais pas de temps à perdre, et qu’il y avait d’autres personnes telles que moi, à travers le monde, qui vivaient les mêmes expériences.
J’ai monté une maison d’édition afin de publier un livre que j’estimais important. Ce livre s’intitule Sawdust and Incense, il s’agit des mémoires d’un vieux prêtre, Père Gale Webbe. On peut encore le trouver, et ma maison d’édition, St Hilda’s Press, publie toujours ce livre.
Mon premier livre, qui n’a jamais été publié, ni soumis à l’attention d’un éditeur, s’appelle The Man of Possibilities. En français on pourrait dire Un homme de ressources. Il demeure dans mes archives à l’Université de Caroline du Nord. Il parle de mon père, qui s’est suicidé, un an et demi après ce fameux séjour estival avec sa nouvelle femme, où j’ai découvert l’intrigue qu’avait bâtie Françoise Sagan sur le socle des relations entre une fille et son père. J’avais adopté le point de vue du père en vacances avec sa fille qu’il venait de retrouver après dix-sept ans d’absence. On peut dire que ce livre jamais paru m’a appris à écrire. Je dirais que certains passages sont finalement plutôt bons.
Flora est un roman que j'ai entrepris en hommage au Tour d'écrou d’Henry James. Et pour donner ma propre version d’un même thème. Il s’agit d'une gouvernante animée du désir de bien faire, et d'une fillette complexe, en rupture, hantée, comme possédée par d'étranges projets. Au fur et à mesure du processus d’écriture, je me suis sentie de plus en plus proche de mon personnage. Helen, dix ans, est une fillette solitaire, isolée soudain avec sa baby sitter durant tout un été et déterminée à suivre sa pente de petite personne «hantée» par ce que le lecteur découvre au fur et à mesure.
« Certains événements
sont irrémédiables, en revanche, on peut sans doute éprouver un remords
constructif qui transforme des actes déplorables en une expérience utile à la
vie. »
« Je n’y avais jamais pensé en ces termes, mais c’est sans doute le cas. »
FLORA.
(Propos recueillis par A.G.)
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