Avril 1937, Guernica. Quand il ne donne pas un coup de main à la ferme du vieux Julian, Basilio passe son temps à peindre des hérons cendrés dans les marais, près du pont de la Renteria. Ce matin du 26, alors que nombre dhabitants ont déjà fuit la ville dans la crainte de larrivée des Nationalistes, le jeune homme rejoint son poste dobservation au bord de leau. Amoureux dune jeune ouvrière de la confiserie, il veut lui peindre un héron de la plus belle élégance, lui prouver sa virtuosité et son adresse de coloriste, alors que, déjà, les premiers bombardiers allemands sillonnent le ciel. Ce nest pas que Basilio se sente extérieur au conflit, il a même tenté de senrôler chez les Républicains, mais on na pas voulu de lui. En ville, on dit de lui quil a un sacré coup de pinceau. Mais qui peut comprendre sa fascination pour ces oiseaux, lénigme de leur regard, leur élégance hiératique, mais aussi leur vulnérabilité ? Peintre naïf, peut-être que ce Basilio, mais surtout artiste qui interroge la question de la représentation. Comment faire pour rendre par le pinceau la vie qui sexprime dans le frémissement des plumes ? Questionnement peut-être plus essentiel encore dans ces temps de cruauté. Car sitôt les premières bombes incendiaires tombées sur Guernica, Basilio rejoint la ville pour voir, de ses propres yeux, lhorreur à loeuvre. Avec laide dEusebio, son ami prêtre, il photographie les avions allemands, pour témoigner de ce massacre. Mais comment rendre la vérité de ce quils sont en train de vivre, ceux de Guernica, dans ce cadre limité de la plaque photo ? « Ce qui se voit ne compte pas plus que ce qui est invisible » dit-il.