Je me nomme Mael. Quelle que soit l’époque, je sais que c’est mon nom.
J’ai touché la Pierre, la mémoire de mes vies.
J’ai ouvert un nouveau codex in octavo, trempé ma plume dans une encre noire comme une aile de corbeau et commencé à écrire mes passés et mes futurs…
Au commencement, je n’ai pas choisi.
[…]
Je regardai fixement la main, je m’en souviens parfaitement. Elle était fine, mais portait de nombreuses petites traces de blessures et des cals dans la paume. Les ongles étaient épais et cassés. C’était une main de travailleuse. Elle avait une bonne odeur de terre. J’en avais déjà vu de semblables, mais je ne rappelais plus où. Le souvenir était là, à ma portée, mais je n’arrivais pas à le saisir. Je n’eus que la vision fugitive d’une femme de même gabarit, dansant devant le soleil couchant.
J’attrapai la main.
Elle était douce et fraîche. Ma grosse main brune, abîmée, maculée de crasse et de sang contrastait singulièrement avec elle. En d’autres temps, j’en aurais eu honte. Là, cela me parut simplement différent.
Je montai sur le cheval de l’un des brigands, une vieille jument mal soignée. Elle eut un mouvement de recul à mon approche. Mon odeur ne devait pas la rassurer. Je parvins tout de même à rester en selle et sa nervosité diminua en marchant sur le chemin.
Devant moi, sur sa propre monture, la femme tenait les brides des deux autres bêtes, tout aussi mal traitées. J’étais heureux d’avoir tué ces hommes, rien que pour cela.
Guidé, sans rien d’autre à faire, je me laissai aller à la rêverie. Je revis la Pierre de Folie que j’avais touchée et me plongeai dans un antique souvenir que je n’avais jusqu’alors qu’effleuré.