Tous les extraits

Le Portrait de Dorian Gray (Classiques t. 569)

Le portrait de Dorian Gray

Non, vous ne le croyez pas encore. Un jour, lorsque vous serez vieux, flétri, laid, lorsque la pensée aura creusé ses rides sur votre front, que les jeux horribles de la passion auront brûlé vos lèvres, alors vous le comprendrez, vous le sentirez cruellement. Maintenant, où que vous alliez, vous enchantez le monde. En sera-t-il toujours ainsi ?... Vous avez un visage merveilleusement beau, M. Gray. Ne protestez pas. C'est la vérité. Et la beauté est une forme de génie, elle est même supérieure au génie, puisqu'elle se passe d'explication. Elle est une des grandes merveilles du...
ET SI ...

Et si...

Debout, figée, je me sens comme aspirée par ce trou. Vais-je y tomber ? Pourrais-je y sauter ? Hébétée, ma rose à la main, je tremble. Le sol tourne sous mes pieds. Dans mon dos, je sens tous ces regards : peinés, curieux, témoins de l’impensable, inquiets aussi. Ils me portent, mais ils m’agressent, comme tout, en ce jour funeste. Tout me poignarde. Je meurs avec elle. Encore plus en arrière se dresse la petite chapelle romane que nous venons de quitter. Je sais que la croix s’élève bien haut, et même sans la voir, elle m’attire à elle, me donne le...
MAUVAIS GARÇON Guide de survie pour les cancres

Mauvais garçon - Guide de survie pour les cancres

Je pense avoir eu une belle enfance. Je n’ai manqué de rien, ni d’amour, ni d’amis, ni de copains mais peut-être de la présence d’un père. Notre mère s’est bien occupée de nous, et je lui en suis reconnaissant. Somme toute, j’ai grandi avec mes forces et mes faiblesses. À l’adolescence, cela a été une autre paire de manches. Par exemple, sur le plan scolaire, j’ai été un piètre collégien. Toujours au fond de la classe, proche du radiateur. Nul en orthographe et en grammaire, un cancre en mathé­matiques. En résumé, une catastrophe ambulante. Je suis inscrit...
Fuir les mots

Fuir les mots

Un crayon à la main, Claire a envie de griffonner ce qui lui passe par la tête. Et pour commencer, tous ces mots en M  : mentir, malade, médecin, merdique, mort, mortalités, murs, monstres, maison, métamorphose, matrice, mer, montagne, monde…Mathilde. Les aligner ces mots, qu’ils émergent, qu’ils disent, qu’ils s’éclatent.
Fuir les mots

Fuir les mots

Concernant son départ, il n’y a rien à dire. L’arrivée des mots, prématurés, risque d’ériger des digues. Toute tentative pour décrire, circonscrire, rassurer, colmaterait la brèche avant même de l’avoir inventoriée. Une certitude s’impose. Garder le silence. Fuir les mots, ceux qui vous capturent et vous emprisonnent comme un lasso.
Sido

Sido

D’autres jours, je me vois poussée hors de moi-même et forcée de concéder une large hospitalité à ceux qui, m’ayant cédé leur place sur la terre, ne se sont qu’en apparence immergés dans la mort. L’onde de fureur qui monte en moi et me gouverne comme un plaisir des sens : voilà mon père, sa blanche main italienne tendue vers les lames, refermée sur le poignard à ressort qui ne le quittait pas. Mon père encore, la jalousie qui me rendit, autrefois, si incommode… Docilement, je remets mes pas dans la trace des pas, à jamais arrêtés, qui marquaient leur chemin du...
Là où chante la colline

Extrait de là où chante la colline

Moi qui ne pleurais qu'en de rares occasions, je venais de puiser dans mon stock de perles de chagrin...
Là où chante la colline

Extrait de la partie de pêche

Le chemin qui menait à la rivière me parut moins pénible que celui que j’avais emprunté un peu plus tôt dans la journée. Les pieds dans l‘eau jusqu‘aux chevilles, Tayel se colla derrière moi et m‘enlaça de ses bras solides ; ensemble nous pointâmes l’arc en direction de l‘eau. Il effleura ma joue de son visage avec une extrême douceur, puis me chuchota à l’oreille les instructions à suivre ; je pouvais sentir son souffle chaud sur ma nuque, et son cœur battre à travers mon dos. Mes bras et mes mains tremblèrent sans que je puisse les contrôler, je...
Là où chante la colline

Extrait du livre Là où chante la colline

« Fais du bien ton corps, pour que ton âme ait envie d’y rester. »
Vaste est la prison

Vaste est la prison

Le plaisir pour moi, comme pour beaucoup de femmes, s'avivait à la sortie du bain. L'antichambre, tapissée de matelas, de nattes, où l'on vous servait à satiété oranges épluchées, grenades ouvertes et du sirop d'orgeat, devenait havre des délices. Les parfums se mêlaient au-dessus des corps des dormeuses, ou autour de celles qui, frémissantes, s'habillaient lentement tout en dévidant de menus commérages. Je m'allongeais, je somnolais, j'écoutais. Ma belle-mère déployait son linge de satin et ses robes de taffetas. Elle veillait maternellement sur moi, tout en saluant telle...
Beyrouth sentimental

Beyrouth sentimental

J ’ai posé mon front sur le cœur du pays du Cèdre et je vis avec les pulsations de Beyrouth dans la tête. Depuis toujours. J’ai rencontré des savants, des miliciens, des prêtres, deux divas, quatre présidents, deux béatitudes, des vagabonds, des émirs, des pêcheurs, des milliardaires, des généraux, un blindeur de voitures, un armateur, des poètes, des moines, des soldats, un joaillier, une infirmière, une étudiante, des avocats, des écrivains, des barmen de rooftop, une braqueuse de banque, un ancien de la France libre, des archéologues, des Antigone blondes ou brunes,...
LES DERNIERS SENTIMENTS CATHARES

Les derniers sentiments cathares

De tous les temps le chiffre sept a revêtu un symbolisme mystique. On le retrouve dans de nombreux domaines comme s'il était la clé de toutes les interrogations de l'être humain, toujours assoiffé de quête mystérieuse, d'explications scientifiques ou tout simplement chimériques... Toi, lecteur, tu as certainement déjà pensé à ce chiffre sept... - les sept jours de la semaine ‑ les sept merveilles du monde ‑ les sept péchés capitaux ‑ les sept apôtres de Jésus ‑ les sept planètes du vieux monde ‑ les sept collines de l'arc-en-ciel ‑ les sept mers du...
Désenchantées

Désenchantées

Les gens qui t’expliquent qu’avant de mourir tu vois défiler tes souvenirs ne sont clairement jamais morts. Moi, la seule chose que je vois défiler, c’est un faux plafond en liège, des néons blafards et des silhouettes en blouse qui me poussent à toute vitesse vers un ascenseur en hurlant des mots que je ne comprends pas. Des souvenirs, je n’en ai plus. On ne ressasse pas le passé quand on n’a plus d’avenir. Crois-moi, j’aimerais qu’ils défilent, ne serait-ce que pour gagner un peu de temps avec toi. J’aimerais revoir mon enfance sur un écran, en sépia, peut-être...
Bouche-à-bouche

Bouche-à-Bouche

J’étais assis devant ma porte d’embarquement à l’aéroport JFK, après un vol de nuit en provenance de Los Angeles. Épuisé, perdu dans mes pensées, je songeais à ce que j’avais vu peu après le décollage, juste avant de m’assoupir, une scène à laquelle je n’avais encore jamais assisté à bord d’un avion. J’étais installé du côté gauche de l’appareil, qui volait plein sud au-dessus l’océan, m’offrant ainsi une vue panoramique sur la ville dans la nuit : les éclairages ambrés des réverbères en pointillé sur les quartiers; les guirlandes à bandes...
Le Château de Barbe-Bleue: Terra Alta III

Le château de Barbe-Bleue : Terra Alta III

Le premier souvenir que Cosette avait de son père était très marquant : elle était enfouie dans un siège-auto, sur la banquette arrière d’une voiture, et, devant elle, au volant, il lui annonçait que sa mère était morte. Ils s’apprêtaient à quitter la Terra Alta et son père ne la regardait même pas dans le rétroviseur, il ne regardait qu’en lui-même ou devant lui, ce ruban d’asphalte qui les entraînait vers Barcelone. Son père essayait ensuite de lui expliquer la signification de ce qu’il venait de dire, de lui faire comprendre qu’elle ne verrait plus sa mère et...

Ma tempête d'Eric Pessan, Aux Forges de Vulcain, 2023

Le père explique à sa fille que l'île de Prospéro ressemble à leur appartement juché au huitième étage de cet immeuble: l'art y est partout présent, dans la bibliothèque, sur les murs, et surtout il s'approche d'elle qui rentre instinctivement la tête dans les épaules, elle ne perd pas une miette de ce qu'il raconte dans nos cerveaux. Et David embrasse le front de la fillette, puis la chatouille; son rire encore éclate dans la cuisine, emplit l'espace tout entier, roule comme une bille insouciante. C'est de cela dont David a besoin : des joies et des lumières solaires de sa...
La route

La route

Autrefois il y avait des truites de torrent dans les montagnes. On pouvait les voir immobiles dressées dans le courant couleur d’ambre où les bordures blanches de leurs nageoires ondulaient doucement au fil de l’eau. Elles avaient un parfum de mousse quand on les prenait dans la main. Lisses et musclées et élastiques. Sur leur dos il y avait des dessins en pointillé qui étaient des cartes du monde en son devenir. Des cartes et des labyrinthes. D’une chose qu’on ne pourrait pas refaire. Ni réparer. Dans les vals profonds qu’elles habitaient toutes les choses étaient plus...
LAISSE-MOI GUIDER TES RÊVES

Laisse-moi guider tes rêves

Samedi. On était samedi, le jour où elle devait partir travailler au Mac Do. Amel jeta un œil paniqué sur la pendule de son studio en déposant sa tasse du petit-déjeuner dans l’évier. Oh non, il était déjà presque 8:15, elle risquait encore de rater son bus ! Les yeux rivés sur les aiguilles infernales et sans pitié de cette pendule, elle protesta à voix haute « Tu ne peux pas parfois avoir un peu d’indulgence, toi, oh Son Altesse le Temps ? Un peu d’empathie envers nous ? Tu te rends compte du nombre de personnes que tu fais courir pour qu’elles...
Dans l'oeil de l'archange

L’œil de l’archange

Juste avant l’aurore, Jonathan Werner sort de sa léthargie. Des pas pressés heurtent le carrelage antique du couloir, foulé par les brancardiers, les infirmiers et le personnel soignant. Grièvement blessé à la jambe droite, il sent à peine la douleur. Il parvient à crier depuis son immense chambre du séminaire San José de los Sagrados Corazones, aménagée par la 35e division des Brigades internationales. Une infirmière espagnole lui change son pansement. — Où est-elle ? — Elle dort, juste à côté. — Est-ce qu’on peut encore la soigner ? L’infirmière, très...
La demeure du vent

La demeure du vent

Une toute petite feuille, si petite que ses cils visqueux l’empêchent de la voir dans l’éclat du soleil de midi. Une petite feuille d’arbre, rien de plus. Une feuille d’arbre verte, nervurée, qui lui voile les yeux comme de la gaze lorsque lentement, péniblement, il remue les paupières. Une feuille d’arbre qui adhère à ses longs cils collés par la boue. Une feuille d’arbre qui l’empêche de voir distinctement, surtout avec ces grains de poussière qui nagent dans le liquide de ses yeux, lui causant irritation et douleur. S’il parvenait à reprendre le contrôle de ses...

Pages

& aussi