Un jour (Belfond) du romancier anglais David Nicholls relate l’évolution de la relation amour-amitié d’un homme et d’une femme dans le Londres des années 80 aux années 2000. Une histoire emblématique des romances modernes, plus près de Harry rencontre Sally que de Roméo et Juliette, qui emporte le lecteur sans crier gare sur plus de 500 pages et qui vient de faire l’objet d’une adaptation au cinéma. David Nicholls qui a reçu pour ce livre le Galaxy Books Awards en 2010 (Le Goncourt anglais) , confie à Viabooks ses petits secrets d’écrivain, ses doutes sur les relations entre les hommes et les femmes… et sa passion de l’écriture.
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Nous avons rendez-vous dans un de ces hôtels du quartier latin qui sonnent tellement français pour un anglais et tellement anglais pour un français. David Nicholls porte un costume de coton sombre. Il parle avec une voix douce et semble beaucoup plus timide que sur la photo tout sourire donnée par la maison d’édition. Il ne boit jamais de thé, expliquant qu’il doit être le seul britannique à ne pas apprécier ce breuvage et se prépare à répondre à nos questions avec le courage d’un soldat de sa Majesté the Queen. Interview.
-David Nicholls : Un jour est une histoire d’amour, c’est comme cela que je l’ai écrit et pensé. L’amitié est certainement une des formes d’amour de notre vie, et ceci est plus que jamais vrai aujourd’hui. Si je pense à mes parents qui sont toujours restés mariés ensemble et ont centré leur vie sur leur cellule familiale, alors oui, je peux dire qu’en quelques décennies la société a changé totalement. Nous sommes entrés dans l’ère du « variable ». Mais pour autant les sentiments sont intenses. Pour moi Dexter et Emma vivent une grande histoire d’amour. Ce n’est pas comme dans Roméo et Juliette. Cet amour va prendre plusieurs visages, ses frontières sont elles-mêmes changeantes, les protagonistes vont suivre une carte du Tendre sinueuse, mais peu importe, c’est cela l’amour. Et en ce sens oui, emblématique peut-être d’une époque.
-D.N : Concrètement il me fallait une date qui corresponde à peu près à la fin des cours d’Université, donc il fallait que ce soit en Juillet. Ensuite, j’ai choisi précisément le 15, parce qu’il n’a aucune signification, ne correspond à aucune date officielle. Je trouvais intéressant qu’il existe une totale neutralité. De manière sous-jacente, il existe un petit proverbe en Angleterre qui dit que s’il pleut le 15 Juillet, tout l’été sera pluvieux. Alors je me suis dit que même si ce 15 Juillet n’avait pas de signification directe, il servait de signal de « quelque chose ». Et cette date sert bien de repère. C’est un « remember me », l’écho d’un pacte. Même si parfois, les héros du livre oublient la date, quelques évènements finissent toujours par la leur rappeler.
-D.N : Nostalgique je ne sais pas. Mais j’écris aussi sur ce que j’observe. Beaucoup de mes amis de l’Université ont pris des voies prévisibles, d’autres pas. Dans les années 50 les vies étaient tracées pour beaucoup, ce qui pouvait être sécurisant mais aussi enfermant. Aujourd’hui, on peut changer de voie ou de vie, hésiter, rêver… Inévitablement on rencontre des désillusions au fur et à mesure qu’on avance, mais aussi des grandes surprises. Mon héros Dexter réussit très bien sa vie professionnelle, mais il bouge beaucoup, il trouve aussi des limites y compris dans sa propre « vanité ».
-D.N : C’est un peu une obsession chez les britanniques. La première chose qu’on demande est « Que font tes parents ? ». Ceux qui ont des parents qui travaillent, la « working class » en tirent une sorte de fierté, mais ils ne seront jamais comme ceux qui sont des héritiers et qui gèrent un patrimoine . Ceux-là ont des « occupations » c’est très différent. Il y a un fossé énorme entre les classes sociales et l’accès à certaines écoles est quasi-impossible à ceux qui ne font pas partie du « petit cercle ». Emma vient d’un milieu de petite middle-class. Elle n’a pas autant confiance en elle que Dexter qui lui vient de l’Upper Class et qui est conditionné pour se considérer supérieur.
-D.N : J’aime beaucoup ce personnage, même si je ne l’idéalise pas. Je voulais faire d’elle celle qui a toujours la réaction juste, celle dont on dit « elle est la best personne dans la pièce ». Je lui ai un peu transmis mes valeurs !
-D.N : J’admire beaucoup Gustave Flaubert. Merci de faire un parallèle avec lui ! Oui, un peu. J’ai mis beaucoup de certaines de mes préoccupations chez elle, notamment une sorte d’insécurité.
-D.N : Dexter est très actif. Il voyage, réussit, marque de son empreinte le monde. Alors il est souvent égoïste et ambitieux. Il me semble qu’il s’améliore au fur et à mesure du livre. A la fin, il a 43 ans, et on peut penser que désormais il va davantage se recentrer à l’essentiel. Emma est au fond sa « meilleure part ».
-D.N : La Grande Bretagne a connu deux décennies qui ont été extraordinairement stimulantes. Vers la fin des années 80, elle sortait d’un long tunnel de crise et elle s’est tournée vers une sorte de résurrection de la mode, la musique. Les années 90 ont été comme une grande fête, avec ses excès, l’extasy, la cocaïne. Il était intéressant de se servir de ces années en toile de fond de la jeunesse.
-D.N. : Le tournage du film est terminé. Un producteur m’a contacté très vite après la sortie du livre pour l’adapter au cinéma. J’ai écrit le script moi-même car je voulais m’impliquer dans le projet. C’est un exercice très différent, car c’est un processus d’écriture qui s’inscrit dans un projet d’équipe, si bien qu’il convient de tenir compte de nombreux paramètres. Mais c’était passionnant. Le film devrait sortir vers Septembre 2011.
-D.N : Charles Dickens, mon premier « amour », Il est un écrivain qui sait admirablement raconter les histoires tout en représentant la topographie sociologique d’une époque. J’admire aussi beaucoup les grands écrivains américains comme Philipp Roth, Saul Bellow, J.D. Salinger. Un écrivain me touche particulièrement quand il a une ambition populaire et humaniste.
-D.N. : Je ne sais pas encore, car je suis encore complètement absorbé par Un Jour. Certainement un livre plus court et ce ne sera pas une histoire entre un homme et une femme !
David Nicholls, Un jour, Belfond
Traduit de l'anglais par Karine Reignier
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