Spécial Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême

Sélection : 3 BD à ne pas manquer

Alors que le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême se tient du 30 janvier au 2 février 2025, voici notre sélection de 3 BD à ne pas manquer ce mois-ci. : un roman-fleuve adapté pour la première fois en BD, une enquête policière Art nouveau dans la Bruxelles des années 1960, une destinée hors du commun qui confronte réussite et transmission : chez Viabooks comme à Angoulême, la BD est à l'honneur ! 

1. Gone with the Wind en BD, il fallait oser !

Adapter le pavé de Margaret Mitchell en bd, ses 1027 pages, sa guerre civile et son amour impossible, n'est pas une mince affaire. La preuve : depuis 1936 et la sortie du livre, depuis 1939 et le succès que l'on sait au cinéma, cela ne s'était jamais fait. Il y avait bien eu après le film plusieurs comédies musicales et un ballet, mais rien sur des planches de papier. Oubli réparé avec le Gone with the wind signé Pierre Alary, dont le 1er tome paru en avril 2023 évitait l'écueil d'être "une adaptation de l'adaptation" - comprendre une version dessinée du film - et nous avait déjà réellement emballé. 

Fluide, rythmé et coloré...

Mise en scène somptueuse, personnages au design aussi fort que leur caractère, découpage digne du grand écran et dialogues au scalpel : ce 1er tome révélait une adaptation fluide, rythmée et colorée, aux décors bien plantés sur fond  de guerre, de terre et de chair. La réussite continue avec le second et dernier tome paru le 8 janvier 2025. On connaît l'histoire de Scarlett O'Hara et Rhett Butler à travers le roman comme sous les traits de Vivien Leigh et Clark Gable. Le monde de l'une s'écroule, l'autre anticipe celui de demain. Au début du tome 2 la jeune héritière sudiste désargentée est prête à tout pour conserver Tara, le domaine familial. Comme scier et vendre du bois après l'incendie d'Atlanta.

... un pari réussi !

Le dessin semi-réaliste joue la carte de l'émotion avec succès et le récit celles du chat et de la souris : Pierre Alary, ancien des Gobelins, de Disney et déjà adaptateur de plusieurs romans en bd, fixe ses personnages en commençant par leurs yeux. Le lecteur aussi, plongé dès les premières cases dans l'ocre et le fauve d'une ville brûlée par l'incendie comme d'autres par les sentiments. Chaos libérateur ou dévastateur ? Margaret Mitchell donnait à voir et entendre chaque personnage sans le juger. Pierre Alary aussi, avec sa propre traduction et son adaptation. S'il gomme des personnages secondaires, l'épisode du KKK absent du film lui, est rétabli. Intense et fidèle, Gone with the Wind nous emporte avec ses acteurs, leurs tirades qui font mouche et ses jeux permanents d'ombre et de lumière. "J'ai fait 300 pages sans m'ennuyer une seconde" nous confiait Pierre Alary. On les lit de la même façon. Pari réussi !

 > Gone with the wind, tome 2 - Pierre Alary - Rue de Sèvres - 160 pages, 27 €

 

2. Maison du Peuple 65

"Bruxelles ma belle" chante l'auteur-compositeur à la ville de son coeur comme d'autres chantaient Michèle. Les amoureux de la capitale de l'Union Européenne et ceux de la bd franco-belge goûteront avec délice  la 6ème aventure de Kathleen Van Overstraeten, l'ancienne hôtesse de l'air devenue journaliste. Et chacun se rassurera : on peut lire cet album sans connaître la série. L'action se passe à Bruxelles avec un détour par Venise. Nos guides ont pour noms Patrick Weber, Baudoin Deville et Bérengère Marquebreucq.

Au début de l'histoire...

Depuis 1958 un vent de modernité souffle sur la capitale belge et pourrait tout emporter sur son passage, y compris certains édifices conçus par Horta parmi lesquels sa célèbre et incomparable Maison du Peuple. Un Congrès International d'architectes réunis à Venise prend la défense du patrimoine laissé par le pionnier de l'Art nouveau à Bruxelles. Les promoteurs immobiliers ne l'entendent pas de cette oreille et sont prêts à tout pour arriver à leurs fins...

Un album superbe, classique et rafraîchissant

Horta est à Bruxelles ce que Guimard est à Paris ou Gaudi à Barcelone. Sur la base de faits réels et avec une précieuse documentation - un dossier de Patrick Weber en présente une synthèse illustrée et commentée - cet album lui rend hommage et rétablit une justice absente dans les années 1960. Les auteurs font la part aussi belle à l'action qu'à leurs personnages et aux décors d'une facture classique heureuse et réussie. Les crimes et l'enquête policière se fondent dans un jeu de piste pour résoudre une énigme laissée par Horta lui-même. Si on sait vite qui tue et pourquoi, le mystère et le charme planent sur un album où Bruxelles brille de tous ses feux. Comme Kathleen et sa nouvelle amie, entreprenantes et décidées, dans un dessin souple au trait clair, rond et chaleureux.

>Maison du Peuple 65 - Patrick Weber (scénario), Baudouin Deville (storyboard et dessin), Bérengère Marquebreucq (mise en lumière) - Editions Anspach - 64 pages, 16,50 €

 

3. Le Secret de Miss Greene, une entente parfaite

Auteur vivant dont la bio officielle livre déjà l'épitaphe, "Et bien heureusement il devint scénariste, pas dessinateur", Nicolas Antona troque son île de beauté pour Paris par amour et pour enseigner. Ses scénarios pour le 9ème art honorent sa devise, "l'imagination gouverne le monde". Libre et tenace, la jeune dessinatrice belge Nina Jaqmin partage ces deux traits avec plusieurs de ses héroïnes de papier. A la tête d'une dizaine d'opus, elle a signé entre autres George Sand - ma vie à Nohant chez Glénat et décrypté La Mystérieuse Affaire Agatha Christie pour Futuropolis. 10 ans après leur premier album et merveilleux duo chez Les Enfants rouges La Tristesse de l'Eléphant, Nicolas Antona et Nina Jaqmin se retrouvent et leur entente parfaite crève à nouveau les cases.

New-York, 1898

A la fin du 19ème siècle, les lois Crow étendent la ségrégation à tous les Etats-Unis d'Amérique. Au nord comme au sud, dans la vie comme dans les transports en commun, la moindre goutte de sang africain dans vos veines trace votre destin, à l'écart des blancs, loin du rêve américain. La peau de Belle Greene affiche la pâleur des pages des livres qu'elle adore et à la conservation desquels elle aimerait consacrer sa vie. Qu'importe ! La "One-Drop Rule" la voit noire et classe ses aspirations au rayon des illusions perdues. A moins de renier ses origines et de se faire passer pour blanche, cela s'appelle le "passing"...

Un destin usurpé ou une vie libérée ?

Alexandra Lapierre et son Belle Green (Flammarion) Prix Historia 2021, révélaient un destin inouï que l'histoire aurait pu oublier sans les lettres d'amour de son héroïne. La jeune afro-américaine passionnée de livres rares qui gravit tous les échelons jusqu'à diriger la bibliothèque de JP Morgan se trouve aujourd'hui un écrin graphique parfait. Nicolas Antona déroule un fil chronologique sensible et vivant, intime et social. La fille d'un activiste noir devenue la femme la mieux payée des Etats-Unis et la coqueluche du grand monde, y affronte aussi bien le regard des autres que le sien. Le trait unique et personnel de Nina Jaqmin donne à cet être écartelé et au monde qui l'entoure toutes leurs dimensions. Un régal qui fait réfléchir.

> Le Secret de Miss Greene - Nicolas Antona (scénario), Nina Jaqmin (dessin et couleur) - Le Lombard - 152 pages, 22,95 €

0
 

En ce moment

BD : Le Palmarès complet du 52ème Festival d'Angoulême

Le Festival de la BD d'Angoulême vient de se terminer. Voici l'ensemble du palmarès.

FIBD Angoulême : « Deux Filles Nues » de Luz , Fauve d'or du meilleur album

« Deux Filles Nues » de Luz reçoit le Fauve d'or du meilleur album au FIBD Angoulême.

Le Fauve Jeunesse 2025 pour « Retour à Tomioka »

« Retour à Tomioka » de Michaël Crouzat, le dessinateur, les coloristes Clara Patiño Bueno et Andrès Garrido Marti, ainsi que 

Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême : Anouk Ricard, lauréate du Grand Prix 2025

Après Posy Simmonds en 2024, c’est Anouk Ricard qui est élue par ses pairs Grand Prix de la 52ᵉ édition du Festival International de la Bande Dessi

Le TOP des articles

& aussi