Geek dysorthographique et Languedocien, l'auteur Thierry Crouzet surprend son monde dans un essai à tendance "autobiographie professionnelle", titré : "La mécanique du texte", aux éditions Publie.net. Un livre pour mieux comprendre les enjeux des nouvelles formes de lecture, que Lorenzo Soccavo a sélectionné pour Viabooks.
En revenant à la mécanique, et d'abord à celle de l'écriture, l'auteur interroge son propre parcours et d'abord son rapport aux outils. Reprenant la formule de Friedrich Nietzsche dans une de ses correspondances : « Notre outil d'écriture participe de nos pensées. », il développe cette idée au fil de 160 pages qui explorent les enjeux de l'écriture assistée par ordinateur.
Aucunement ennuyeux, ce petit essai est très documenté et argumenté. Certes, quelques-uns pourront lui reprocher sa subjectivité, notamment sur la grande question du code.
Sur ce point l'auteur semble envisager les auteurs à son image. « Un auteur qui ne code pas est-il encore contemporain ? », interroge-t-il faussement. Faussement car il apporte, voire impose évidemment sa réponse. Mais nous pouvons toujours ne voir là qu'une proposition.
« Le code n'a pas à transparaître dans l’œuvre, écrit-il : il en détermine les conditions de production. Un auteur c'est une vision. Mais sans le code comment voir et sentir le contemporain ? Le code est notre drogue, notre stimulant, notre manière d'exacerber nos sens, de percevoir avec force les spécificités du présent. Sans le code, nous restons attachés à des interfaces anciennes, qui ont déjà servi à décortiquer le monde. ».
Au-delà la capacité pour un auteur d'écrire des programmes informatiques générant des textes littéraires – plusieurs exemples sont donnés, le code est à entendre ici comme une manière d'être : « attentif aux formes de médiation numériques », une possibilité de dépasser la ligne d'horizon pour marcher vers le livre à venir.
Éternelle arlésienne des auteurs que ce livre total ! Ne s'agirait-il alors simplement là encore que de la vieille antienne rimbaldienne du : « être absolument moderne », et qui, sous différentes formes, a dû être exprimée de tous temps ? Quoi qu'il en soit, au titre « des interfaces anciennes », nous comprenons bien qu'il nous faut évidemment compter le livre imprimé.
S'il est fort probable qu' « avec chaque nouvelle technologie, de nouvelles possibilités rendent envisageables des œuvres autrement impensables », comme il l'énonce clairement, Thierry Crouzet distingue le code des produits actuellement diffusés voire commercialisés sous la dénomination faussement moderne d'e-book, e-books qu'il qualifie d'ailleurs de : « non-événement littéraire, un épiphénomène », « une façon de contenir la modernité naissante », en renvoyant implicitement le lecteur à ses responsabilités de consommateur et d'être pensant, et en faisant état de ses propres expérimentations en la matière.
L'objectif semble être alors celui de faire reconnaître la métaphore du blog dans l'espace littéraire, mais d'un blog autonome qui serait libéré de tout serveur informatique, qui serait une espèce de chimère à tête de livre imprimé et à corps de site web, ou l'inverse peut-être, ou les deux carrément.
S'il n'est pas question que le livre disparaisse, c'est parce que l'auteur exprime dans le témoignage de ses pratiques, son attachement à ce qui, derrière les métamorphoses de l'objet livre, apparaîtrait inaltérable, et qu'il nous propose d'envisager les actuelles mutations des dispositifs et des pratiques d'écriture et de lecture, comme : « le centre d'une révolution esthétique ». C'est pour cette raison que ce petit essai mérite aujourd’hui une lecture attentive.
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Lorenzo Soccavo est chercheur en prospective du livre, c'est à dire « la mise en perspective historique et l'étude de l'évolution des dispositifs et des pratiques de lecture. » Son dernier livre paru : La Chronique Quichotte, Journal 2012 sur le livre et la lecture face au numérique (Akibooks). Pour acheter le livre, aller sur le site de l'éditeur ou sur le site d'Apple: iBooks.
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