L’auteur de La Compagnie (Buchet-Chastel) s’empare d’un épisode décisif de l’histoire de Léon Trotski avec l’art du suspense qu’on lui connaît. Dans Bronstein dans le Bronx (Flammarion), Robert Littell livre la chronique d’une catastrophe politique et géopolitique annoncée qui continue à avoir des répercussions gravissimes. Glaçant.
Chez les Littell, on ne se cache pas derrière son petit doigt. Le père Robert Littell s’est emparé d’une histoire (romancée) de la CIA, parue en France sous le titre La Compagnie aux éditions Buchet-Chastel. Son fils Jonathan s’est attaqué avec non moins de courage au cerveau nazi avec Les bienveillantes. Après avoir écrit le pamphlet De l’agression russe, il a livré Un endroit inconvénient, également paru chez Gallimard, et illustré par le photographe Antoine d’Agata. Le récit se situe à Babyn Yar, qui a vu « le massacre en 1941 des Juifs de Kyev, puis de dizaines de milliers d’autres victimes ».
De New York à Moscou, en passant par Kyev et la Kolyma, il n’y a qu’un pas. Que les Littell franchissent d’un trait de plume. Non sans recherche documentaire, connaissance des abysses de l’âme (si l’on ose la qualifier ainsi face à ces évocations du totalitarisme en acte), et un talent de plume rare. Si Robert Littell s’est emparé de la visite de Lev Davidovtich Bronstein à cause d’une homophonie avec son grand-père, Leon Litzky.
Une similitude patronymique qui crée des confusions difficiles à porter. Pour se délester de cet héritage pour le moins gênant, l’auteur des Légendes et La Peste sur vos deux familles, a choisi l’écriture et son genre préféré qui mêle espionnage et histoire, psychologie et politique.
Comment diable Lev Bronstein – alias Zratski - a-t-il été autorisé à rejoindre Moscou à la veille de la révolution bolchevique ? Robert Littell démêle un jeu en sous-sol comme il en a le secret en confrontant les Services Secrets et l’adepte de la violence industrialisée à des fins politiques. Son interlocuteur au bureau des Investigations n’est pourtant autre qu’John E. Hoover. Une rencontre digne du cinéma.
Romanesque également le dialogue intérieur que Trotski entretient avec sa conscience avant de l’enterrer bel et bien pour se lancer dans son combat totalitaire sans merci.
Croustillant cet épisode où les quelques proches de Trotski lui font comprendre que les communistes américaines (si l’on ose l’oxymore) sont prêts à des évolutions mais certainement pas à la révolution (à l’opposé de l’échiquier la frontière du tolérable et de la démocrature est désormais moins claire).
Glaçants, les portraits psychologiques de ces brillants esprits de tortionnaires en puissance. « Quelles nouvelles des camarades, Boukharine ? », [interroge Léon Trotski]. – « Le vieux n’a pas changé, me répondit-il en secouant la tête. Il n’est pas à l’aise avec la notion de désaccord honnête. La vérité, c’est que Lénine a du mal à supporter quiconque doté d’un cerveau. »
Cette semaine épique aura les conséquences que l’on connaît et qui continuent de briser l’existence de millions d’êtres humains et de faire florès chez de beaux esprits avec une malhonnêteté intellectuelle elle aussi abyssale.
Chacun a joué son rôle, les défenseurs de la démocratie et du monde libre et les adeptes du crime organisé au service du pouvoir d’un seul et du culte de la personnalité. Preuve qu’il n’est pas possible d’empêcher les catastrophes totalitaires même si on les voit arriver gros comme une maison – n’oublions pas cet adage germanopratin et cryptomarxiste « Plus c’est gros, plus ça passe ». Mais on ne perd rien à essayer. On en a le devoir.
Qu’une lueur d’espoir, tout de même, soit permise et de mentionner que mon ami Daniel Arsand et éditeur de Klaus Mann en France organise le 6 mars 2025 à la Maison de l’Europe, à 18.30, une rencontre qui réunira « tous les artisans de l’élaboration et de la promotion de Contre la barbarie, livre de Klaus Mann qui a, hélas, tant d’échos aujourd’hui », je cite Daniel.
Venez nombreux !
> Bronstein dans le Bronx, de Robert Littell. Traduit de l’anglais par Cécile Arnaud. Flammarion, 234 pages, 21 euros. > Pour acheter le livre, cliquer sur le lien
> Maison de l'Europe >> Lien vers le site
Le Festival de la BD d'Angoulême vient de se terminer. Voici l'ensemble du palmarès.
« Deux Filles Nues » de Luz reçoit le Fauve d'or du meilleur album au FIBD Angoulême.
Après Posy Simmonds en 2024, c’est Anouk Ricard qui est élue par ses pairs Grand Prix de la 52ᵉ édition du Festival International de la Bande Dessi