« Dans la lecture à haute voix, il n'y a pas de règles possibles, c'est vraiment un art ». Frédéric Verger, invité du Festival Livres en tête samedi 25 novembre, nous parle de sa passion pour la lecture et de son dernier roman Les rêveuses (Gallimard), un récit sur l'étrange destin d'un prisonnier de guerre en fuite qui trouve refuge dans un couvent.
Dans son second roman, Frédéric Verger plonge son lecteur dans un univers où le rêve et le réel se confondent. Le destin vertigineux de Peter, prisonnier de guerre en fuite qui usurpe l'identité d'un mort, se donne à lire comme un conte mélodieux et cruel.
Frédéric Verger : Le récit se déroule pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est l'histoire d'un jeune homme allemand qui s'est engagé dans l'armée française et qui prend l'identité de quelqu'un d'autre au moment de la défaite pour échapper aux représailles. Il va être ramené dans la famille de celui dont il a pris l'identité. A partir de là, un tas d'événements vont arriver qui ne correspondent pas à ce qu'il attendait.
F.V. : L'idée est justement qu'il n'y a peut-être pas de différence entre les deux. C'est même un peu le sujet du livre.
F.V. : Pas beaucoup, je ne me souviens pas vraiment des sujets de mes rêves. Mais il m'arrive d'avoir des rêves qui sont véritablement des histoires avec un aspect narratif assez complet.
F.V. : J'essaie d'inventer des rêves assez courts, des images ou des situations très brèves, qui vont correspondre à des motifs du roman.
F.V. : Oui. Il faut toujours qu'il y ait une chanson pour commencer le livre. Dans celui-ci, il s'agit de l'air que chantent les deux cousines, qui est une chanson d'Offenbach. J'ai aussi pensé aux chansons populaires d'Yvette Guilbert, la façon dont elle les chante, la couleur que ça a.
F.V. : Oui, c'est une chanson qui les représente, et qui revient dans différents motifs et différentes situations.
F.V. : Dans un sens oui. Mais je suis en même temps attaché à une dimension réaliste. J'aimerais que l'onirisme et le réalisme s'équilibrent dans le livre pour qu'il y ait une impression de réalité assez forte.
F.V. : Peut-être une fantaisie, au sens romantique, quelque chose d'un peu libre dans la forme mais où s’entrelaceraient des motifs assez serrés, comme dans les fantaisies de Schumann.
F.V. : Le religieux est présent en arrière-plan. Si ce motif est lié à d'autres dans ce roman c'est autour de l'idée du mystère, pas forcément inscrit dans le mystère religieux, mais le mystère de la vie.
F.V. : Oui. Dans l'histoire, on s'imagine aussi que Blanche est prisonnière de ce couvent, et le couvent est un lieu ambigu, associé à la figure de la religion, de l'emprisonnement.
F.V. : La vue sans doute. Mais, assez naturellement, ils sont tous présents.
F.V. : Ça dépendrait tout de même du contexte! (rires) La vie est un théâtre qui n'est pas très bien contrôlé, pas très bien improvisé, et le jeu dépend de la scène sur laquelle on se trouve. Ici, par exemple, je suis dans une situation particulière, je ne sais pas trop laquelle d'ailleurs, donc j'adopte instinctivement un certain ton, un personnage que j'imagine correspondre à la situation. L'idée, c'est qu'on ne joue pas un rôle indépendamment de la scène sur laquelle on est jeté.
F.V. : Oui, sans doute. Sauf que pour elle il n'y a plus de différence entre la réalité et ce qu'elle imagine, ce qui est un peu une définition de la psychose. Mais toute démarche qui repose sur l'imagination obéit à la même logique, même si c'est de façon non-maladive chez l'écrivain.
F.V. : J'envisageais de faire non pas une suite mais un système d'échos. Je voulais développer l'idée mais cela aurait alourdi le texte, structurellement ce n'était pas satisfaisant. Donc il n'y a que ce clin d’œil.
F.V. : Ici, les bruits de la guerre seraient ceux du camp, le crépitement des bûchers.
F.V. : Non. J'écris avec une petite écriture... Ma seule particularité, c'est que lorsque j'écris une scène je commence par noter des éléments sans continuité, dans le désordre, que je sépare sur la page pour ne pas donner d'impression de continuité. Un peu comme un peintre qui ne peint évidemment pas en suivant un ordre mais qui tantôt trace quelque chose à gauche, tantôt à droite, qui finit par se rejoindre.
F.V. : Oui, c'est amusant. C'est moins de la méchanceté qu'un recueil de mots d'esprit, un peu ironiques, un peu moqueurs, ce qui est toujours amusant, et peut-être plus facile à écrire.
F.V. : On retrouve le conte par certains aspects. Pour ce qui est de l'oralité, oui et non, car c'est une narration où beaucoup d'éléments d'intériorité entrent en compte.
F.V. : Le bruit du vent.
F.V. : Dans n'importe quelle condition.
F.V. : C'est un livre dans lequel il faut se laisser aspirer, c'est le genre de livre à lire au lit, dans une vieille maison, par une nuit pluvieuse.
F.V. : Le frisson du détail.
F.V. : La voix c'est beaucoup dire, mais le ton oui.
F.V. : On n'entend pas vraiment sa propre voix. J'évite d'entendre la mienne.
F.V. : C'est terrible comme question! La perte de l'ouïe est peut-être plus terrible.
F.V. : Non, mais j'essaie de dire les phrases pour les entendre sonner.
F.V. : La structure du livre est fondée sur un paradoxe entre la continuité et les ruptures. Le roman qu'on attend se casse, se transforme en un autre qui commence, dans une série de cassures et de ruptures. Et en même temps, de façon plus souterraine, il y a une continuité dans les motifs, les thèmes, ce qui arrive au personnage.
F.V. : Cela m'évoque des pratiques anciennes. Les gens, dans ma famille par exemple, se réunissaient naturellement le soir, et quelqu'un lisait un livre que les autres écoutaient. C'est une pratique commune qui a disparu.
F.V. : Oui. C'est sans doute lié aux transformations des sensibilités.
F.V. : Pas sûr...
F.V. : Tout dépend de la personne, de la façon de lire.
F.V. : C'est difficile à imaginer. Le texte a un aspect plutôt théâtral, mais le fond de la narration doit être lu de façon assez neutre. Pour certains livres mettre le ton est une bonne chose, pour d'autres c'est plus difficile.
F.V. : Dans la lecture à haute voix, il n'y a pas de règles générales, c'est vraiment un art.
F.V. : Pas tellement, sauf si les gens s'ennuient et vont lire dans un coin (rires).
F.V. : Cela ne m'évoque rien du tout! Ce sera justement assez intéressant, assez curieux à voir. Le mot bal lui-même, déjà, est curieux, c'est un mot ancien, qui nous ramène au conte.
Propos recueillis par Fanny Boutinet et Marie-Sophie Simon pour Les Livreurs
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