Gotlib naît le 14 juillet 1934 à Paris. Il meurt le 4 décembre 2016 à Paris. Sa vocation est précoce : tout môme, il tartine les murs de l’appartement familial de graffitis que son père lessive chaque dimanche : “Mes gravures rupestres disparaissaient comme par magie, et je disposais toujours de surfaces bien propres pour recommencer à tout dégueulasser.”
Après une scolarité sans histoires, il devient comptable à l’Office commercial pharmaceutique (le jour), tout en faisant les Arts appliqués (le soir) et du théâtre amateur (le dimanche).
Cette activité dominicale donne un résultat inattendu : répétant chez un copain dont le père est dessinateur, il est galvanisé par l’exemple, porte son dossier à Mickey et gagne une place de lettreur dans les studios d’Edi-Monde. Après 28 mois de service militaire en Allemagne, il dépose en 1962 un dossier chez Vaillant, et part en vacances sans prévenir. Quand il revient, on le cherche partout : il est engagé. Il crée Nanar et Jujube, série dans laquelle va naître Gai Luron, qui finira par piquer la vedette à tout le monde. Mais ce qui l’obsède, c’est Pilote. Il en rêve la nuit sans oser y aller. De temps en temps, il appelle la rédaction et raccroche.
Enfin, mort de trac, il s’y présente un jour de 1965 avec un échantillon de son labeur — six pages racontant les affres d’un dessinateur d’humour.
La bande dessinée de l’époque étant plutôt portée sur les héros comme Tintin ou Tarzan, et pas du tout sur les affres d’un auteur comique en panne, il n’y croit pas beaucoup.
Il a tort : Pilote le publie et Goscinny lui propose de travailler avec lui sur les Dingodossiers.Ce qui fait de Gotlib un homme honoré et heureux, mais vachement crispé, vu qu’il ne se sent pas à la hauteur de l’honneur qui lui est fait.
De plus, il passe son temps à dessiner des embouteillages et des phares bretons — Goscinny adore lui faire dessiner ça — et ses copains l’engueulent : il faut qu’il se trouve un héros, ce style de BD ne mène nulle part.
Mais ce diagnostic s’avère nul, puisque Les Dingodossiers le mènent tout droit à la Rubrique-à-Brac, série avant-gardiste née en 1968 et devenue mythique. C’est là qu’il devient une star que tout le monde reconnaît dans la rue, à cause de sa manie de s’auto-dessiner avec son duffle-coat et sa couronne de lauriers.Dans la foulée, Gotlib scénarise les Clopinettes pour Mandryka, Cinémastock pour Alexis
(un joyau de rigolade burlesque) et crée Hamster Jovial dans Rock and Folk. En1972, il lance l’Echo des Savanes avec Bretécher et Mandryka. Il en profite pour se défouler sur des choses interdites aux moins de douze ans, comme le sexe, Dieu et la scatologie, dans le seul but de faire rigoler les copains et sa crémière.
En réalité, l’explosion de l’Echo des Savanes éclabousse largement le monde de la bande dessinée et débouche sur la création d’un tas de fanzines et autres “territoires libérés”.La même année, il crée avec Jacques Lob Superdupont, et le premier album lui vaudra deux coups de fil : un de Coluche qui souhaite incarner le héros franchouillard au cinéma — ça ne se fera pas — et un de Savary qui souhaite le monter en comédie musicale — ça se fera en 1982. En 1975, avec son copain Jacques Diament, Gotlib fonde
Fluide Glacial, où il crée les aventures dégoûtantes de Pervers Pépère, tout en signant une foule d’éditos hilarants.
Côté cinéma, il co-scénarise en 1975 Les vécés étaient fermés de l’intérieur (de Patrice Leconte, including Coluche).
On l’aperçoit en 1986 dans Je hais les acteurs, de Gérard Krawczyk, et il est (évidemment) le héros de My name is Gotlib, court-métrage de Patrice Leconte commandé par la télé et jamais diffusé.
En 1991, il est intronisé Grand Prix d’Agoulême, et, selon la coutume, une exposition lui est consacrée l’année suivante, EuroGotlibLand.
En 1993, il publie chez Flammarion J’existe, je me suis rencontré, roman autobiographique bourré d’humour et d’émotion, où il raconte sa vie d’enfant juif pendant l’Occupation. uelques années plus tard, il concrétise un rêve d’enfant en réalisant pour Canal + une série d’animation “culturelle”.
On y voit la coccinelle de la Rubrique-à-Brac faire le zouave parmi des œuvres d’art mondialement réputées, signées Michel-Ange ou Léonard de Vinci.
De cette série naîtra un album instructif et désopilant, Rubrique-à-Brac Gallery.