Je m'appelle Henri-Louis de Vazéac. J'entreprends l'écriture de ce journal de ma vie, en vue d'y exprimer mes pensées, mes états d'âme, mes réflexions philosophiques et, en final, mon vécu jusqu'au jour où il sera temps pour moi d'y mettre un point final. Peut-être, mes descendants, si Dieu me fait la grâce d'en avoir, trouveront-ils, à travers lui, matière à philosopher ou, simplement, le plaisir de lire les aventures d'un aïeul. Par cet écrit, je n'ai point l'intention toutefois de laisser une belle littérature, conscient de n'être en rien un écrivain de talent.
En l'an 1830, alors qu'un nouveau roi venait d'être proclamé --- la Monarchie de Juillet succédant à la Restauration ---, je décidai de partir pour Marseille, afin de m'y embarquer pour ce Nouveau Monde dont j'avais lu plusieurs chroniques dans Le Globe, un journal de quatre pages qui paraissait deux fois par semaine. Aîné de la fratrie et âgé seulement de dix-neuf ans, je ne pouvais faire cela sans en informer mon père. Le baron Louis-André de Vazéac était un patriarche au tempérament très autoritaire et qui considérait que le devoir devait transcender les désirs personnels. Ainsi, quand je fis enfin le pas de lui annoncer mon intention, il tempêta par ces mots :
- Henri-Louis, tu es un de Vazéac et, de surcroît, celui chargé d'assurer l'administration de ce vaste domaine de Lansac que je me suis efforcé de faire prospérer. Pense à tes deux frères et à ta sœur qui comptent sur ta capacité à prendre la succession.
- Charles-Anselme a dix-sept ans. Il sera donc en mesure bientôt de me remplacer, le moment venu, à cette charge que je ne convoite guère. Je note que vous êtes encore robuste et je vous vois continuer longtemps encore l'administration de vos biens.
- Tu parles comme si tu partais pour ne plus revenir.
- Dieu seul détient la réponse, père.
- Que comptes-tu faire dans ce lointain univers qui soit plus attrayant qu'une charge de baron dans nos belles Pyrénées ?
- Je ne sais, mais je ne cherche pas l'équivalent ou mieux sur cette Terre. Je me sens seulement appelé vers ce lieu.
Mon père me considéra avec un regard pensif. J'eus alors le sentiment qu'il comprenait que je fisse ce que mon âme m'induisait à accomplir. Avait-il lui-même éprouvé ce désir sans oser aller au bout de celui-ci par conformisme nobiliaire. Je m'abstins de lui poser cette question, conscient qu'il noierait le poisson. Pour une fois, il envoya son sempiternel autoritarisme au rebut et nous nous séparâmes sur une note plutôt positive ; quoique la tristesse dans ses yeux touchât mon cœur au plus profond. Sentait-il qu'il quitterait ce monde sans me revoir ? Ses paroles m'avaient éclairé sur son sentiment enfoui et sur son grand regret à cause de mon refus d'endosser l'habit de baron. Il jugeait assurément que mon attitude irresponsable était indigne d'un aîné d'une longue lignée nobiliaire.
Fort de ma détermination, ma mère n'essaya pas, quant à elle, de me raisonner ; même si son visage exprimait une touchante crainte, celle de ma disparition, sans doute, dans ce grand pays qu'elle savait être un lieu de conflits et de grande violence.
N'emportant que le strict nécessaire, je ne mis pas longtemps à faire mes bagages. Après mes adieux à mes géniteurs, je fis d'ultimes recommandations à mes deux frères Charles-Anselme et FrançoisÉdouard ainsi qu'à ma sœur Marie-Paule, en vertu de mon statut d'aîné. Certes, j'écourtai les embrassades tant ma peine était grande et fort mon amour pour cette merveilleuse famille.
Aimé, le serviteur en charge de la conduite de la calèche, m'amena du domaine de Lansac à Séméac, puis à Tarbes où je pris place dans une des diligences des Messageries Royales en direction de Marseille. Le train à vapeur ne circulait pas encore, en cette année 1830, dans le sens sud-ouest/sudest. Outre le manque de confort, les aléas climatiques, la mauvaise qualité des routes, la sécurité sur un si long parcours n'était point, quant à elle, garantie. Des brigands bloquaient régulièrement des diligences pour détrousser les voyageurs de leurs bijoux et autres billets de banque ou pièces d'or. Bizarrement, la peur de la corde ne dissuadait guère ces voyous. Aussi avais-je caché au mieux mes économies et endossé de vieilles nippes.
J'arrivai à Marseille quatre jours plus tard, fatigué mais sans avoir eu à subir les événements redoutés. Dans la grande ville phocéenne, je pris une chambre dans une auberge toute simple ; vu qu'il me fallait gérer au mieux le pécule généreusement donné par mon père et faire en sorte d'affronter les prochains mois dans une aisance financière relative. Car, avec vingt et un mille francs (68 670 euros environ) en poche, j'étais normalement tranquille pour plusieurs années. Néanmoins, j'ignorais encore la parité du franc or avec le dollar. Un manque que je comptais combler au plus tôt. Il convenait aussi que je m'informasse sur la date du prochain départ du transatlantique vers l'Amérique.
Après une bonne nuit de sommeil, et vêtu d'un habit conforme à ma condition, je me rendis au bureau de change. Je m'y adressai à voix basse à l'employé de service, étant donné l'attitude, plutôt suspecte, des deux individus derrière moi.
- Je souhaiterais changer la somme de vingt mille francs (65 400 euros environ).
- Combien vous avez dit ? S’enquit le préposé d'une voix forte.
- Permettez que je vous l'écrive, rétorquai-je en chuchotant presque.
Celui-ci posa sur le comptoir un bout de feuille blanche ainsi qu'une plume qu'il venait de tremper dans un encrier. Le demi-sourire peignant ses lèvres me déplut fortement. Le montant écrit, je lui tendis le morceau de papier.
- Oh, mais ça fait une jolie somme ! Je peux pas vous faire ce change aujourd'hui. Il va falloir revenir dans une semaine, mon bon monsieur.
Certes, en disant cela à voix haute, il informait les personnes de la file d'attente que j'étais possesseur d'un joli magot.
- Aussi longtemps ? Répondis-je d'un air gêné. Je dois embarquer pour l'Amérique dans peu de temps. Vous ne pourriez pas vous arranger pour …
- Bon, je vais essayer de voir ça. Il me faut votre nom et votre adresse pour que le chef ici accepte d'obtenir pareille somme.
- Redonnez-moi le papier, je vais y inscrire mon nom et l'adresse de l'auberge où je loge.
- Vous êtes noble ? Demanda l'employé après l'avoir lu.
- Oui, tout à fait. Pourquoi ?
- On voit ça à votre nom et à votre belle écriture aussi. Alors, ça va être plus facile, Monsieur … le comte ou le marquis de Vazéac peut-être.
- Peu importe. Monsieur de Vazéac suffira, non ! Rétorquai-je sur un ton autoritaire.
- Oui, bien sûr. Je viendrai vous prévenir quand la somme sera là, dit-il avec un regard fuyant.
- Merci infiniment, Monsieur.
Avant de ressortir, mon regard croisa celui d'un des individus juste derrière moi. Inquiet ensuite de ce que celui-ci avait pu entendre que j'étais porteur d'une somme plus que rondelette, j'espérais que l'employé du bureau de change, en homme honnête, resterait discret sur son montant.
Je passai le reste de la journée à visiter Marseille tout en pensant aux miens, au domaine de Lansac, aux belles Pyrénées, à tout ce que j'avais laissé là-bas et que je ne reverrai plus certainement. Je n'avais pas décidé de partir pour le Nouveau Monde avec le projet de m'enrichir, contrairement à nombre de mes semblables en partance ou partis vers celui-ci. En effet, on rapportait que les moyens d'y faire de l'argent ne manquaient guère et que nombre d'opportunistes, et autres pionniers audacieux, s'appropriaient des dizaines de milliers d'acres de terre, voire prospéraient via l'élevage de bovins et de chevaux. Je ne m'imaginais pas personnellement convoitant ces choses, mais me satisfaisant plutôt d'une existence au jour le jour. Quoique mon intuition me soufflât que mon chemin de vie s'apprêtait à suivre un cours peu commun. La Providence comblerait-elle ma passion pour l'imprévu ?
Une semaine plus tard, je revins vers le bureau de change d'un pas rapide et le cœur anxieux. Tout en tenant sous mon bras le précieux legs de mon père dans une petite sacoche en cuir gravée des armoiries de la lignée des « De Vazéac », je m'arrêtais fréquemment pour contrôler qu'aucun individu, au comportement louche ou au regard torve, ne me filait à distance. Voyant que ma crainte me faisait délirer, j'en vins à tourner en dérision cette idée d'un malfrat en quête de me détrousser au détour d'une sombre ruelle. Même s'il me fallait en parcourir un certain nombre.
Non loin du bureau de change, je ressentis soudain une douleur violente à la tête, puis j'eus aussitôt la sensation que le sol se dérobait sous mes pieds. Lorsque je revins à moi, j'étais assis sur le pavé d'une sorte d'impasse et adossé à un mur. Tout en restant là à regarder la chaussée devant moi, j'essayais de me souvenir des événements ayant provoqué pareil état. L'horrible mal de crâne et le désagréable bourdonnement au fond de mes oreilles m'amenèrent à déduire que des individus m'avaient agressé et assommé pour me voler ; en effet, les billets ne se trouvaient plus dans ma sacoche en cuir que ces voleurs avaient jetée non loin de ma pauvre carcasse. « Étrange ! », pensaije. Tâtant la petite poche de mon gilet, je constatai avec bonheur que la montre en or, offert par mes parents pour mon dix-huitième anniversaire, y était toujours. Ces scélérats avaient-ils été dérangés dans leur basse besogne et forcés de hâter leur méfait ? Dans le cas contraire, ils se seraient fait une joie d'enrichir leur butin avec cet objet de grande valeur. Ma montre affichant treize heures, j'en déduisais que ma perte de connaissance avait duré environ deux heures. J'entrepris de me relever et de marcher. Or, n'ayant recouvert que passablement ma lucidité, ma démarche ressemblait à celle d'un ivrogne. Sans le moindre sou dorénavant, je me demandais s'il ne serait pas plus sage d'arrêter cette aventure et, partant, de retourner auprès des miens. Ce vol n'était-il pas, en définitive, un signe clair du destin ?
Par correction, je me rendis au bureau de change pour avertir l'employé qu'une ou plusieurs fripouilles m'avaient attaqué au détour d'une ruelle et délesté de mon bien. En dépit de son air désolé, il me vint à la pensée que cet individu n'était peut-être pas si honnête et qu'il avait participé sans doute à ce brigandage. Une somme de vingt mille francs représentait un montant important, même partagée entre deux ou trois personnes. Chacune pouvait à présent s'offrir de bons extras.
Je décidai de ne pas porter plainte auprès de la Maréchaussée, ne souhaitant pas inquiéter ma famille, surtout ma mère. Mes papiers d'identité m'ayant été dérobés avec l'argent, je me demandais comment j'allais faire désormais pour embarquer à bord du bateau à destination du Nouveau Monde ; mais, d'ailleurs, je n'avais plus les moyens d'acheter un billet. Le peu d'argent resté à l'auberge dans mes bagages servirait à régler mon séjour au sein de cette dernière et m'éviterait ainsi d'être accusé de grivèlerie, puis de croupir en prison. Puisse Dieu avoir préservé cette petite somme.
Pourquoi le Divin m'imposait-il un sort aussi cruel ? Par ce mauvais coup, m'invitait-il à renoncer à poursuivre mon projet ? À moins que cette soudaine pauvreté ne correspondît à une nécessité. Évidemment, ces questionnements resteraient des énigmes pour l'instant. Il me fallait accepter les impondérables, puisque j'avais fait le choix de partir à l'aventure. Mon goût pour celle-ci, pour les grands horizons prenant derechef le dessus, je me mis à réfléchir à la manière d'embarquer sur le transatlantique autrement qu'avec le statut de passager.
Je me dirigeai donc vers le port pour m'y informer sur les compétences demandées à un marin. Ayant une constitution solide, je pourrais effectuer des tâches ingrates en cas de besoin ... telles que le lavage ou la manutention ; de surcroît, je ne manquais guère de courage et d'humilité.
Je m'installai à une table de l'auberge du port. Tout en observant le caractère plutôt hétéroclite de la population du lieu, j'écoutais le langage poissard de certains … sûrement des habitués de ce genre de gargote. Quelques regards vers moi me firent réaliser ma différence, voire que j'aurais dû me vêtir autrement avant d'y pénétrer. Un individu pauvrement habillé vint soudain vers moi.
- Je m'excuse de venir comme ça vers vous. Son accent à couper au couteau suscitait ma méfiance.
Comme je le regardais droit dans les yeux sans mot dire, il ajouta :
- Je peux m'asseoir, Monsieur ?
- Je vous en prie, faites.
- Ah vous ! Vous causez comme un monsieur de la haute. Alors je m'étais pas trompé quand je vous ai vu débarquer dans ce tripot.
- Vraiment ? À quoi vous aviez décelé cette particularité ?
- Je vous ai dit … à quelqu'un qui n'est pas à sa place dans ce bas-fond.
- Vous me prenez sans doute pour un policier.
- Ah ça, je sais pas. En tout cas, vous êtes pas ici pour boire un godet. C'est sûr !
- Je l'avoue.
- J'ai un bon œil, vous savez. Je connais tous les types qui sont dans ce tripot ou … presque. Si vous avez besoin d'un rancart, y suffit de questionner la fouine. Évidemment, c'est pas gratos.
- La fouine ?
- Eh, c'est comme ça qu'on m'appelle.
- À vrai dire, je ne cherche personne et je ne suis pas là pour enquêter non plus. Par contre, peut-être pourrez-vous m'aider.
Je me disais que la Providence avait peut-être envoyé vers moi cet homme aux larges épaules et au regard rusé.
- Et combien ça paye, Monsieur ?
- Cela dépend de votre capacité à réussir ce que je vous demande de faire.
Les yeux noirs très abrités par d'épais sourcils de cet inconnu se mirent soudain à scruter intensément mon visage.
- Eh bé ! Mon petit doigt me chuchote que c'est pas simple votre truc … pas simple du tout.
- Nous discutons depuis un bon moment et je ne connais même pas votre nom.
- La fouine, c'est mon nom.
- Je veux parler de votre vrai prénom.
- Alfred, mais ...
- Je peux vous appeler Fred alors, coupai-je.
- Ouais, si ça vous plaît. Et vous, c'est quoi votre nom ?
- Henri. - Henri comment ?
- Henri tout court.
- Bon, ok ! Et ce boulot, c'est quoi ?
- Il faut d'abord que je vous raconte mon histoire.
- Ouais, ça marche.
- Donc, je suis venu à Marseille dans l'intention d'embarquer sur le transatlantique en partance vers le Nouveau Monde. J'avais une somme d'argent assez importante dans une sacoche que des brigands m'ont dérobée après m'avoir assommé. Aussi je me retrouve aujourd'hui sans le sou, ou presque, et je ne peux plus, de ce fait, payer le billet du voyage. Je me dis que ... puisque vous connaissez beaucoup de monde ici ... vous devez savoir lesquels sont peu recommandables et en mesure d'accomplir ce genre de délit.
- Mais y sont tous peu recommandables, mon pauvre monsieur.
- Alors, disons les moins recommandables.
- Oh là ! Mais y traînent pas ici vos voleurs et si j'arrive à les dénicher, je vais y laisser la peau. Pour sûr !
- Débrouillez-vous pour les retrouver et m'indiquer l'endroit de leur repaire. J'aviserai ensuite sur la façon de procéder sans mettre en péril votre vie.
- Ça va pas être facile votre affaire. Y va falloir que je me rancarde et ça … ça va coûter du fric.
- Combien selon vous ?
- Cinq cents francs (1600 euros) … peut-être huit cents (2600 euros). Je vous dirai ça au fur et à mesure.
- D'accord. Je paierai.
- Combien y vous ont volé, Henri ?
- Vingt mille francs (65 400 euros).
- Vingt mille francs ? Faut être fou pour se balader dans cette zone avec tout ce fric dans un sac. Moi, j'aurais pas fait comme ça. Ah ouais, pour sûr !
- Je l'avais décidé ainsi. Je ne pensais pas que l'employé du bureau de change serait aussi malhonnête.
- Pour vous, ce type est dans le coup ?
- À vous de le vérifier, Fred.
- Mais, j'y pense. Quelqu'un qui se promène avec pareille somme ne peut pas être sans le sou. Votre famille va vous aider à vous refaire si vous lui racontez votre malheur.
Je vis que ce Fred tentait à sa façon de m'amener à me raconter et, surtout, de savoir de quel monde je venais. Le fait d'ignorer tout de moi le chagrinait manifestement. Or je n'avais guère l'intention de combler sa curiosité.
- Écoutez, j'ai hérité de cette somme à la mort de mon pauvre père. À présent, je n'ai plus ni famille ni bien. Alors … êtes-vous intéressé par ma proposition ? Allez-vous chercher à retrouver ces satanés voleurs ou non ?
J'eus une pensée pour mes parents auxquels je demandais pardon de les avoir fait périr ainsi d'une simple phrase.
- Je vous ai dit que ça sera pas du gâteau. À tous les coups, ces types ont filé loin d'ici. Mais je vais aller fouiner. Ah ça, je sais faire !
- Faites au mieux, Fred. Pour vos intermédiaires ou les petits frais, ne vous inquiétez pas.
Alors que nous nous séparions, il me vint à la pensée que cet individu allait accomplir cette recherche pour son propre compte et que je ne le reverrai jamais plus. D'ailleurs, que m'avait-il pris soudain de chercher à retrouver mon bien ? Ce dénuement était, à l'évidence, indispensable à l'accomplissement de ma petite destinée ici-bas.
M'informant ensuite, auprès du bureau de la Compagnie des Messageries Maritimes, sur le jour du départ d'un prochain bateau vers la Nouvelle Angleterre, j'appris que les voiliers, partant de Marseille, ne desservaient pas ce continent. En outre, ils s'occupaient surtout de transporter des marchandises et, occasionnellement, des passagers.
- Savez-vous alors de quel port partent les bateaux pour l'Amérique ? M'enquis-je.
- De Bordeaux ou du Havre. Ils amènent des marchandises et des passagers vers les Amériques et les Antilles, rétorqua l'employé.
« Quelle idée de m'aventurer ainsi à l'aveuglette ! », me dis-je. Ainsi, pour mener à bien ce projet, je me trouvais contraint de traverser la France entière jusqu'à Bordeaux ... une ville que je connaissais un peu ; vu que je m'y étais rendu plusieurs fois avec mes parents. Cela allait être un vrai crève-cœur que de passer non loin des miens en m'interdisant d'aller les embrasser. M'y risquerais-je, je n'aurais plus le courage de repartir ; puis je céderais à l'insistance de mon père d'assumer enfin ma charge de baron. Le doux visage de ma mère vint aussi harceler ma pensée. Je tenais d'elle mes yeux très bleus, mes cheveux d'un roux rougeoyant et la multitude de taches de rousseurs sur mon visage et mon corps.
Via les histoires qu'elle me narrait dans mon jeune âge, elle m'avait aussi inculqué, sans le vouloir, son goût pour les grands horizons, voire de pionnière qu'elle tirait, elle-même, de son père et de son grand-père … des hommes qui avaient beaucoup voyagé depuis leur Irlande natale. Je me remémorai également sa rencontre avec mon père dont elle nous avait fait le récit à plusieurs reprises à mes frères, ma sœur et moi. Il s'était agi d'un vrai coup de foudre de part et d'autre. D'ailleurs, sauf celui-ci, un baron n'en serait point venu à s'intéresser à une pauvre domestique et prendre ainsi le risque d'être la risée ou l'objet des critiques de gens bien nés. Quoique cet homme au fort caractère se gaussât totalement des cancans et autres racontars. Par conséquent, il avait imposé à ses parents cette mésalliance d'un point de vue nobiliaire. Même si ce mariage d'amour avait fini par assouplir leur façon de voir. Femme intelligente, artiste et très sensible, ma mère était parvenue, de surcroît, à les charmer et à faire croître le sentiment dans le cœur de mon père chaque jour. Bel homme, il n'avait pas manqué pourtant de partis… des jeunes filles en recherche de richesse et de prestige social. Cette certitude me remplissait le cœur de force, voire m'aiderait assurément à affronter l'adversité. Déjà cruelle, je subodorais que celle-ci prendrait un tour plus exigeant encore au sein de cette Amérique en proie à toutes sortes d'affrontements, à de nombreuses convoitises, à l'opportunisme de colons en quête de fortune. Bien sûr, avant cela, je devais rejoindre Bordeaux et trouver la manière d'embarquer incognito, conscient que la traversée de l'Atlantique serait longue et dangereuse. Mais, au fond de moi, j'avais très envie de poursuivre ce rêve jusqu'au bout, fût-il insensé.
Je me rendis à l'auberge « La Garennière » pour essayer d'y revoir Fred avant mon départ pour Bordeaux. Après deux bonnes heures, assis derrière une table en bois rustique, je repartis en me disant que ce fieffé bonhomme n'avait jamais eu que l'intention de me berner. Car je l'imaginais assez habile et fouineur pour retrouver la trace de ces voleurs et parvenir à les détrousser à son tour avec la complicité d'un ou deux comparses.
En ressortant de l'établissement, je me mis en quête d'un moyen me permettant de rejoindre le cheflieu de l'Aquitaine. « Le mieux serait de faire ce trajet à cheval », murmurai-je. Or il ne me restait pas suffisamment d'argent pour en acquérir un bon. Tout en baguenaudant le long du port, je laissais ma pensée explorer les solutions en espérant aussi un miracle de mère Providence. En dépit de mon malheur, j'avais foi que le Ciel soutenait mon entreprise. Ma petite voix intérieure me soufflait donc de ne pas désespérer.
D'ailleurs, mû par une intuition soudaine, je revins vers « La Garennière » pour vérifier une dernière fois si Fred n'y prenait pas un verre en compagnie de tristes sires. En le voyant face à deux individus mal attifés, je fus heureux de ce que la finesse de ma perspicacité m'amenait à constater la malhonnêteté de cet individu. Parlant fort et riant à gorge déployée, il se plaisait, en effet, à amuser la galerie. Il intéressait à coup sûr ces gens du faubourg avec mon histoire de pauvre égaré arborant un port d'aristocrate. Ma naïve confiance envers une fouine encore plus immorale que mes détrousseurs me donnait la nausée.
Ayant fait une entrée discrète dans la taverne, et vu le brouhaha ambiant, nul n'avait encore remarqué mon arrivée. Je m'installai à une table à l'écart, afin d'observer et, surtout, d'entendre les propos de ces sombres énergumènes. Quoique j'eusse du mal à comprendre leurs paroles, à cause de leur fichu accent aux voyelles nasales en « aing » ou « ong » et leurs expressions typiquement marseillaises ponctuées de rires gras.
Soudain, Fred tourna son regard vers moi. Dans ses yeux enfoncés à l'iris très noir, que des poches volumineuses et bistres soulignaient, je perçus, à la fois, de l'étonnement et de la contrariété. D'un pas déterminé, il vint à ma rencontre. Cessant de rigoler et de brailler, ses acolytes pointèrent leurs regards glauques dans ma direction.
- Henri, y'a longtemps que vous êtes là ? Pourquoi ...
- Je ne suis là que depuis peu, coupai-je pour le rassurer.
- Ah bon ! Vaut mieux qu'on aille dans une autre gargote. On pourra mieux causer.
- D'accord.
Fred me conduisit vers une auberge éloignée de « La Garennière » tout en m'informant, en chemin, qu'il avait commencé sa petite enquête, laquelle s'avérerait longue et coûteuse selon lui.
- Quel coût ? m'enquis-je.
- Cinq cents à huit cents francs (1600 à 2600 euros) environ.
- Vos intermédiaires sont des profiteurs. À mon avis, ils feront surtout monter la note sans rien offrir en échange.
- J'ai pas le choix. C'est pas des enfants de chœurs … mais, croyez-moi, y faut pas l'être pour retrouver vos voleurs.
- J'en conviens. Le mieux serait de leur promettre un pourcentage sur la somme qu'ils réussiront à retrouver.
- Eh bé, y marcheront pas. Vous savez, y doivent eux aussi délier des langues et, pour ça, y faut du flouze, répliqua Fred en faisant, avec ses doigts, le geste de la monnaie sonnante et trébuchante.
- Vous avez dit tout à l'heure qu'il faudra du temps. Je suppose que ça signifie des mois, voire plus.
- Ah ça, je peux pas dire. Ouais, pour sûr, remonter vers ces types est pas un truc facile. Y sont rusés comme des renards, les bougres.
- Bon, tout cela me paraît bien ambigu ...
- Am quoi ? Demanda Fred.
- Enfin, trop évasif. D'abord, je n'ai pas cinq cents francs et, encore moins, huit cents. Si je les avais, j'irais plutôt les jouer au « quinquenove » (jeu de dés très couru à cette époque) que les donner à des individus louches et en quête d'argent facile.
- Ça signifie que vous abandonnez la chasse de ces voleurs ?
- Oui, tout à fait. Vous trouverez, vous aussi, un autre pigeon à saigner.
- Ah, voilà ! Z'avez pas confiance en une pauvre fouine. Vous croyez que je suis un voleur moi aussi.
- Écoutez, je ne vous connais pas et tout ça me semble très embrouillé. Tant pis pour cet argent. Bien mal acquis ne profite jamais. Quant à moi, j'arriverai à dépasser cette épreuve et à retrouver bonne fortune avec l'aide de Dieu.
- Ouais possible ! Vous avez de l'instruction et de l'intelligence … alors, je me fais pas de bile pour vous.
- Bonne chance à vous, Fred. Mon petit doigt me souffle que vous allez trouver le moyen de retrouver ces satanés brigands et, donc, de vous enrichir.
- Croyez pas ça. J'irai pas risquer ma vie dans un sale coup. J'abandonne moi aussi.
- À vous de voir.
- Dommage ! Je vous trouvais sympa. Bon, c'est la vie. Adieu et bon courage, Henri.
Nous nous séparâmes après une franche poignée de main. Que Fred n'eût pas la main molle eut pour effet d'améliorer mon opinion sur lui. Peut-être l'avais-je jugé trop hâtivement. Je me demandais bien pourquoi nos chemins s'étaient croisés, vu qu'il n'adviendrait rien de concret de cette rencontre. J'avais le sentiment qu'on m'avait fait choir dans les profondeurs nauséeuses de la société et tiré, pour cela, de la dorure et de la soie qui auraient dû logiquement orner ma vie.
Alors que je rangeais mes affaires dans mon sac en cuir de luxe, il m'apparaissait que tous ces beaux habits appartenaient au passé et qu'il me fallait penser à en endosser de plus humbles. Nul doute, en effet, que les conditions d'un tel voyage vers l'Amérique seraient précaires. Pour l'heure, j'ignorais comment l'entreprendre. La note de mon séjour dans l'auberge « Au bon temps » réglée -- une enseigne qui me rendait songeur ---, il me restait un peu plus de trois cents francs (1000 euros environ) en poche. J'espérais que cette somme suffirait à l'acquisition d'un cheval grâce auquel je pourrais enfin effectuer la longue traversée du sud de la France. Je cachai cet argent dans mes bottes, de peur d'être derechef détroussé par des individus informés, via la fouine, que je possédais, probablement encore, un petit magot sur moi. Puis je partis en quête d'une monture, l'œil aux aguets du moindre personnage suspect dans mon sillage.
Chez un maréchal-ferrant, je m'enquis du prix d'un animal en bonne santé. Ce dernier me rétorqua d'une voix gouailleuse et l'air bourru :
- Une belle bête, ça coûte.
- C'est-à-dire ? Insistai-je.
L'homme me toisa avant d'ajouter :
- Cent cinquante francs au moins, mais, à deux cent cinquante (810 euros environ), vous aurez pas une carne … garanti.
- À ce prix-là, c'est sûrement un bel étalon.
- Un cheval normal, mon bon monsieur ; mais qui vous lâchera pas en chemin.
- Vous n'avez pas un animal d'un prix plus abordable … et fiable bien sûr.
- Moi, je veux pas d'ennui. Alors, je vends que des chevaux d'un bon prix et en bonne santé.
- Bon, ok. Je vais réfléchir. Je reviendrai demain … peut-être.
- Comme vous voudrez, Monsieur.
J'imaginais que ce maréchal-ferrant m'avait pris pour une personne argentée qui cherchait à négocier le meilleur prix. Pour éviter à l'avenir d'apparaître sous les traits d'un aristocrate, je devais absolument me débarrasser de mes vêtements actuels et m'en procurer de plus ordinaires. Assis sur une bite d'amarrage, je me mis à contempler les grands voiliers sur lesquels des marins chargeaient des caisses de nourriture et de matériels. Je m'imaginais à bord de l'un d'eux, accoudé au bastingage et observant le vif cognement des vagues contre la coque, puis la mer courant à l'infini et, au-dessus d'elle, des mouettes, pélicans ou autres cormorans en train de virevolter. Je rêvais aussi de cet instant où mes pieds fouleraient cette terre lointaine que mon cœur épris d'aventure percevait sous le jour d'un eldorado. Elle me donnerait l'occasion de vivre des moments que je n'aurais pu connaître en me résolvant à marcher dans les pas de mon père et de mes aïeuls avant lui. Bien que le sort semblât se plaire à m'empêcher d'accomplir mon désir. De surcroît, mon moi raisonnable critiquait régulièrement le caractère insensé de celui-ci, me soufflant même de retourner vers le domaine de Lansac où je n'aurais plus à m'inquiéter de rien. Libre à moi de voyager ensuite vers le Nouveau Monde via l'écriture.
Évidemment, ces pensées négatives ne me plaçaient pas dans une disposition propice à une recherche efficace d'un moyen de rejoindre l'Amérique. Je me mis à errer dans les rues, la tête basse et les épaules rentrées, avec l'envie de me laisser dépérir. J'en venais même à mettre au rebut cet idéal d'un lointain horizon et à renoncer, ce faisant, à mon hypothétique destinée.
- Henri ! Eh bé, qu'est-ce qu'y a ? Vous avez l'air en peine.
Relevant la tête, j'aperçus le visage raviné de Fred face à moi. Je n'osai lui dire qu'il dérangeait ma méditation.
- Vous m'épiez ? Rétorquai-je.
- Ah ça non alors ! D'ailleurs, vous avez plus rien sur vous à voler … à part vos chouettes nippes.
Sa réflexion me fit sourire.
- Bon, je préfère voir un peu de joie sur votre figure ! S'exclama Fred.
- À propos de nippes … vous pourriez m'en trouver des plus adaptées ? Il ne faut plus qu'on me prenne pour un aristo désormais.
- J'ai bien vu que vous êtes de la haute. Henri, vous êtes qui en réalité ?
- Je vous raconterai cette histoire une autre fois … si prochaine fois il y a.
- Vous voyez bien qu'on peut plus se manquer vous et moi. Je sens qu'on va s'en raconter des choses.
- Ah oui ? Ce qui signifie ?
- Ah ça, j'ai pas votre intelligence ! Pourtant, j'ai quand même une petite voix qui me parle des fois dans ma tête.
Au cœur de l'iris noir des yeux enfoncés dans les orbites de cet homme, que d'épais sourcils rendaient plus abrités encore et que des poches jaunâtres soulignaient, je vis personnellement de l'intelligence. Je réalisais que je n'avais jamais essayé de percer sa vraie personnalité et, en définitive, que je m'étais arrêté à l'apparence, à sa triste inculture. Or il était venu vers moi comme poussé par une force occulte et nos chemins se croisaient à nouveau à l'heure d'un profond désarroi. Naturellement, cela ne pouvait être le fruit du hasard.
- Mais je ne vous ai jamais prise pour une personne sans cervelle, voire stupide, lançai-je.
- Moi, j'ai vu tout de suite que vous êtes un homme bon et rêveur. Ça m'a plu.
- Et vous vous êtes dit : « Voilà un pigeon facile à plumer ». Je me demande, d'ailleurs, si vous n'avez pas retrouvé une partie de la somme qu'on m'a dérobée. Peut-être cherchez-vous, à présent, à me délester du peu qu'il me reste. Passez votre chemin alors, car je n'ai plus rien. Trouvez-vous une autre poire pour assouvir votre soif de butin.
- Eh bé ! Vous me jugez mal, très mal, Henri. Ça pas été mon idée … jamais ! Que le bon Dieu me fasse mourir là, devant vous, si je mens. Voyez, mon envie est de vous être utile, de faire ce que vous savez pas trop faire.
- Et pour ces satanés voleurs, vous ...
- Je peux vous garantir qu'ils ont fondu dans la nature et que, même avec beaucoup d'années, je pourrais pas mettre la main sur eux.
- La fouine n'est pas si maline, alors ! Plaisantai-je.
- Elle n'est pas magicienne, non. Quand vous dites que j'ai retrouvé le magot et que je l'ai planqué et aussi que je vous suis pour vous voler, vous me fâchez. Oui, Henri, vous me fâchez beaucoup !
- Bien, je crois maintenant que vous êtes un honnête homme. Ça vous va ?
- Ah, vous dites ça sans le croire vraiment, objecta Fred.
- Si, si, vous m'avez convaincu. J'ai perçu une belle sincérité dans votre regard.
- Oh, merci Henri. Ça me touche beaucoup. Que le bon Dieu me jette en enfer s'il y a des mauvaises pensées dans ma tête.
- Vous croyez en Dieu ?
- Pas vous ? - Si, bien sûr.
- Eh bé, lui y sait que je vous aime bien Henri.
Je tendis la main droite que Fred serra avec force. Ses paroles et l'émotion embuant ses yeux avaient finalement chamboulé mon cœur.
- Vous vous occupez de mes habits, donc ? J'ai de la route à faire ensuite.
- Vous savez quel rafiot prendre pour aller vers ce bout du monde ?
- En fait, aucun ne part de Marseille vers l'Amérique. Je dois donc me rendre à Bordeaux où j'essaierai de me faire embaucher comme marin. Car je n'ai pas assez d'argent pour prendre un billet passager dorénavant.
- C'est où Bordeaux exactement ?
- Au bord de l'Atlantique, de l'autre côté de la France.
- Ah alors, ça va pas être facile pour vous d'aller là-bas. Vous comptez faire ce chemin comment ?
- J'ai essayé d'acheter un cheval pour m'y rendre, mais c'est au-dessus de mes moyens.
- Sans le sou, vous trouverez peut-être un vieux canasson, mais qui vous amènera pas si loin …
pour sûr.
- J'en suis conscient. Il va falloir alors que je trouve une autre solution.
- Rappelez-vous, je peux faire ce que vous savez pas faire. Attendez-moi demain au bar « La Corderie » sur le coup de midi. Peut-être que la fouine sera plus maline cette fois.
Nous rîmes de bon cœur.
- À demain, Fred.
- Z'avez un vrai ami maintenant.
Je le regardai partir avec sa démarche chaloupée de docker. Fort de ses larges épaules et de ses mains musculeuses, il n'aurait pas de mal à estourbir quelqu'un d'un coup de poing. Quant à moi, je n'étais pas malingre, quoique bien moins charpenté. La Providence s'apprêtait-elle à œuvrer avec maestria ? En tout cas, que ce Fred crût en Dieu me semblait être un bon signe. J'entrepris de flâner dans Marseille pour tuer le temps.
La nuit venue, je n'eus pas d'autre choix que de dormir à même le sol sous un porche. Mon sac en cuir en guise d'oreiller, je craignais cependant que des individus mal intentionnés ne vinssent derechef me dépouiller de mon petit bien, voire me molester ou m'assassiner même. Je m'efforçai donc de rester le plus possible aux aguets, afin de pouvoir déguerpir au besoin.
Tôt le matin, à l'heure où la ville s'active, j'entrai dans le premier bar ouvert pour y boire une boisson chaude et me sustenter. La peur d'un mauvais coup m'avait tenu en éveil une bonne partie de la nuit. J'avais même changé d'endroit à trois reprises. Pareille vie de patachon suscitait mon désir d'envoyer dans les oubliettes cette idée d'aventure. Que ne retournais-je plutôt vers mes chères Pyrénées pour assumer mon statut de baron et couler des jours heureux auprès d'une femme de mon rang. Cette pauvreté, qui m'obligeait à une piètre survie, n'avait pas de sens. Tout en me faisant ces réflexions, je me disais aussi combien je regretterais, au terme de ma vie, de n'avoir pas eu le courage d'aller au bout de mon idéal. Je ressasserais des « si » au goût amer de l'échec avec l'impression d'avoir fui mon destin ou privilégié le conformisme au rêve. Pour ne pas avoir à souffrir une telle situation, je décidai de mettre en sourdine la voix de ma raison et de favoriser cette petite voix intérieure qui me soufflait de poursuivre cette marche vers l'inconnu, que ces épreuves étaient utiles au bien de mon âme.
Un peu avant midi, je m'installai à une table du bar « La Corderie ». Quand ma montre en or, que j'avais soigneusement enfouie sous mes vêtements, afficha midi trente, je dus me rendre à l'évidence. Ce Fred avait changé d'avis, en dépit de ses bonnes paroles. Je craignais donc que la vantardise ne fût, chez lui, une seconde nature. Après une heure d'attente, je n'eus d'autre choix que de me résoudre à trouver par moi-même la solution de cette traversée du sud du pays jusqu'à Bordeaux.
Je sortis de l'estaminet, le cœur désappointé par l'hypocrisie humaine. Soudain, j'entendis dans mon dos : -
- Henri ! Eh Henri !
Cette voix, désormais familière --- et prononçant mon prénom avec un accent à couper au couteau --- me ravit. En apercevant Fred entre deux grands chevaux, j'eus le sentiment d'halluciner. Immobile, j'attendis de voir s'il s'agissait d'un mirage ou d'une réalité.
- Ça va pas Henri ? Vous avez la mine d'un mort-vivant.
- J'ai si mauvaise mine ?
- Eh bé oui alors !
- Comment avez-vous fait pour ...
- Ah, suis votre ange gardien maintenant, coupa Fred.
Sa plaisanterie me remit du baume au cœur.
- La joie vous redonne des couleurs. Je vous préfère comme ça, Henri.
- Vous ne m'avez pas répondu, Fred. Comment avez-vous négocié ces chevaux ?
- Un ami à qui j'ai rendu des services me les a prêtés.
- Prêtés ?
- Oui, enfin … plutôt loués pour la journée et ...
Je lui fis mon regard noir en fronçant les sourcils tout en objectant sur un ton énervé :
- Bon, vous allez les rapporter à cet ami ... parce que je n'ai jamais rien volé de ma vie et je ne vais pas commencer aujourd'hui.
- Et comment vous irez à Bordeaux alors … Monsieur l'honnête aristo ?
- Pas avec ce genre de pratique malhonnête en tout cas.
- Y va falloir que vous mettez votre fierté dans votre poche. Sinon vous arriverez pas aux Amériques ... pour sûr.
Si je reconnaissais in petto la pertinence de la remarque de Fred, je ne me résignais qu'à contrecœur à me comporter en aigrefin.
- Pourquoi deux chevaux, d'ailleurs ? Pour pouvoir changer de monture en route ?
-Ah, voilà encore un hic je sens ! Écoutez, j'ai pensé que je peux vous être utile là-bas.
- Où ça ... là-bas ?
- À Bordeaux pardi. Après on verra.
- Et vous quitteriez votre petit monde pour l'aventure ?
- Eh oui. J'ai jamais eu l'occasion dans ma chienne de vie de faire quelque chose de bien.
L'enthousiasme de cet homme m'émut sincèrement. Nul doute qu'il me serait d'une grande aide avec sa nature débrouillarde.
- Puisque la Providence vous a placé sur mon chemin, je serais bien ingrat de la décevoir.
- J'espère que vous direz bientôt que nous sommes amis.
- Ce sont deux belles bêtes. Combien vous avez payé pour cette location ?
- Quarante francs.
- Pour chacun ?
- Ah, non ! Les deux grand Dieu !
- Bon, j'ai de quoi vous les rembourser
- Surtout pas. Montrez-moi au moins un peu d'amitié.
- D'accord. Puisque vous y tenez tant, je vous déclare que nous sommes amis désormais, répondis-je avec un grand sourire et en posant la main gauche sur l'épaule de Fred.
Celui-ci tira d'une des sacoches, attenante à la selle d'un des chevaux, un petit ballot de vêtements qu'il me tendit.
- Voilà de quoi vous donner une touche moins aristo. J'espère que c'est votre taille.
Je partis me changer dans un coin à l'abri des regards. À mon retour, Fred s'exclama :
- Bienvenue chez les petites gens. Ah ouais, pour sûr, votre allure vous trahira toujours.
- J'imagine que vous trouverez l'occasion de vendre ces habits en chemin.
- Ouais, possible. Mettez-les bien rangés dans votre sac.
- Vous voulez boire quelque chose de chaud avant de partir ?
- Non, merci. On aura l'occasion en route.
- Alors, allons-y, dis-je en souriant pour adoucir le ton de ma voix quelque peu péremptoire.
Dix jours plus tard...
Au terme d'une longue et épuisante chevauchée, nous pénétrâmes dans la ville de Bordeaux. J'avais craint, en mon for intérieur, d'avoir à supporter ce compagnon à l'éducation tellement éloignée de la mienne. Or j'avais découvert chez Fred de bons raisonnements et, surtout, une agréable sensibilité. Que ce personnage, d'apparence basique, eût une foi sincère en Dieu me touchait. À présent, je posais un regard très différent sur lui et j'étais même content que le destin nous ait rapprochés.
- Nous voilà plus près du Nouveau Monde, lança Fred sur le ton de la plaisanterie.
- Il reste une grande difficulté, à savoir celle de trouver le moyen d'embarquer sur un voilier en partance pour l'Amérique, répliquai-je.
- Si on croit que la chance est avec nous, on aura une jolie surprise, ajouta judicieusement ce dernier.
Cette disposition positive me réjouit. En mon cœur, je le remerciai de contrebalancer ma critique, trop négative parfois, des événements. Je suggérai de prendre une chambre dans une auberge et de nous ressourcer via un vrai repos dans un bon lit ; vu que nous avions dormi à la belle étoile durant ces dix jours de voyage d'un bout à l'autre du sud de la France. Fred voulut s'occuper, d'abord, de vendre les chevaux, arguant qu'ils ne nous seraient d'aucune utilité dorénavant. J'appréciais le talent de ce dernier pour des tâches que je ne saurais effectuer avec efficacité.
Je joignis le montant de la vente de ces animaux, à savoir deux cent cinquante francs, au pot commun qui s'élevait, dès lors, à presque six cents francs (1900 euros environ). En effet, nous étions convenus de tout partager comme deux frères. Nous trouvâmes une chambre équipée de deux petits lits à l'hôtel « Les Calanques », un établissement très modeste près du port.
Avant de m'endormir, j'eus une pensée pour ma famille qui me manquait beaucoup finalement. Cela avait été un moment stressant, d'ailleurs, que de passer à une centaine de kilomètres de Séméac et d'avoir le sentiment d'être un fils ingrat. C'est alors que j'avais confié à mon compagnon de voyage :
- Comme vous l'aviez si bien deviné, je suis né dans une famille d'aristocrates. Mon père est le baron Louis-André de Vazéac et ma mère une roturière irlandaise, mais qui possède la plus belle noblesse qu'on puisse avoir … celle léguée par Dieu … c'est-à-dire la noblesse de l'âme. Adolescent déjà, je n'aspirais pas à reprendre le flambeau nobiliaire ; ce que j'aurais dû faire, étant l'aîné de la famille. Mon cœur m'incitait plutôt à rêver de contrées lointaines, un idéal qui s'est transformé en projet à l'âge où l'on commence à désirer prendre sa vie en main. Ainsi ce jour, qui n'est pas si lointain, où j'ai informé mon père de ma décision de quitter le domaine de Lansac et de renier ma future charge pour partir vers le Nouveau Monde, j'ai eu droit à un sermon d'une bonne demi-heure, un portrait de mes valeureux aïeuls et une instruction sur le devoir auquel se trouve contraint tout aîné d'une noble lignée. Certes, mon père est un patriarche semblable à un roc qu'un typhon, même, ne pourrait emporter. En tout état de cause, il m'a fait don de sa détermination et de la faculté de m'en tenir à ce que je pense être mon chemin de vie. Ainsi, voyant que ses arguments ne me feraient guère réviser mon intention, il se résolut tout en m'avertissant que je tirais ainsi un trait sur mon titre et mon héritage. Partant, et jusqu'au moment de mon départ, nous fûmes pareils à deux étrangers. En définitive, je louais ce hiatus entre nous ; car il m'empêchait tout retour arrière. Cela m'a interdit, pareillement, tout rapatriement du bercail après le vol de mon argent. Quoique je ne sois pas d'un naturel orgueilleux, je ne me verrais pas avouer à mon père que la force d'aller au bout de mon rêve m'a manqué quelquefois. Je pense qu'il n'apprécierait pas cela, étant lui-même un battant. Maintenant que j'appartiens aux petites gens, je sais que l'humilité est mon destin. J'ai la conviction intérieure aussi que ma vie ne m'appartient plus et que la surprise y sera permanente, voire qu'il me faudra savoir garder confiance lors d'une dure adversité. Voilà, vous me connaissez mieux à présent.
Fred avait écouté religieusement mon récit. Je le sentais heureux que j'eusse enfin fait le pas de me raconter.
- Ouais, nous sommes plus proches maintenant. C'est à moi de vous dire qui je suis. Je veux pas que votre idée sur moi soit fausse. Bon, d'abord, j'ai pas eu votre chance d'avoir une chouette éducation. La rue a été l'endroit où j'ai appris la vie. D'après ce que je sais, mon père est mort au bagne et ma mère c'est l'alcool, puis un mauvais coup qui l'a envoyée au Ciel ou en enfer … c'est Dieu qui décide non. Les gens qui se sont occupés de moi quand j'avais à peine cinq ans, à ce qu'on m'a dit, étaient des cousins à mon père. Y z'ont oublié ce que c'est que l'amour ceux-là. C'est un curé nommé Michel, un homme que j'aimais bien, qui m'a parlé un jour de l'Amour de Dieu et, dans son regard d'une jolie bonté, oui j'ai vu de l'amour. Ça m'a fait voir la chose humaine autrement. Ce curé m'a appris à lire, à compter et à voir autre chose que la laideur qui m'entourait. Malheureusement, il est mort d'une pneumonie quand j'ai eu neuf ans. Ça a été un jour noir, très noir où j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps. S'il était resté en vie plus longtemps, pour sûr il aurait fait de moi un curé. Après ça, j'ai grandi dans la rue, mais j'ai toujours gardé le chemin de la morale. J'ai fait plein de boulots différents et je sais pas pourquoi les autres sont souvent venus me demander des conseils. C'est vrai que le curé Michel m'avait marqué de son amour comme avec un fer rouge et que ça m'a donné envie d'aimer mon prochain. La Bible a été le seul livre que j'ai eu entre les mains. J'ai toujours essayé de me conformer aux paroles de Jésus : « Aimez-vous les uns les autres ». Je voudrais aller à la messe parfois, mais quelque chose m'empêche. Bizarre non ! Évidemment, je peux pas vivre de débrouille, les potes me surnomment la fouine, et communier à l'église. Il y a bien d'autres choses à dire, mais je préfère m'arrêter là. Voyez Henri, j'ai pas votre destin et j'ai pas de destin du tout d'ailleurs.
- Tout un chacun a un destin ici-bas. Peut-être allez-vous vivre maintenant le meilleur de votre existence. À propos, je ne connais même pas votre nom de famille et votre âge.
- Fréchin et j'ai 34 ans, rétorqua laconiquement Fred. Et vous ?
- Mon nom est De Vazéac, dis-je.
- Et vous avez quel âge ?
- Vingt et un ans.
- Eh bé, vous me devez le respect. Non, je plaisante bien sûr. Je veux vous dire que je suis content de vous avoir rencontré. Si quelqu'un m'avait dit que cette belle chose m'arriverait, je l'aurais envoyé paître.
- Le récit de votre histoire m'a éclairé sur les signes de protection que Dieu vous a faits. Vous avez aussi des valeurs et cela me plaît beaucoup. Notre rencontre n'est pas un hasard, Fred. Mais rien d'important n'est un hasard.
- Vous êtes épatant Henri et je vous apprécie énormément.
- Dis-moi, tu as toujours avec toi cette Bible dont tu m'as parlé ?
Dans le regard de Fred, Je perçus l'émotion que provoquait ce soudain tutoiement. Celui-ci plongea sa main dans un sac de tissu à la couleur flétrie et luisant de crasse.
- Cette Bible est ce que j'ai de plus cher. C'est le curé Michel qui me l'a donnée et, pour ça, j'y tiens comme la prunelle de mes yeux.
Il me tendit sa sainte relique et je la pris avec précaution pour en contempler le cuir grenat ainsi que les inscriptions à la feuille d'or sur la couverture et la tranche. Puis je la lui rendis. Avant de m'endormir, ce soir-là, j'eus le sentiment qu'un lien subtil m'attachait à cet homme. Je remerciais mère Providence d'avoir envoyé vers moi un compagnon humble et sensible pour ce long et, certainement, dur périple vers l'Amérique.
Je m'en remettais désormais à l'excellent opportunisme de Fred, convenant en moi-même que ce soutien était orchestré par l'invisible. Mon ange gardien veillait assurément sur mon devenir au sein de ce petit monde terrestre.
Fred partait pour la journée, bien souvent, et je ne le revoyais donc que le soir. Alors que je lui demandais :
- Cette journée a-t-elle été fructueuse ?
Celui-ci répondait :
- À chaque jour sa peine. Ah, ça ! Chercher un bon plan pour cette longue traversée c'est un travail de fourmi.
Je découvrais peu à peu cet homme dont je louais l'intelligence, derrière l'éducation basique, et, surtout, la magnifique serviabilité. J'espérais qu'il connaîtrait, à mon côté et dans ces terres lointaines, une existence enfin heureuse et propre à enrichir son âme.
Nous étions arrivés à Bordeaux depuis douze jours désormais. J'aimais baguenauder sur les quais et contempler les voiliers de diverses tailles sur lesquels des essaims de marins, et autres mousses, s'affairaient. Quand l'un d'eux larguait les amarres et s'éloignait lentement du port, je me mettais à rêver à ce jour où je voguerai vers cette lointaine Amérique. Pressé d'affronter les événements d'une mystérieuse destinée, mon cœur bouillait d'impatience.
Fred arriva un soir avec la mine de quelqu'un ayant fait la découverte d'un trésor. Je compris alors qu'il détenait la solution de ce grand voyage.
- Tous ces jours passés, j'ai aidé à charger des bateaux et, en même temps, je me suis rancardé. Ça m'a rapporté aussi quelques pièces. Vois, je les verse dans le pot commun.
- Tes informations t'ont-elles mis sur une voie ?
- Oui, oui, bien sûr ! Y a une goélette qui part dans quatre jours et qui embauche plusieurs marins.
- J'imagine qu'ils cherchent des hommes d'expérience. Or, ni toi ni moi, nous n'avons jamais navigué.
- Mais la fouine est astucieuse, répliqua Fred avec un grand sourire, découvrant ainsi une rangée de dents grisâtres.
- J'oserais faire remarquer que son astuce à été défaillante à Marseille.
- Tu dis ça parce que j'ai pas retrouvé tes voleurs. J'approuvai de la tête en levant les sourcils.
- Je t'ai dit que, pour sûr, ces gars-là m'auraient fait la peau. Quand j'ai vu que mes intermédiaires voulaient pas se mouiller, je me suis dis qu'ils connaissaient ces bougres et qu'ils les craignaient. Oui, je l'avoue, j'ai eu les jetons. Éprouvant finalement de la compassion, je regrettai in petto ma remarque désobligeante.
- Ils n'emporteront pas cet argent au Paradis. En outre, il était sûrement écrit dans ma destinée que je devais partir en Amérique sans un sou. Mais j'ai un bon ami maintenant. C'est une plus grande richesse, n'est-ce pas !
- J'ai beaucoup d'affection pour toi, Henri. C'est du bonheur pour moi de partager ta folie.
- Tu as raison, c'est une vraie folie qui pourrait s'avérer être une dure épreuve, objectai-je en riant.
- Avec toi, ça me fait pas peur.
- Bon et alors ! Quelle est ton idée pour être embauché sur cette fameuse goélette ?
- Tu vas la trouver loufoque, mais elle serait pour toi plus tranquille.
- Ah, là, tu m'inquiètes. Sois plus explicite, mon ami.
- J'ai appris que le capitaine veut un abbé sur son bateau. Comme il est très croyant, il pense que ça protégera la traversée du mauvais esprit. Et puis, si des marins meurent pendant le trajet, ils auront les sacrements.
- Je ne vois toujours pas quelle est ton idée. À moins que tu n'aies en tête de me faire devenir cet
abbé.
- Eh bé, t'as bien vu, mon cher Henri.
- Non, mais tu dérailles ! Je ne me vois pas du tout dans ce rôle ; vu que je n'ai pas la moindre prédisposition pour le sacerdoce. Ce capitaine a dû trouver, d'ailleurs, un abbé compétent.
- Non, parce que j'ai dit à celui qui m'a rancardé que je connais un curé qui cherche à partir pour le Nouveau Monde.
- On est en plein délire, mon pauvre Fred. Ce capitaine va vite s'apercevoir que mes connaissances religieuses sont limitées. Crois-moi, il aura tôt fait de gratter le vernis.
- Henri, je suis sûr, moi, que ta chouette manière de parler va l'éblouir au contraire et que ton intelligence te soufflera ce qu'il faut dire. T'as qu'à bien t'imprégner la cervelle de l'Évangile et tout va aller comme sur des roulettes.
- Bigre ! Tu me places dans une position délicate.
- Ça va nous permettre de faire ce voyage sans débourser un kopeck et sans t'user à la tâche en plus.
- Soit ! Et toi, que comptes-tu faire sur cette goélette ?
- Je serai marin. Ça y est, j'ai déjà l'accord de celui qui s'occupe de l'embauche.
- Tu es habile, Fred. Quoique passer pour un prêtre est un vrai défi.
- Tu seras à la hauteur et tu t'en sortiras comme un chef ou … comme un vrai curé, rétorqua-t-il avec son regard malicieux.
- As-tu pensé à l'habit ? Et qui soit à ma taille surtout.
- Ah, pour sûr ! Je t'amènerai toutes les nippes qu'il faut et ça t'ira comme un gant.
Dès lors, j'entrepris de me conditionner mentalement avant de m'envoler dans l'univers des rêves chaque soir. Je n'aurais jamais pensé qu'il me faudrait, un jour, endosser la soutane d'un ecclésiastique ; quoique cela ne durerait, évidemment, que le temps de cette traversée. Car mon intention n'était pas de solliciter mon entrée dans les ordres une fois sur le sol de l'Amérique. Je remerciais le sort, cependant, de m'avoir si bien servi. Sans ce Fred, je serais sans aucun doute en train de chercher désespérément le moyen d'embarquer sur un voilier. Au moins, cette condition d'abbé me rendrait respectable et digne, donc, des meilleurs égards de la part des marins et autres mousses.
Le lendemain, je me concentrai sur la Bible et, en premier lieu, sur les Évangiles. Les paraboles de Jésus-Christ ne manquèrent pas de m'intéresser et la passion de Celui-ci de me bouleverser au plus profond. Je m'étais senti accaparé et étrangement mené vers une porte ouvrant sur un chemin qu'il me surprenait d'accepter d'emprunter. Je saisissais, à présent, le sens de ce passage vers une condition humble. Ma mère serait heureuse et fière de me voir porter ce vêtement de prêtre, étant une fervente croyante … point bigote cependant. Derrière son apparence de patriarche autoritaire, mon père adhérait, de même, aux principes chrétiens. Je subodorais donc que ce sacerdoce ne lui aurait point déplu. L'impression qu'un ange m'empêcherait dorénavant de faire machine arrière tendait à rendre mon cœur serein.
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