Implacables, violentes et ironiques à la fois – un mélange a priori explosif – les pages hallucinées de ce récit ressortissent d'un constat effrayant : tout un chacun peut un jour démissionner de lui-même, abdiquer de la société et se retrouver, à l'image de Lee Stringer, en quête d'un peu de chaleur et d'argent. De galère en déprime, d'humiliations en aliénations multiples, Un hiver à New York n'est pourtant pas le texte d'un désespéré : celui, plutôt, d'un homme au parcours aussi noir que sa peau, et qui trouvera la rédemption dans l'écriture. À force de vendre les récits des autres, Stringer aura en effet la bonne idée d'utiliser le crayon avec lequel il bourra le crack dans sa pipe pour… écrire sur sa condition ! Journal intime, observation sociologique et miroir autobiographique en même temps, ces confessions d'un drogué des années quatre-vingt-cinq n'épargnent ni l'American way of life ni les rudes codes de la vie des rues. Le principal défaut des drogués, note-t-il in fine, c'est "leur incapacité à affronter un monde qui refuse de se plier à l'image d'ordre et de perfection à laquelle nous aspirons tous, au fond. Pour un drogué, c'est l'Eden ou rien." Un absolu qui ne laisse pas de faire les pires ravages aujourd'hui encore. Frédéric Grolleau