Au fil des mois, des années, chacun gardant son rang, les rapports iront se rapprochant, à l'occasion d'un déjeuner au Sybarite, de conversations autour de Robbe-Grillet, de Claude Simon, de Duras, menées dans l'étroit escalier de la maison d'édition, haut et mince comme son patron. Ce premier roman passera inaperçu. Il faudra attendre le refus du suivant et la publication de Cherokee récompensé par le prix Femina pour que Jean Echenoz "fasse sa place en littérature". Cette place a évidemment peu d'importance dans cet ouvrage pudique, quand bien même l'écrivain sera couronné en 1999 du prix Goncourt pour Je m'en vais. Jean Echenoz masque ici son émotion pour mieux parler de Jérôme Lindon. Et d'apprendre ainsi que l'éditeur aime changer le titre des manuscrits, qu'il préfère le singulier au pluriel, qu'il a horreur des états d'âme, qu'il n'est pas un "père substitutif, confesseur ou thérapeute" mais demeure terriblement attaché à ses auteurs. Tout l'intérêt de ce petit recueil réside justement dans la pudeur. Celle de l'auteur, celle de l'écriture, dans ces à-côtés de l'histoire d'une rencontre, d'une relation peu ordinaire, entre un écrivain et l'une des grandes figures de l'édition, disparue au printemps 2001. --Céline Darner