Les Écrits

Pourquoi vouloir soigner les autres

 

Il est des rencontres qui nous dépassent, parfois c’est un face à face qui parle avec son silence, un échange de regards et un ressenti de part et d’autre. Un fil se tend, le courant passe.

Soigner c’est accepter de se dévoiler, de dévoiler son intériorité, sa vulnérabilité. La présence soignante est à ce prix.

Je laisse alors l’émotion m’envahir mais sans me dépasser, je la laisse m’habiter doucement. C’est elle qui va me mettre en lien avec l’autre et qui va me permettre de ressentir. C’est ainsi que je pénètre dans l’histoire des gens, que je les rencontre pour les aider. Je comprends et je ressens que l’autre est malade.

 

Qu’est-ce qui m’intéresse dans l’être humain, qu’est-ce qui m’attire et qu’est-ce qui fait aussi que les malades semblent attirés vers moi ? La dimension spirituelle, celle de l’esprit, la force de volonté.

L’être humain ne se réduit pas à ce que l’on en voit, il a un intérieur. Il est toujours en puissance de s’accomplir, de grandir, de surmonter, d’explorer, de se dépasser et toujours en devenir.

Comme je ressens ce qui se dégage d’une personne, je suis sensible aussi à l’énergie qui se dégage de certains lieux, dans la nature, des forces régénératrices où l’on prend pied. Des endroits riches en histoires et en émotions, églises, monastères, vieux châteaux.

 

Le corps est un mystère comme l’esprit. Nul médecin n’est capable de prédire le temps qu’il reste à vivre à un malade. Parfois même j’ai vu des médecins incapables de diagnostiquer la mort. Par contre certains malades arrivent  à déterminer exactement la date de leur mort…

Le temps qu’il reste à vivre, cela dépend de paramètres que le médecin ne connait pas, comme le goût de vivre, la force intérieure, ou le sentiment qu’il y a encore des choses à accomplir. En quelque sorte, le malade choisit sa mort. Parfois les malades meurent dans les temps prévus parce qu’ils se sont fiés aux médecins, se sont conformés à leur pronostic.

Garder la vie, c’est dans les profondeurs de l’être que cela se passe.

Lorsque l’on a côtoyé des mourants, on sait que la vie humaine est une force.

 

Mon métier m’a conduit à être à l’écoute de la souffrance des autres. Et après toutes ses années, je parviens à mieux les comprendre. Surtout depuis que moi-même j’ai dû traverser et vivre des moments difficiles. J’ai développé une espèce de force intérieure pour aider les autres, mieux les ressentir et ressentir aussi leur mal. J’ai développé un pouvoir de perception. Mais il n’y a là rien de magique ou de surnaturel, c’est de l’empathie et de l’intuition que chacun possède.

J’ai aussi beaucoup aidé des gens en dehors de mon travail, des gens proches que j’ai accompagnés. Parfois j’ai découvert leur maladie, je l’ai ressentie physiquement.

 

Mais je pense que les gens ont tous un médecin intérieur. Une capacité à s’auto-guérir. Une force intérieure de vie qui maintient un équilibre de santé. Notre système immunitaire nous préserve des maladies, nos blessures cicatrisent, nos fractures osseuses se consolident. Et cela se réalise tout seul. Parfois dans certaines maladies graves, on assiste à des rémissions, à des guérisons inexpliquées.

Le processus d’auto-guérison semble se réaliser tout seul mais en réalité, pas sans notre consentement. Parfois des malades se laissent volontairement mourir et des gens bien portants semblent tomber malades comme s’ils l’avaient souhaité.

Dans notre corps, tout ne sa réalise pas tout seul. Car nous l’habitons notre corps, nous le sentons vivre. Parfois il nous parle. Il montre des petits signes, des signaux d’alarmes. Nous n’y prêtons pas attention et nos médecins n’y sont malheureusement pas assez attentifs et n’ont pas le temps de s’y intéresser. Mais le corps a son langage. Sans tomber dans l’hypocondrie, il faut écouter son corps.

La maladie n’est pas un état naturel, elle signe un déséquilibre. Alors on s’étonne, on se pose la question : « que se passe-t-il ? ».

Notre corps est structuré biologiquement pour le bien être et la santé.

La maladie ne survient pas par hasard, elle se construit en nous, parfois sur de longues années. Elle vient prendre place dans notre vie, dans notre histoire. Elle survient parfois après un deuil, une séparation, une difficulté. Lorsque nous vivons des expériences de vie difficiles, nous luttons, de toutes nos forces, nous refusons. Parfois une blessure morale se transforme en maladie physique. Le corps exprime la souffrance qui ne peut pas sortir. Les évènements psychiques ont un impact sur notre système immunitaire, ils abaissent les défenses jusqu’à rompre l’équilibre. Les émotions, le stress jouent un rôle important dans le processus de maladie. Il y a un lien entre le corps et l’esprit, une interaction.

Mais l’esprit a une force sur le corps, mes années de travail en psychiatrie me l’on souvent montré. L’esprit a la capacité de rendre le corps malade, mais il a aussi la capacité de diminuer la douleur, les troubles, les angoisses, de trouver des solutions pour aller mieux.

Le corps humain, il vit, il respire, il mange, il boit, il voit, il entend, il parle…c’est une formidable machine et en plus il pense. Parfois aussi la pensée se dérègle et souffre !

Le cerveau c’est 100 milliards de neurones. Et si le corps parfois se repose, le cerveau, lui, ne dort jamais. Il reste le maître. La douleur, avant d’être physique, elle est mentale, chacun a un seuil de perception différent. Le médecin seul ne peut pas la quantifier, seul le malade peut le faire.

 

Pour soigner les autres, il faut d’abord les regarder, les écouter, les ressentir, écouter leur vie, leur histoire et comprendre pourquoi ils sont tombés malades. Ensuite alors on peut les aider à retrouver les forces en eux capables de les soigner.

Dominique Sanlaville . Réflexions d'un soignant

 

 

 

 

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