Le plus grand succès de la littérature catalane contemporaine arrive enfin en France, sous la traduction de Marie Vila Casas aux éditions Charleston. Avec près d’un million d’exemplaires vendus, 60 rééditions, et de nombreux prix tels que le Prix Joaquim Ruyra ou le Prix Joan Crexells, cet ouvrage n’a plus à faire ses preuves. Analyse d’un succès.
Elle s'appelle Conxa. A 13 ans sa famille décide de l'envoyer chez la tante et l'oncle qui habitent le village de Pallarès, pas trop éloigné de leur village de l'Ermita, dans les Pyrénées espagnoles. Elle est douce, docile, elle fera une parfaite compagnie pour tenir la ferme avec eux, tenir le rôle de l'enfant qu'ils n'ont pas eu. Conxa, elle est cette jeune fille un peu effacée, qui ne parle pas beaucoup mais qui observe… le monde qui l'entoure, l'oncle, la tante, le village, les gens qui le peuplent, les femmes aussi…
« On était nombreux à la maison, ça se voyait. Il devait y avoir quelqu’un de trop. J’étais la cinquième des six enfants, et comme disait la mère, j’étais arrivée parce que Dieu l’avait voulu et il fallait accepter ce qu’Il envoyait. »
Une maison basse bâtie sur une terre aride, six enfants, beaucoup de bouches à nourrir et peu de pain. C’est ainsi que se dessine le destin de Conxa. À 13 ans, elle quitte sa maison, son village et son seul horizon, pour une autre maison dans un autre village, plus loin dans la vallée. Elle va rejoindre l’oncle et la tante qui n’ont pas d’enfant et ont bien besoin d’aide, aux champs et pour les bêtes. Dans les années 1920, au coeur des Pyrénées catalanes, où le sol est si avare que même les riches ont bien peu de chose, les jours s’écoulent semblables les uns aux autres. Mais la guerre qui brûle tout va faire basculer la vie de ces enfants de la terre.
Un roman hors du commun qui nous entraîne avec force et pudeur dans un siècle d’histoire espagnole, de deuils, de révolte et d’amour.
Maria Barbal a fait irruption dans la scène littéraire mondiale en 1984 avec la parution de « Celle qui se taisait ». Considérée comme l’une des voix les plus importantes de la littérature catalane contemporaine, elle est lauréate de 12 prix littéraires, dont le Prix d’honneur des Lettres catalanes pour l’ensemble de son œuvre. Ses romans ont été traduits dans 15 langues. Elle vit actuellement à Barcelone.
Dans ce roman de 1984, Maria Barbal raconte avec beaucoup de sobriété une vie simple, dans les champs catalans. Son héroïne grandit paragraphe après paragraphe, murit puis vieillit tandis que l’Histoire ricoche sur sa vie et atteint sa famille. L'autrice semble faire sienne l'ignorance de ses personnages vis-à-vis de ces soubresauts, victimes de ce qu'ils ne comprennent pas vraiment, de la politique des villes lointaines qui finissent par les attirer, comme à contrecoeur. Conxa découvre la vie avec douceur mais sévérité.
À travers les yeux de Conxa, c'est l'Espagne pauvre des années 1920 qui se dessine ; sa voix nous raconte ce petit peuple, à la vie rude et simple, qui décide de se soulever pour améliorer son quotidien, être considéré autrement… La révolte gronde… la réaction ne se fait pas attendre, le peuple est divisé. Pourtant, il y a de la beauté dans cette vie des champs, dans ce labeur quotidien décrit avec poésie et beauté par cette voix catalane à nulle autre pareille… le paysage se déroule sous nos yeux, tel un tableau de Millet ou de van Gogh.
Dès les premières pages, nous savons que la dureté du texte n'est qu'aux prémices et que la vie de cette petite fille ne sera pas sans peine et celui de femme sera également parsemé d'épreuves. « Celle qui se taisait », c'est marché aux côtés de Conxa au coeur des Pyrénées catalanes en découvrant une jeune femme complexe, amoureuse et courageuse. Parfois effacée et distante, on ressent dans ce roman différentes émotions où seules les pensées dominent. Les chapitres sont courts, franc, pas de fioritures ni de détournements. Maria Barbal va droit au but sans pour autant oublier le dynamisme dans ce roman évoquant brièvement la Guerre espagnole. Une lecture à découvrir sans attendre !
> « Celle qui se taisait », Maria Barbal, éditions Charleston, 198 pages, 19 euros
Les lauréats du Prix Mare Nostrum 2024 vient de livrer la liste de ses lauréats. Chaque lauréat recevra une dotation de 2 000 € pour sa c
Légende photo : en haut de gauche à droite : Deloupy (Les Arènes), Carole Maurel (Glénat), Pierre Van Hove (Delcourt/La Revue Dessinée), Sébast
La Centrale Canine décerne chaque année son Prix Littéraire aux 3 meilleurs ouvrages mettant à l'honneur la relation humain-chien.