Moi, les mots, j'aime bien. J'aime bien les phrases longues, les soupirs qui s'éternisent. J'aime bien quand les mots cachent parfois ce qu'ils disent; ou le disent d'une manière nouvelle.
Quand j'étais petite, je tenais un journal. Je l'ai arrêté le jour de la mort de maman. En tombant, elle a aussi fait tomber mon stylo et se fracasser plein de choses. »
par Grégoire Delacourt. JC Lattès, 2012
Le brouillard recouvrait la terre. Les phares de la voiture se reflétaient dans les lignes à haute tension qui s’étiraient le long de la route.
Il n’avait pas plu mais, à l’aube, l’humidité s’abattit sur la terre et les feux dessinèrent des taches rougeâtres sur l’asphalte mouillé. On sentait la respiration du camp à de nombreux kilomètres : les fils électriques, les routes, les voies de chemin de fer se dirigeaient tous vers lui, toujours plus denses. C’était un espace rempli de lignes droites, un espace de rectangles et de parallélogrammes qui fendaient la...
J'avais quelque- fois une fâcheuse tendance à abuser des maximes, à la manière de ces écrivains qui se font l'éducateur de leurs lecteurs, telle une irrésistible inclination, par ailleurs j'avais mis trop longtemps, et peut-être toute ma vie, à comprendre que le couple était une mauvaise blague, comme le péché, la culpabilité, le pardon, le bonheur, et toutes ces plaisanteries, que le monde tournait encore en son sein grâce à ces mensonges auxquels les gens croient dur comme fer, et ce n'était pas plus mal que si on se mettait tous à avouer la vérité, toute la vérité...
Paris, je ne pouvais pas espérer mieux, je m'estimais chanceuse, surtout parce que je m'étais dit qu'ici c'était le lieu idéal pour tout réparer, oublier, j'y croyais en plus, jusqu'à l'affreux creusement du vide, l'inévitable miroir déformé du temps, le sentiment que je n'étais nulle part à ma place, que n'importe où ailleurs serait une effraction dans la mauvaise existence, alors je fis demi-tour et claquai la porte derrière moi, c'était bien réfléchi, juste une étoile qui s'effondrait sur elle-même...
Le MMWR, le bulletin épidémiologique hebdomadaire publié aux États-Unis par les centres de prévention et de contrôle des maladies (CDC), compte peu d’abonnés en France. Parmi eux, Willy Rozenbaum, qui dirige le service des maladies infectieuses de l’hôpital Claude-Bernard à Paris. À trente-cinq ans, avec sa moto, ses cheveux longs et son passé de militant au Salvador et au Nicaragua, l’infectiologue détonne dans le milieu médical parisien.
Le matin du vendredi 5 juin 1981, il feuillette le MMWR de la semaine qu’il vient de recevoir à son bureau. On y...
D’où vient qu’à certaines minutes privilégiées de notre vie, minutes de vacuité apparente et de tension très basse où nous nous abandonnons au courant et marchons vraiment où nos pieds nous mènent, la paroi volontaire qui nous mure contre l’infini pouvoir de suggestion embusqué dans les choses soudain flotte et se dissout, – rendant à une sorte de pesanteur native et aveugle ce qu’il faudrait bien appeler notre matière mentale pour en faire la proie d’attractions sans réplique, et déchaînant en nous un sentiment confus à la fois de sommeil du vouloir et de presque...
Voici le résumé de « Opticon Tessour (1950-2049 philosophe et président de la République française » :
Notre ancien président Opticon Tessour n'est plus.
Joël Carobolante, qui fut le préfacier de deux de ses livres, nous apporte ici son témoignage sur la vie et la philosophie de celui qui fut notre président de la République le plus âgé, mais aussi le plus épris de sagesse.
Il retrace ici les grands événements de ses mandats, et récapitule quels furent les enseignements d'Opticon Tessour sur le bonheur et les grands principes de la République.
Assieds-toi Alex, ce soir je vais te raconter une histoire tout à fait extraordinaire. On va s’attaquer à un monument du rock américain : les Beach Boys.
Un jour pti’ frère, quand on fera notre road trip aux States, on finira par passer la frontière californienne. Alors jaillirons les frissons et l’énergie bouillonnante de l’Etat le plus créatif du pays ! Et c’est là Alex que le leader des Beach Boys, Brian Wilson, l’un des plus grands créateurs de la musique occidentale du XXème siècle, composa plus de deux-cents tubes pour son groupe. Un groupe pourtant...
Au mois d’août 1913, Valdas allait avoir quinze ans et c’est alors que les décors du monde tombèrent.
Tout paraissait pourtant si calme à l’Alizé, la grande maison de son père, Guéorgui Bataeff, une bâtisse mauresque (« tatare », disaient les jaloux), agrémentée d’un vaste jardin et de plans d’eau, « à l’andalouse ». La Crimée vivait dans une lenteur agréablement provinciale et seuls les jeunes invités des Bataeff apportaient de l’excitation – électrique – le mot devenait alors à la mode. Le père recevait des artistes...
« L’effort est pénible, mais il est aussi précieux, plus précieux encore que l’œuvre où il aboutit, parce que, grâce à lui, on a tiré de soi plus qu’il n’y avait, on s’est haussé au-dessus de soi-même. […] Les philosophes qui ont spéculé sur la signification de la vie et sur la destinée de l’homme n’ont pas assez remarqué que la nature a pris la peine de nous renseigner là-dessus elle-même. Elle nous avertit par un signe précis que notre destination est atteinte. Ce signe est la joie. Je dis la joie, je ne dis pas le plaisir. Le plaisir n’est qu’un...
Il est un jugement que l'entendement le plus commun lui-même ne peut s'empêcher de porter, lorsqu'il réfléchit sur l'existence des choses dans le monde et sur l'existence du monde lui-même : c'est que toutes les diverses créatures, si grand que soit l'art de leur organisation ou si varié que puisse être le rapport qui les lie finalement les unes aux autres, et même l'ensemble de leurs systèmes si nombreux, que nous nommons incorrectement des mondes, existeraient en vain, s'il n'y avait pas des hommes (des êtres raisonnables en général) ; c'est-à-dire que sans les hommes la...
S'il faut admettre que bien agir et être heureux sont une même chose, il s'ensuit que, pour un État, en général, et pour chaque homme en particulier, la vie la meilleure est la vie active. Mais il n'est pas nécessaire, comme quelques-uns se l'imaginent, que cette activité se porte sur les autres, ni que l'on considère uniquement comme actives les pensées qui naissent de l'action, en vue de ses résultats ; ce sont bien plutôt les spéculations et les méditations qui n'ont d'autre fin ni d'autre cause qu'elles-mêmes. Car la bonne conduite est leur fin, et par conséquent, c'est...
Dans le plus petit comme dans le plus grand bonheur, il y a toujours quelque chose qui fait que le bonheur est un bonheur : la possibilité d'oublier, ou pour dire en termes plus savants, la faculté de se sentir pour un temps en dehors de l'histoire. L'homme qui est incapable de s'asseoir au seuil de l'instant en oubliant tous les évènements passés, celui qui ne peut pas, sans vertige et sans peur se dresser un instant tout debout comme une victoire, ne saura jamais ce qu'est un bonheur et ce qui est pareil ne fera jamais rien pour donner du bonheur aux autres. Imaginez l'exemple...
Le bonheur est beau à voir; c’est le plus beau spectacle. Quoi de plus beau qu’un enfant ? Mais aussi il se met tout à ses jeux; il n’attend pas que l’on joue pour lui. Il est vrai que l’enfant boudeur nous offre l’autre visage, celui qui refuse toute joie; et heureusement l’enfance oublie vite; mais chacun a pu connaître de grands enfants qui n’ont point cesser de bouder. Que leurs raisons soient fortes, je le sais; il est toujours difficile d’être heureux; c’est un combat contre beaucoup d’événements et beaucoup d’hommes; il se peut que l’on y soit...
Etre heureux c’est apprendre à choisir. Non seulement les plaisirs appropriés (il parlait d’Épicure dans le chapitre précédent), mais aussi sa voie, son métier, sa manière de vivre et d’aimer. Choisir ses loisirs, ses amis, les valeurs sur lesquelles fonder sa vie. Bien vivre, c’est apprendre à ne pas répondre à toutes les sollicitations, à hiérarchiser ses priorités. L’exercice de la raison permet une mise en cohérence de notre vie en fonction des valeurs et des buts que nous poursuivons. Nous choisissons de satisfaire tel ou tel plaisir ou de renoncer à tel autre...
PRÉAMBULE : UN COLLOQUE BIEN PARTICULIER
Un colloque bien particulier
Au début des années 2000, à Beer-Sheva en Israël, aux portes du désert du Néguev, se tient un colloque sur le jojoba, plante assez mal connue du grand public et pourtant fort intéressante à plusieurs points de vue. Au cours de cette réunion entre spécialistes de cette espèce et de la propagation des végétaux, la découverte d’un cadavre vient perturber considérablement la sérénité des travaux.
Un colloque organisé en Israël sur les plantes n’est pas chose fréquente. Par ailleurs, qu’il...
Désormais, un seul verre suffisait à entraîner mon père dans un puits fangeux dont il émergeait difficilement. Je pouvais présager son état au nombre de sonneries de téléphone claironnant dans le vide et lorsqu’il décrochait enfin, sa voix pâteuse me faisait regretter mon appel car elle augmentait ma peine. Je poursuivais ce rituel de mauvaise grâce, le prix à payer pour le savoir vivant.
Christel LACROIX
Du même auteur :
- Asteria Rubens (roman) chez K.Ed. Éditions
- Les Abysses d'un Songe (roman) aux Éditions Terriciae
- J'ai entendu respirer les Couleurs (roman) aux Éditions Hugues Facorat
- Au vestiaire des Anges (recueil de poésies) aux Éditions Hugues Facorat
- Les derniers sentiments Cathares (roman) aux Éditions Ovadia Au Pays Rêvé
- Climat sur Mesure au soleil du septième sous-sol (roman) aux Éditions Ovadia Au Pays Rêvé
- Les Neiges éternelles de l'Atlantide (roman) aux Éditions Ovadia Au Pays Rêvé
- Mon Arbre à Lire...
Il est vingt et une heure et Paul n’est toujours pas rentré du cabinet médical. Cela fait au moins trois fois que je sors le gratin dauphinois du four, et je crains qu’à force d’y retourner, il finisse par devenir un « gratin carbonisé ». Et puis, les petites s’impatientent et luttent avec le sommeil. Heureusement, demain ce sera samedi, et elles pourront dormir plus longtemps…
— C’est quand que papa vient nous lire une histoire ? S’impatiente Lise.
— Maman… pipi ! Dit alors Lou-Rose.
— Ah non… cela fait au moins six fois que tu me le dis...
« Madame, vous avez une tumeur. »
Le professeur Alain Kerradec ne cessa pas un seul instant de fixer le troisième œil de sa patiente. Celle-ci demeura interdite.
« Rassurez-vous, Madame Parizot » enchaîna-t-il, « cette tumeur est bénigne. Elle peut cependant se montrer dangereuse et elle a d’ailleurs déjà commis quelques dégâts. »
« Des dégâts ? » balbutia la patiente, d’un ton des plus inquiets.
- Oui, des dégâts. Vos osselets ont déjà été attaqués par ce que nous appelons un cholestéatome et c’est ce qui explique en...