Même les chiens

Résumé

Pourquoi savons-nous d'emblée que les mots de Même les chiens, de Jon McGregor, ce jeune auteur britannique né en 1976 mais déjà salué par ses pairs, sont avant le regard, qu'ils le changent, que désormais nous voyons avec eux ? « Nous voyons » psalmodie les premières pages du livre, mais nous ne voyons rien justement, car ce pronom personnel au c ur de Même les chiens, nous défait de nous-mêmes. Nous ne voyons plus sur l'écran, à travers, par nos yeux : il nous faut croire, les yeux fermés. [...] Même les chiens est de ces livres qui nous lavent de cette honte [d'être du côté de ceux qui ont l'intelligence]. Nous n'avons pas à nous identifier aux paumés, nous n'avons pas à faire les drogués, à les imiter, mais nous ne sommes pas de l'autre côté, nous ne sommes pas finis, pas morts, nous sommes couchés parmi les chiens. [...] Et c'est parce que nous avons été couchés parmi les chiens que nous pourrons nous lever, nous, les vivants et le mort. [...] Le plus beau du livre est peut-être que, pour finir, l'hommage rendu au mort est l'autopsie elle-même, la minutie des gestes accomplis par la femme aux lunettes à monture noire, le nettoyage qu'elle fait du corps, de tout le corps, le moindre repli de peau, l'observation de tous les organes. [...] Et faut-il que l'écriture de Jon McGregor soit aimante pour que nous n'assistions pas à une scène d'horreur, gore, comme on le dirait d'une scène de genre au cinéma, mais à la levée du corps, à son élévation, car rien de lui, rien en lui n'est indigne d'être vu. --Marilyne Desbiolles, Le Monde