« Déjà le bruit court en ville. Tout le monde a entendu la sirène, vu l’hélicoptère jaune et rouge du secours en mer aller et venir. Tout le monde sait qu’il y a eu un accident, qu’il y a eu des morts et au moins un blessé grave. Dans un état critique, dit-on. Cette nuit, certains racontent qu’ils ont été réveillés, qu’ils ont senti comme une secousse, ou ce n’était peut-être qu’un pressentiment. Au fond du fjord, sur les hauteurs des montagnes, le glacier a connu une sorte de glissement de terrain ou de tremblement de terre. Tout le monde sait déjà que la journée sera longue. Et ce n’est que la première.
Il en faut peu parfois, il suffit d’un accident, d’un grain de sable dans l’équilibre fragile des jours, pour que tout s’écroule sans prévenir.
Il suffit d’un rien. Le temps coule depuis si longtemps. Les secondes s’ajoutent aux secondes. On n’y pense pas. Et puis soudain, c’est comme s’il y en avait une de trop. Elle n’est la cause de rien, cette seconde-là n’est pourtant pas différente des autres, elle n’est qu’un grain de sable de plus, mais soudain, comme dans un sablier, c’est tout le tas qui glisse et qui s’effrite et qui s’effondre sous elle. »