Prologue
Juillet 2014
Je m’appelle Fabian, Fabian Duncan, je n’ai pas fermé l’œil depuis plus de soixante-douze heures, j’ai l’air d’un zombie et mon image dans la glace me fait peur. Je ne suis plus capable de penser, je suis hors-jeu et hors du temps.J’ai passé vingt heures en garde à vue à raconter encore et encore, les enchaînements de folie de ces derniers mois.
Anne est allongée devant moi, au CHU d’Orléans, plongée dans un coma de type trois, depuis maintenant une semaine. Elle ne réagit à rien, sauf peut-être quelques mouvements désordonnés des yeux lors de stimulations faites par les médecins qui se succèdent à son chevet.L’un d’eux pénètre dans la chambre, se penche sur elle, étendue, pâle et depuis si longtemps immobile sur son lit d’hôpital. Il lui prend le pouls, soupire et s’éloigne.
Ma question résonna plus fort que je ne le souhaitais ce qui le fit sursauter.
– Elle est très mal n’est-ce pas ?
Il est trop tôt pour un pronostic, mais les examens montrent que le cerveau n’apparaît pas trop lésé, une opération risquée certes peut s’envisager, soyez patient
Je ne sais pas prier, mais je tente de me persuader que ça va aller, surtout si je lui parle, j’ai lu je ne sais où que certaines personnes étaient sorties du coma grâce à la perception inconsciente des bruits et des voix de l’environnement, alors je parle, et je me rends compte que je lui raconte notre histoire, notre calvaire qui nous a conduit jusque dans cette chambre d’hôpital où tout est encore possible si elle revient vers moi, si elle revient vers la vie. Enfin peut être ?
Chapitre 1
Anne m’avait laissé un message
Elle avait sans doute tenté de me joindre sur mon portable, sans que le vibreur n’attire mon attention. J’étais en effet en vase clos dans un restaurant de Montparnasse équipé d’une chambre pour fumeur où je devisais avec mon ami Frank en fumant un havane que, comme toujours, il avait choisi avec soin. Bien qu’habitant dans le Maine et Loire, il venait souvent à Paris où il exposait ses peintures souvent axées sur des personnages sans visages dans des univers abstraits, qui laissaient à chacun en les regardants, le libre cours à son imagination. A l’écoute je compris que le sujet était important, mais la communication se coupait en permanence. En vérifiant mon portable je vis que la batterie était HS.
En retraite tous les deux depuis quelques années nous avions choisi de rester actifs à travers des activités qui si elles n’étaient pas très rémunératrices, nous permettaient de conserver une vie sociale et une dynamique du corps et de l’esprit. Après quelques tâtonnements dans diverses actions caritatives qui ne m’avaient pas convaincu, je m’étais reconverti dans des enquêtes que me confiaient des entreprises, et qui tournaient autour de la recherche d’informations sur la concurrence et la malveillance, le pillage technologique, et au passage de débusquer les montages des sociétés procédurières qui se fabriquaient des alibis pour faire défaut à leurs dettes.
Bref, je m’occupai. Anne, quant à elle, aimait se plonger dans les archives de la généalogie pour y retrouver des liens familiaux et ancestraux souvent très décevants, en tout cas au niveau des hiérarchies sociales et des pseudos héros ou personnages ayant laissé une place, si petite soit -elle dans l’histoire. Rien de mieux que la plupart des gens. Mais bon peut-être que nous ferons mieux, on a encore un peu de temps…
Vers 17 heures je pris la route vers Chartres où nous demeurons depuis quelques années. Nous étions en janvier et la nuit s’annonçait bien noire. Je me sentais d’humeur joyeuse, pensant que finalement, même une vie ordinaire n’était pas si déplaisante, et que faute de richesse on avait, comme on dit, le bonheur intérieur, une famille et des amis qui tout bien considéré créaient autour de nous un environnement heureux.Les infos risquant de m’ôter rapidement mon optimisme, je déclenchai la clé USB spéciale Blues pour le reste de la route.Un arrêt dans une station-service contribua encore à ma bonne humeur, en voyant, le nez collé à la vitre côté passager, dans une voiture d’un autre âge, un type qui me semblait à sa tête, avoir fait la fermeture de tous les bars du quartier. J’éclatai de rire et poursuivais ma route.
C’était la veille du week-end, et j’envisageai sérieusement de tromper la morosité du climat par un resto chez des bons copains, le soir même, ou au plus tard demain samedi.Une heure plus tard j’ouvris le portail de la maison et pénétrai dans le garage ou j’immobilisai ma belle Alfa noire.Toujours très en forme je montai les marches de l’entrée et pénétrai dans le salon où je trouvai Anne, assise et immobile comme figée dans son fauteuil. Pas de télévision, pas de musique, situation très inhabituelle,
Chapitre 9
Ce soir-là, à la demande de Louis, nous nous rendons au bowling pour l’aider à remettre en état une piste dont le râteau de récupération des quilles s’était bloqué et ne communiquait plus avec le tourniquet de repositionnement. Le week-end avait été très chargé et les pistes fortement sollicitées, par des tournois acharnés et des équipes d’une sobriété pas toujours exemplaire.
– On dirait que le José est encore au bar ! Fis-je remarquer à Anne, en lui montrant sa Peugeot toujours aussi crade.
– Je vois, j’ai bien peur qu’il ne devienne une vraie sangsue !
– Ouais, ce type est un puis à emmerdements, il ne lâchera pas Lise et va nous coller aux bottes pour nous pomper du fric ! En disant cela je n’avais pas besoin de regarder Anne pour voir son agacement lié à mes propos qu’elle jugeait toujours partial.
En pénétrant dans le bowling je pus voir que cette fois il était en compagnie de trois types plutôt bruyants, qui ne devaient pas en être à leur premier verre. J’eus le temps de remarquer leur allure de brute mal rasée, tatoué comme du papier peint bas de gamme, mais ne fis aucune remarque, me contentant d’un bref signe de tête à l’attention de José. Je remarquai Louis couché sur le ventre, la tête disparaissant sous les quilles levées en bout de la piste numéro deux, et le rejoignit, pendant qu’Anne retrouvait sa fille qui venait d’entamer un examen des chaussures de location dans le stand de répartition, près de la caisse.
– Dis-moi Louis, on dirait que ton beau-père à trouver des fréquentations de premier choix ?
– Salut Fabian ! Me lança‑t‑il en sortant la tête de la cavité. Laisse tomber ! Tu te prends trop la caboche avec José, ce sont des gitans qui tiennent un casse de voiture et qu’il aide de temps à autre, pour démonter des pièces sur des épaves.
– Un job d’avenir donc ! Bon en quoi puis-je t’aider ?
Connaissant mes capacités de bricoleur il me réserva la part du manœuvre, ce qui me fit sourire, en même temps que je m’aplatissais auprès de lui.
Une heure et un torticolis plus tard, je rejoignis Lise et Anne qui finissaient de ranger leur matériel de nettoyage, leur inspection terminée, et nous prîme congés. Je remarquai en sortant que la table de nos « amis » était vide. Il avait plu un peu pendant que nous étions à l’intérieur. L’averse avait cessé mais on sentait bien que ce n’était que partie remise pour la nuit. Le parking était sombre malgré les luminaires que je trouvais d’ailleurs très mal répartis. Je m’en étais ouvert auprès de Louis, qui étant du même avis, prévoyait de faire une demande auprès de la mairie pour améliorer la couverture lumineuse, sécurisant ainsi un peu mieux les lieux.Anne me serra brusquement le bras, en m’indiquant de la tête notre voiture.
Les trois individus aperçus précédemment à la table de José étaient appuyés nonchalamment sur ma voiture, bras croisés, et discutaient visiblement en attendant ma sortie.Je m’approchai, libérai mon bras de la main d’Anne, sortis mes clefs et ouvris la voiture à distance, afin de leur indiquer mon arrivée, souhaitant sans trop y croire qu’ils allaient s’écarter.
– Monte dans la voiture, dis-je à Anne !
Je tentais de garder mon calme mais je me sentais tendu comme un arc. Anne s’exécuta, avança vers le côté passager et ouvrit la portière, pour s’installer à l’intérieur. Je vis l’un des trois hommes s’approcher d’elle, pour lui prendre la poignée des mains et jouer les gentilshommes, accompagnant son geste d’une courbette et d’un :
– Si madame la duchesse veut bien s’installer dans son Cayenne ! Les deux autres ne bougèrent pas et le plus vieux me lança, en caressantle capot encore luisant de la pluie récente :
– Ça doit valoir un bras cette belle machine, pas vrai ?
Je décidai de ne rien dire, essayant de savoir le but recherché par ces gars, mais déjà presque sûr que la courtoisie ne serait pas de règle, vu la tête de hooligan de deux d’entre eux. Le troisième, toujours la portière en main, plus âgé, semblait moins arrogant.
– ça vaut juste le prix de son travail répondis-je !
Ils s’esclaffèrent avec un bel ensemble. Celui appuyé sur le capot vint à ma rencontre et me regarda en continuant de rire.
– T’aurais pas gagné au loto toi et ta p’tite famille par hasard ? Parce que si c’est ça, y a pas de honte, mais faut juste pas oublier les amis dans le besoin !
Je sentais la situation se tendre et commençais à avoir la trouille, sachant que je ne pouvais fuir l’affrontement.
– Je vois pas de quoi vous parlez et sauf erreur de ma part on se connaît pas, alors dégagez de ma voiture, que je puisse rentrer chez moi
– On a un copain que tu connais qu’à des soucis ! Il montra Anne du doigt, son ex, continu a-t-il ! Nous on peut l’aider mais pour ça faudrait qu’on parle de notre projet !
– Quel projet ?
– Bah ! On voudrait bien développer notre casse vers la voiture de collection mais pour ça il nous faut un petit prêt, et on a pensé que tu pourrais nous aider, avec des intérêts bien sûr ! Et ça aiderait du même coup son ex que l’on embaucherait.
Je regardais attentivement mon interlocuteur, souriant, l’air d’une grosse brute faussement gentil, les cheveux brun bouclés à la Pierre Perret avec une barbe de Biker, un mètre quatre-vingts dix facile et dépassant largement un quintal plutôt graisseux que musclé, genre Raspoutine !
– Vous avez des boutiques qui sont faites pour, ça s’appelle des banques, si votre projet tient la route ils vous financeront. Moi je ne suis pas investisseur et votre truc ne m’intéresse pas, alors dégagez de ma voiture et laisser ma femme s’installer !
– Bon ! Monsieur n’aide pas les amis, donc nous n’aiderons pas ses amis, par contre on peut protéger ses biens et ceux de ses marmots, des voyous qui traînent dans les boîtes et dans les bars, et tu peux croire, on en connaît plein qui te voudrons du mal s’ils apprennent que t’as remporté le magot au loto !
– J’ai rien remporté du tout, maintenant vos conneries ça suffit dis-je en m’avançant vers le Raspoutine !
Anne m’alerta par un cri qui me fit tourner la tête vers le côté chauffeur de notre Cayenne, et je vis le troisième larron, un petit aux yeux de fouine, coiffé d’une casquette de rappeur, en train de rayer consciencieusement tout le côté droit, arborant un sourire de taré, et visiblement content de lui. J’étais sûr qu’il me fallait agir, cette situation commençait à me taper sur les nerfs et me tétanisait en même temps. La suite des événements ne faisait plus aucun doute. Je pensai rapidement appeler Louis à l’aide, puis abandonnai cette idée, qui pouvait faire dégénérer la situation en bataille rangée, en l’impliquant dans un schéma sans issue.
Je fonçai sur le taré de tout mon poids, évitant au passage Raspoutine planté devant le 4x4, et lui atterris tête baissée en plein visage. Sa tête rebondie sur la portière et déchaîné je lui flanquai un coup de poing qui lui fit une profonde blessure sous l’œil. Sans m’en rendre compte j’avais conservé ma clef de contact dans la main, et je vis avec effroi que je lui avais soulevé l’œil gauche qui pendait au bord de sa paupière inférieur. Je voyais du sang partout, Anne hurlait et les deux autres figés devant le spectacle me regardaient, ne sachant que faire.J ’en profitais pour crier à Anne de monter et je démarrai en trombe, accrochant au passage Raspoutine qui se jeta sur le côté à moins que ce ne soit le Cayenne qui l’ait envoyé sur la voiture en stationnement à proximité. Anne tremblait de tout son corps et je ne savais pas comment la calmer d’autant que de mon côté je me sentais en pleine panique.
- T’as dû lui crever un œil, j’ai vu son visage, ses yeux ensanglantés, c’était affreux !
– Calme-toi, ils vont l’emmener à l’hôpital, il s’en sortira, il y a peut-être moins de mal que tu crois lui dis-je, pas du tout convaincu. De toute façon je n’avais pas le choix, je pense qu’ils cherchaient l’affrontement, tu as vu l’état de la voiture ?
Le reste de la route jusqu’à la maison se fit dans un silence pesant. Je tentai de passer en revue la suite des événements de ce soir, car j’en étais convaincu, il y aurait une suite. Peut-être nous fallait-il nous rendre au poste de police pour raconter cette soirée de dingue ! Je me promis d’en parler avec Louis dès demain, et décidai de me rendre au bowling dans la matinée pour prendre la température et tenter de revivre les événements, pour prendre une décision.
La soirée fut consacrée à nous calmer et à envisager toutes les solutions y compris celle de rencontrer Raspoutine pour trouver une issue à cette embrouille et tenter un arrangement, mais je ne le sentais pas bien. Quant à la solution de raconter tout cela aux flics, je me voyais déjà désigné comme l’agresseur vu la disproportion des dégâts occasionnés, pour une rayure de voiture. Peut-être que j’avais paniqué et dérouillé ce mec sans réelle justification ? Sans compter que je devrais en passer par notre histoire de loto. Tout cela me paraissait de plus en plus compliquer, et je décidai de ne pas bouger pour le moment.
– Tu as vu si le grand avait été blessé quand tu as démarré, me demanda Anne interrompant mes pensées ?
- Non, aucune idée, je crois que non, il m’a semblé le voir sauter en arrière avant que je ne le touche ! Essaye de dormir lui dis-je sans conviction, demain on aura les idées plus claires, enfin, j’espère !
– Tu penses que Louis et Lise ont été mêlés à ce bazar après notre départ ?
– Non, j’y ai songé mais ils nous auraient appelés si ça avait été le cas. Dors ! Enfin si tu peux ! Je me posais la même question depuis un bon moment et ne parvenais pas à y trouver une réponse, seul leur silence me rassurait, mais la suite des événements restait pour moi un mystère dont je souhaitai la réponse au plus vite.
– Peut-être que demain je devrais appeler José qui a l’air de les connaître, pour apaiser la situation et savoir s’il est au courant continua‑t‑elle.
Je compris que la nuit allait être difficile !
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