Dans Un coup au cœur (Calmann-Lévy), Emmanuelle de Boysson revient sur l'épisode de son arrêt cardiaque qui l'a plongée dans les abysses d'une mort annoncée...jusqu'à sa renaissance. Aujourd'hui, l'écrivaine a pleinement récupéré « son existence d'avant », même si cette traversée l'a transformée de l'intérieur. Et son livre ne cesse prendre de l'ampleur. Tout récemment une adaptation théâtrale vient de voir le jour. Rencontre avec une écrivaine en « pleine vie ».
De battre son cœur s'est arrêté. Trente minutes. Un trou noir dont Emmanuelle de Boysson a oublié le contenu. Comme si l'ordinateur avait effacé les pages de ces quelques instants d'absence. Comme si la presque mort proche avait nettoyé son souvenir.
L'écrivaine, auteure notamment des Années Solex (Héloïse d’Ormesson, 2017), du bien nommé Que tout soit à la joie (Héloïse d’Ormesson, 2019) revient dans Un coup au cœur (Calmann-Lévy) sur cet abandon d'elle-même, suivie de son retour à la vie et de sa transformation personnelle.
« Il était 17 h 20 lorsque mon cœur s’est arrêté. Je ne me suis aperçue de rien.
Ça s’est passé comme si je m’endormais. C’était doux, presque un soulagement. »
L'héroïne du roman d'Emmanuelle de Boysson s'appelle Emma, version courte de son prénom. Comme si cette attaque l'avait prise de court et qu'aujourd'hui, elle était désormais prête à aller à l'essentiel. Débarrassée des ornements inutiles. Emmanuelle est devenue Emma. Et cela lui va bien.
Nous rencontrons Emma-nuelle de Boysson à l'issue d'un dialogue d'écrivains qu'elle a animé chez l'éditrice Marie-Romaine Panié (fondatrice des éditions Marie Romaine). Rien ne laisse transparaître cet épisode arrivé il y a presque deux ans jour pour jour. Emmanuelle de Boysson rayonne de son sourire à la vie retrouvée, fourmille de projets et de désirs. Rencontre avec une bien vivante.
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Photo : Emmanuelle de Boysson photographiée par Astrid di Collanza- Gallimard
-Emmanuelle de Boysson : J'ai choisi ce prénom en clin d'œil au mien. Il s'agit d'un autre moi. Mais bien de mon récit. Cela me permet de conserver une petite distance par rapport à ce que je raconte, qui est très intime. J'ai déjà écrit des romans d'autofiction. C'est ce qui me correspond le plus. J'aime ce va-et-vient avec ma propre histoire.
-E. de B. : Il est certain qu'on ne revient pas la même d'une telle aventure. Je vois la vie et et la mort autrement. La mort ne me fait plus peur. Je l'ai comme apprivoisée. Elle ressemble à un sommeil. Le dernier souffle ? Il nous échappe. On ne s'en rend pas compte. Il est presque être doux.
-E. de B. : Mon désir de vivre est encore plus fort. Je goûte chaque instant. J'ai développé une plus grande conscience de la valeur de l'existence. Peut-être suis-je revenue des ténèbres pour mieux savourer les choses ? Je suis plus sereine aussi. Mon corps me semble un bien précieux dont je dois prendre soin. Je crois que j'ai été protégée. Je mesure le privilège d'être encore ici. Mon père est mort d'une crise cardiaque. Mon frère a eu une intervention liée à son cœur. Je n'y avais pas prêté attention. Comme si rien de tout cela ne me concernait. Aujourd'hui, je sais que je dois être suivie, faire attention. Par exemple, j'ai arrêté de fumer. Cela n'empêche pas l'énergie, les projets sont plus que jamais au rendez-vous. C'est un peu l'idée d'une seconde vie. Un temps additionnel. Une chance.
-E. de B. : J'avais besoin de laisser des traces de ce vécu. Ma hantise est de perdre le souvenir du réel. Je me dis toujours que « ce que je n'écris pas n'existe pas ». C'est pourquoi je voulais raconter cette histoire qui a été déterminante pour moi. D'autant plus qu'il y a eu ce grand trou noir. Je ne me souviens de rien du tout. J'étais dans mon lit. J'avais mal au dos. J'ai eu un éclair de conscience où j'ai pensé : « je vais mourir ». J'étais déjà dans un état second. Puis, plus rien. Quelques bribes sont revenues plus tard. Mais il y a encore le mystère de cette part manquante. J'ai eu besoin d'écouter les récits de ceux qui m'ont accompagnés pour reconstituer le puzzle.
-E. de B. : Je les ai beaucoup protégés sans tout leur dire au début. Je crois que je voulais aussi qu'ils comprennent ce que j'avais vécu. Car ils n'avaient pas réalisé à quel point j'étais revenue de la mort. Mon cœur s'est arrêté de battre pendant trente minutes : c'est considérable. Certains de mes proches n'ont pas tout de suite ajusté leur comportement à cette situation.
-E. de B. : Je découvre une proximité avec certains. Cela crée un lien avec ceux ou celles qui sont passés par une épreuve du même genre. Cela permet aussi à ceux qui ont vu un de leur proche souffrir ainsi, voire ne pas revenir, de mieux comprendre ce que représente cette traversée. Ces échanges me touchent beaucoup. Ils donnent aussi un autre sens à mon livre.
-E. de B. : J'en suis aux débuts. J'ai plusieurs manuscrits dans mes tiroirs, l'un porte sur une résistante, mais je crois qu'on écrit ce qui vous correspond au moment même, comme une rencontre amoureuse. Il s'agira de l'histoire d'une résistante. Je ne peux vous en dire plus !
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