« Ma mère, Zita Feifer, n’en parlait jamais.
Elle avait été, elle et son frère, mystérieusement épargnée de la déportation, alors que sa famille proche avait semble-t-il, disparue dans les convois du printemps 44.
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Elle avait ce tropisme si peu contemporain de n’être pour rien au monde victime.
Aussi n’aimait-elle pas cet État ( juif ) dont l’essence à ses yeux était d’exposer une cicatrice indélébile à la face du monde.
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La sœur et la mère de mon père étaient morts à Theresienstadt. Pour lui, Israël au nom béni était le lieu de la réparation et du génie juif.
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N’écoutez pas votre mère, c’est une antisémite.
Elle est juive, osait-on remarquer.
Ce sont les pires ! Les pires antisémites sont les juifs. Il faut que vous appreniez ça.
Qu’est-ce qu’on a besoin d’Israël ? disait maman, regarde tous les problèmes que ça crée.
Les juifs ont besoin d’Israël.
On a besoin d’être juif ? On n’est même pas religieux.
Elle ne comprend rien.
Les enfants ne se sentent pas juifs. Vous vous sentez juifs les enfants ?
A qui la faute ? Remue le couteau dans la plaie ! A qui la faute si les enfants ne se sentent pas juifs ? Ma faute ? Oui, la mienne car je t’ai écoutée ! Ils n’ont reçu aucune éducation, ils ne savent rien, mes fils n’ont même pas fait leur bar-mitsvah ! Je m’en veux, je m’en veux terriblement de ne pas m’être montré plus ferme.
Ils ont fait une colonie de vacances juive.
Des communistes !
Pour transmettre il faut donner l’exemple Edgar.
Et qui donne l’exemple ? Qui est le pilier de la maison dans une famille juive Marta ? La femme ! C’est la femme qui allume les bougies !
Les bougies !…, soupirait ma mère. »