Tandis que l’on chauffait le lit, la mère déshabilla la jeune fille et, aussitôt que celle-ci fut étendue, elle, examinant le corps à la lueur d'une bougie, découvrit immédiatement les signes fatals à l'intérieur des cuisses. Incapable de se contenir, elle jeta la bougie et se mit à pousser des cris si effrayants qu'ils auraient suffi à emplir d'horreur le cœur le plus ferme. Ce ne fut pas un cri ou un hurlement unique : l'effroi s'étant emparé de ses esprits, elle tomba tout d'abord en pâmoison ; mais, sortie de son évanouissement, elle courut par toute la maison, montant et descendant l'escalier comme une folle, et elle l'était en effet ; elle continua ainsi de crier et de hurler durant des heures, ayant perdu toute raison ou du moins toute maîtrise de ses sens. Elle ne la recouvra d'ailleurs jamais entièrement, m'a-t-on dit. Quant à la jeune fille, c'était déjà une morte, car la gangrène qui produit les taches s'était étendue à tout le corps, et le décès se produisit dans les deux heures. Et la mère continua de crier, ne sachant rien de plus sur son enfant, plusieurs heures encore après qu'elle fut morte. Cela se passait il y a si longtemps que je n'en suis plus très certain, mais je crois bien que la mère ne se remit jamais et qu'elle mourut deux ou trois semaines après.
C'était là un cas extraordinaire, c'est pourquoi en ayant eu si pleine connaissance je m'y attache plus particulièrement ; or, il y en eut beaucoup de semblables, et il était rare que le bulletin parût sans qu'y figurassent deux ou trois décès sous la rubrique « peur », et l'on pouvait bien dire que ceux-là étaient morts de peur