Je pense avoir eu une belle enfance. Je n’ai manqué de rien, ni d’amour, ni d’amis, ni de copains mais peut-être de la présence d’un père. Notre mère s’est bien occupée de nous, et je lui en suis reconnaissant.
Somme toute, j’ai grandi avec mes forces et mes faiblesses. À l’adolescence, cela a été une autre paire de manches.
Par exemple, sur le plan scolaire, j’ai été un piètre collégien. Toujours au fond de la classe, proche du radiateur. Nul en orthographe et en grammaire, un cancre en mathématiques. En résumé, une catastrophe ambulante.
Je suis inscrit en 6e F d’un collège classé en Z.E.P. (Zone d’éducation prioritaire) de Lucé en Eure-et-Loir.
Dans l’établissement, grosso modo, plus la dénomination de la classe chemine dans l’alphabet, plus le niveau des élèves est faible. C’est bien connu, le poisson commence à puer par la tête.
J’accumule les difficultés.
Dans cet ordre d’idées, je me souviens d’une dictée mémorable rédigée en classe de 6e F. En effet, durant l’exercice, j’ai fait un nombre vertigineux de fautes de syntaxe… Sachant que les copies sont notées sur 20 points, que chaque faute correspond à un point en moins ! Je te laisse imaginer la prouesse… Un texte inexprimable même pour un linguiste chevronné. Du grand art !
Pis encore, puisqu’il s’agissait, au dire du professeur de français, de l’une des meilleures (pires) performances de l’année pour la classe.
Un record dont je me serais bien passé. Une situation embarrassante, à plus forte raison, car je suis délégué de classe. Un comble ! Je n’en mène pas large.
Sitôt l’exploit validé, il s’ensuit une volée de bois vert de la part de l’enseignant après quoi une mise au pilori, tant et si bien que je suis condamné toutes affaires cessantes.
Notre professeure de mathématiques, une certaine Madame D., est un vrai tyran. Qui plus est, elle n’est pas avare en sous-entendus égrillards à l’encontre de certains collégiens.
L’abus n’excluant pas l’usage, bizarrement, elle nous a dans le collimateur.
On ne l’aime pas. Elle nous le rend bien. Comme chat et chien.
De sorte que nous sommes collés, avec les compagnons d’infortune que sont Rachid S. et Asdine, quasiment une semaine sur deux.
Collés à vous. Une belle perspective de carrière.
Quant aux autres enseignants, comme presque tous les suiveurs, qui s’entendent comme larrons en foire, ils s’arrangeaient pour ne guère se soucier de notre sort.
Obnubilés, voire hypnotisés par l’ampleur de la tâche.
Du fait des lacunes, nous étions les cancres de service. Les cas parmi les cas. Fait aggravant, nous n’étions pas franchement de type caucasien. Au bout d’un moment, cela a fini par se savoir.
Partant de cela, je collectionne les heures de retenue jusqu’à plus soif, les punitions à rallonge, les convocations de ma mère chez le proviseur, et autres griefs sur le cahier de liaison et sur le bulletin scolaire.
Pour ne rien arranger, première certitude, j’étais tantôt nonchalant, tantôt insolent. Ajoutez à cela une dyslexie latente et le tour est joué.
Une autre certitude, je n’aimais pas du tout l’école. Une perte de temps pour tout le monde.
À n’en pas douter.
Dès la fin de l’année scolaire de 5e, le conseil de classe propose une orientation en filière technologique au grand dam de ma mère.
Entre autres difficultés, il faut dire que je suis à quelques encablures du décrochage scolaire.
En tout état de cause, je suis orienté sur la voie de la technologie au lycée professionnel de Lucé.
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