Dans son livre Vertige coquelicot (Editions Hérodios), Nicolas Espitalier a rassemblé soixante-dix de ses meilleures chroniques parues dans le quotidien Sud-Ouest. Au fil des pages, ce recueil permet au lecteur de déguster de délicieuses digressions sur le sens de l'espace, le charme discret des trains, des coiffures ou des fêtes foraines. Nous avons succombé à cet exercice de curiosité, dont le parfum d'enfance célèbre le goût de la vie.
Nicolas Espitalier a ce qui s'appelle l'esprit d'escalier. D'une idée il passe à une autre, en une logique qui n'appartient qu'à lui. Et les chutes de ces réflexions en étoile sont toujours d'une évidence désarmante. Pour entrer dans Vertige coquelicot, il faut monter dans le grand 8 de ses courts récits successifs, en acceptant de se laisser surprendre par le chef du manège. Car le journaliste éditorialiste, bien connu des lecteurs de Sud-Ouest nous convie à une fête des mots. Une fête avec des pochettes surprises, des parades et des barbes à papa.
A l'instar de Philippe Delerm qui célèbre la sensualité des «plaisirs minuscules», Nicolas Espitalier propose le sens des «jubilations ordinaires», au sein desquelles il cherche avant tout à mobiliser l'esprit de curiosité.
Prenez une gare. Vous n'auriez jamais pensé qu'elle pouvait être source d'inspiration. «Il y a une gare en chacun de nous. Dans les hurlements du métal, la vibration sourde des bagages à roulettes, les coups de sifflet du chef de gare et le brouhaha de conversations dont on a tout oublié, ses quais grouillent encore de nos espoirs en partance. Le premier train pour la liberté à destination de la grande ville va partir, prenez garde à la fermeture des portes, éloignez-vous de la bordure du quai s'il vous plaît et n'oubliez pas de dire adieu à votre enfance, elle ne sera plus là quand vous reviendrez.»
Les interrogations fusent en feu d'artifice. Comment le temps se mesure-t-il à l'échelle du coquelicot ? Où touver le secret des illuminations ? Le mystère des parkings souterrains ? Ce Vertige coquelicot est un petit bijou d'émerveillement. Chaque chronique distille ses questions et ses saveurs. Comme l'écrit Jean-Paul Dubois dan sa préface, «Il émane de ce livre un parfum d'enfance, d'élégance, d'intelligence et de légèreté.»
L'auteur manie l'art des digressions fantaisistes. Devant une carte routière, il dessine le rêve de voyages imaginaires; devant les vaches, il disserte sur leur robe et leur tendresse. Même la Lune lui parle : «La Lune a trop à faire pour rêvasser (...) Au mariage de la carpe et du lapin, la Lune est demoiselle d'honneur. Elle en connaît un rayon sur la vie nocturne et ses contradictions (... ) Au bout de la nuit, elle sourit à son reflet dans le caniveau et puis elle s'éclipse. » La coiffure n'échappe pas au rayon laser de l'éditorialiste. Il salue la maestria des coupes et des mises en forme comme autant d'inventaires surréalistes. Et il conclut : «Ah et notons pour finir qu'il y a un point commun entre les cheveux et les chroniques. Il faut soigner la chute.»
Un peu taquin, un peu nostalgique, le journaliste chroniqueur distille dans ses soixante-dix meilleures chroniques, son amour de la vie et sa tendresse pour les bizarreries du monde. Tel un enfant qui a grandi trop vite et qui réalise la fuite des années, il goûte la beauté de chaque instant et possède une incomparable façon de mettre en perspective ses interrogations. Le temps qui passe est son seul maître, celui qu'il ne rattrape jamais : «Du lundi au vendredi, le corset des jours normaux nous étouffe, quand le samedi nous libère. A l'échelle d'une semaine, le samedi, c'est le jour ou jamais.» Avec Nicolas Espitalier, le lecteur découvrira que le bonheur, c'est aussi maintenant ou jamais !
>Nicolas Espitalier, Vertige coquelicot, Préface de Jean-Paul Dubois, Editions Herodios, 151 pages, 15 euros
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