Colm Tóibín vient de recevoir le Prix spécial du jury Femina pour l'ensemble de son œuvre. L'écrivain irlandais n'a pas son pareil pour sonder l'âme humaine, sans concession. Dans son dernier livre « Long Island » ( Grasset), on retrouve son héroïne Eilis Lacey découverte dans « Brooklyn ». Un personnage féminin puissant et profond, qui a touché au cœur la chroniqueuse Littéraflure.
Un homme, deux femmes, des amours contrariés, un enfant illégitime… Des ingrédients dont des auteures faciles (Grimaldi, Valognes, Giordano, Martin-Lugand, Da Costa et consors) feraient un truc bourratif et larmoyant, truffé de pathos et de sentimentalisme.
Ce n’est pas le genre de Colm Tóibín qui, plutôt que de nous ensuquer avec des déclarations mielleuses et des roulages de pelles au coucher de soleil, préfère suggérer (ex. p.190), distiller, nous faire une place dans le cœur et la psyché de ses personnages (ex. p.302). C’est moins spectaculaire mais plus profond. Dans « Long Island », on s’excuse presque d’être amoureux.
Eilis, la protagoniste de ce roman, a quitté les États-Unis et sa belle-famille d’origine italienne pour retrouver son Irlande natale. En traversant l’Atlantique, elle sait qu’une page de sa vie se tourne, qu’elle croisera les fantômes de sa jeunesse et qu’elle n’en sortira pas indemne. Un voyage dans le temps qui bouleverse son présent et questionne son futur.
Cette tension donne à l’auteur un angle parfait pour aborder les thèmes universels du déracinement, du premier amour, de l’engagement et de cette impossibilité, à moins d’être une perruche ou un manchot, de rester avec le même partenaire tout au long de sa vie.
Colm Tóibín nous apporte aussi une confirmation, Mesdames : plutôt que d’avoir le courage d’affronter sa solitude, un homme préfère toujours la compagnie d’une femme qu’il n’est pas sûr d’aimer.
Une inoubliable passion amoureuse, après le chef-d’œuvre du Magicien, par un des maîtres de la fiction contemporaine.
Tout bascule lorsqu’un inconnu à l’accent irlandais frappe à la porte d’Eilis Lacey. Après vingt ans de mariage, Tony et elle profitent du confort offert par les années 1970 aux familles américaines. Installés à Long Island, ils ont deux enfants, bientôt adultes, et mènent une vie tranquille où les seuls tracas proviennent de l’oppressante belle-famille italienne d’Eilis. Mais en apprenant au seuil de sa maison que Tony l’a trompée et qu’une autre femme attend un enfant de lui, ce bonheur patiemment construit vole en éclats.
Sans promesse de retour, elle part en Irlande, à Enniscorthy. Rien n’a changé dans sa ville natale, ce monde clos où, de générations en générations, tout se sait sur tout le monde. Alors qu’il a repris le pub familial, même Jim Farrell est resté tel qu’il était vingt ans plus tôt, pendant l’été qu’Eilis et lui avaient passé ensemble, bien qu’elle fût déjà secrètement fiancée à Tony. La blessure du départ d’Eilis est toujours vive mais son retour ravive cet amour de jeunesse – et l’Amérique s’éloigne plus que jamais…
Situé à l’interstice entre deux mondes, Long Island offre des retrouvailles bouleversantes avec Eilis Lacey dont les lecteurs de Brooklyn se souviennent encore. Quinze après la publication de ce best-seller, Colm Tóibín fait la démonstration magistrale de ses talents de romancier avec un inoubliable portrait de femme.
>Long Island de Colm Tóibín, traduit de l’anglais (Irlande) par Anna Gibson. Grasset, 400 pages, 24 euros >> Pour acheter le livre cliquer sur ce lien
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Littéraflure est le pseudonyme de critique littéraire d'une auteure qui a déjà publié cinq romans et dont l'identité est inconnue. Prochainement elle fera paraître ses Confessions d'une chroniqueuse littéraire.
Son credo : « Je porte aux nues et souvent j’érafle pour que vive la littérature ! »
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