Six nouvelles presque disparues de Francis Scott Fitzgerald ont été réunies dans un recueil au titre volontairement sombre : Bien des manières de se fêler (L'Apprentie). Six variations sur les femmes et l'amour dans l'Entre-Deux-Guerres.. Six pas de danse qui s'évanouissent dans la nuit des rêves inaccessibles. Un livre à lire comme on écouterait une musique de jazz langoureuse, qui se terminerait dans l'aube enfumée d'un bar abandonné.
Il y a des écrivains du bonheur, d'autres de l'angoisse, d'autres encore de la nostalgie. Il y a aussi ceux qui aiment la gloire ou ceux qui affectionnent les ombres de l'échec. Francis Scott Fitzgerald appartient à la famille des nostalgiques qui rêvent toujours d'un passé qui n'est plus, ainsi qu'à celle des goûteurs d'échec, qui n'aiment rien tant, que ce moment où le sublime est déjà condamné. Le magnifique éclat de la décadence. La jouissance de la chute. Et de la nuit.
Cette nuit que le mythique écrivain américain a honorée d'un titre mythique, Plus tendre est la nuit, inspiré d'un poème de Keats : « Tendre est la nuit… mais il n'y a plus de lumière », son plus célèbre roman après Gatsby le magnifique. Une nuit dont les étoiles sont les femmes et l'amour, mirages éternellement désirés et perpétuellement inaccessibles. Le charme irrésistible des désespérances à la magie élégante.
Alors, quand un éditeur annonce la publication de six nouvelles quasi-inédites de Francis Scott Fitzgerald, on ne peut qu'être intrigué, attiré par ces promesses de nuits aux éclats fulgurants. Bien des manières de se fêler (L'Apprentie) livre une prose bien Fitzgeraldienne, en un jeu de miroirs qui place derrière la Zelda de Gatsby, d'autres héroïnes féminines en mal d'absolu : Caroline, Sara, Amanda, Judy, Alida... Frêles silhouettes séduisantes, à la fragilité inversement proportionnelle à leur capacité d'attraction. Les récits sont de valeur inégale, mais tous ressemblent à des scénarios de films. C'est fou comme aujourd'hui Francis Scott Fitzgerald aurait probablement écrit des scénarios pour Hollywood ou Netflix. Cette façon qu'il a de parler d'une maison, de planter un décor et de raconter une histoire qui passe et puis s'en va... De laisser dans son sillage un parfum de frustration, juste suffisamment pour qu'on ait envie de passer à l'épisode suivant.
Pourquoi cette attraction malgré les maladresses, qui n'échappent pas aux clichés ? On parle d'un monde qui se noie dans le champagne et qui hésite entre un dîner et un bal... Des dilemmes qui peuvent nous sembler bien lointains, voire futiles aujourd'hui. Et, pourtant, si Fitzgerald nous séduit toujours autant, nous lecteurs, c'est qu'il parle d'amour. Souvent impossible, souvent contrarié, mais tellement magique. Amour qui peut aller jusqu'au sacrifice suprême. Flamme qui dévore et transporte, quand il nourrit le rêve d'un voyage en train ou d'une première danse.
« Il eut alors conscience d'être seul avec Alida - ses parents n'avaient pas attendu. Elle l'interrogeait du regard, légèrement ironique. Si bien qu'il l'entraîna vers la piste de danse, tête haute, mais saisi d'un imperceptible vertige. La dernière chose au monde qu'il s'était attendu à faire : être contraint d'ouvrir le bal de Chaucey Rikker. »
Ces nouvelles ont été écrites de 1922 à 1935. Elles illustrent une époque, celle de l'Entre-Deux-Guerres. La crise de 29 qui voit s'effondrer quelques grande fortunes, d'autres qui se forment sur les ruines des déchus. Et surtout, une période pendant laquelle toute une société croit encore sauver les apparences. On a voulu oublier la Première Guerre et en aucun cas imaginer qu'il y en aura une Seconde. Cette génération vit sur les fantômes de la précédente et les dénis de la suivante. Ce qui donne une intensité particulière à cette danse au dessus du volcan :
« Avant la guerre , cette ville n'était qu'un village, fit remarquer la vieille Mrs Forrest.
-Forest parle de la Grande Guerre, lui expliqua Eleanor.
-On se transige pas sur certains principes, dit Pierce Winslow. »
Se fêler pour vivre ou vivre sans se briser... un exercice de funambule. Toutes les nuances de la fêlure se trouvent dans ces nouvelles qui font revivre une époque. Lorsqu'une génération fiévreuse s'essayait à l'insouciance, alors qu'elle avait déjà perdu le combat de la paix. A lire en écoutant Night and Day de Cole Porter ou Murder at the Vanities de Duke Ellington. En 1936, Billie Holliday allait chanter Summertime. Comme une dernière pirouette, avant la chute.
> Francis Scott Fitzgerald, Bien des manières de se fêler, Préface : Stéphane Maltère, Traductions de : Nathalie Barrié, Thierry Gillybœuf, Pierre Guglielmina et Jacques Tournier, Editions L'Apprentie, 216 pages, 14 euros >> Pour acheter le livre, cliquer sur ce lien
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