C’est en lisant une biographie de Jaurès que j’ai rencontré pour la première fois le vilain nom de son assassin, sa personnalité incertaine et sa mort mystérieuse sur une plage d’Ibiza au début de la guerre d’Espagne. Ce conflit m’a toujours semblé condenser le meilleur et le pire du XXe siècle en portant à son plus haut point d’incandescence l’espoir et la générosité mais aussi la barbarie, le mensonge, la lâcheté. La guerre d’Espagne me paraît être une blessure à vif dans la mémoire des hommes. Et je l’ai voulue au cœur de ce nouveau livre et de la saga familiale déjà en filigrane de mes deux précédents romans.
Dans Les Nuits d’Ava, Ariane dit un jour à son mari : « Mon pauvre Jacques, tu es atteint par la maladie du siècle et tu as la naïveté des enfants : tu crois aux légendes. Il n’y a eu qu’un seul héros durant la guerre d’Espagne et c’était mon grand-père. » Ces deux phrases ébauchaient les principaux motifs de Et pourtant ils existent : l’héroïsme, les légendes, les croyances de l’enfance, la guerre civile espagnole – et le grand-père d’Ariane, Florentin Bordes, militant anarchiste, qui va croiser le destin de l’assassin de Jaurès.
Ce qui se joue entre les deux hommes est le point aveugle autour duquel s’enroulent les fils désordonnés mais serrés de l’Histoire et de la fiction. Ils ne cessent de se tresser, se prolonger, se délier à travers une polyphonie de voix qui se répondent et se télescopent pour esquisser un récit du début du XXe siècle à nos jours, de l’assassinat de Jaurès à la révolte des gilets jaunes – récit dont le cœur brûlant serait la guerre d’Espagne, ce terreau vivace où poussent tous les rêves de liberté. Y compris la liberté grande et rebelle qui est celle du roman.”