Elizabeth II, la reine d'un siècle: Tome 1 : 1926-1992

«Elizabeth II, la reine d'un siècle»

Chapitre 8- 1966-1969-« Continuer à régner »
«Le duc d’Édimbourg faisait désormais sentir sa présence dans toute la Maison royale, ainsi que dans les ministères. La méfiance de la vieille garde, qui avait tenté de le marginaliser au début du règne, s’était largement évaporée. En 1962, le duc se lança dans une grande tournée sud-américaine, non pas pour observer la faune et la flore, mais pour stimuler le commerce avec la Grande-Bretagne. L’un de ses sujets favoris était depuis longtemps la sclérose des relations sociales au Royaume-Uni, et l’étonnante capacité du pays à innover pour voir le reste du monde en récolter les fruits. En 1965, il créa un nouveau système de récompense pour les entreprises, au nom de la reine : le Queen’s Award to Industry (Prix de la reine pour l’industrie). Ce système s’est ensuite développé et étendu pour devenir le Queen’s Award for Enterprise, dans plusieurs catégories. L’excitation et la fierté (sans parler de quelques larmes) sont toujours les mêmes quand ont lieu la cérémonie annuelle de remise des prix et la réception royale. À ce jour, plus de 6 000 entreprises ont été récompensées. Le duc, à présent quadragénaire, donnait le ton et prenait désormais le pas sur les vieux messieurs moustachus qui étaient encore si attachés à l’ancienne façon de faire les choses. Au château de Windsor, il avait établi une bonne relation de travail avec un nouveau doyen, le dynamique Robin Woods. À eux deux, ils transformèrent d’anciennes maisons médiévales situées derrière la chapelle Saint-Georges en un centre de conférences théologiques, appelé St George’s House, où toutes les confessions pouvaient explorer les grandes questions du jour. « Il est difficile de persuader les gens de dire ce qu’ils pensent : si vous parlez en public, vous pensez aux médias et aux critiques, et vous avez tendance à vous censurer508 », déclara le duc, un homme qui passerait sa vie à être critiqué (et, dans une égale mesure, admiré) pour son franc-parler. Il était occupé sur tous les fronts et prenait un réel plaisir à accompagner la reine lors de visites d’État dans des endroits de plus en plus aventureux. « Quelqu’un m’a dit un jour que nous n’avions pas de chance : “pour découvrir tous ces pays, il faudrait y aller en touristes”, a-t-il déclaré un jour. Mais, assez curieusement, les touristes ne voient pas grand-chose. Ils n’entrent pas en contact avec les gens du coin comme nous avons la possibilité de le faire. Parce qu’une fois que nous sommes là, nous sommes totalement absorbés par eux. Nous avons beaucoup de chance. » C’est au cours de ces années qu’un changement mineur, mais très symbolique, eut lieu au Parlement. Le trône des consorts, utilisé pour la dernière fois par la reine Elizabeth, tout au long du règne de son époux George VI, fut ressorti de la réserve, dépoussiéré et finalement placé aux côtés du trône de la souveraine à la Chambre des lords. En 1967, pour la première fois du règne, le duc ne fut pas relégué dans les coulisses lors de l’ouverture officielle du Parlement, mais se trouvait aux côtés de la reine pour son devoir constitutionnel le plus important. Et il y resterait, année après année, jusqu’à sa retraite de la vie publique, un demi-siècle plus tard. Les médias étaient tellement occupés par le prince Charles et la princesse Anne, qui participaient à leur ouverture de la session parlementaire, qu’ils manquèrent l’événement le plus important de la journée : une démonstration grandiose et évidente de l’autorité accrue du duc. Elle n’aurait pas eu lieu si la reine ne l’avait pas demandée. Une fois de plus, la monarque s’affirmait discrètement, mais fermement, sur le terrain politique. Sur les questions familiales, le duc continuait à décider, comme la reine l’avait toujours voulu. Il plaida pour que le prince Charles prît six mois de congé de Gordonstoun pour poursuivre sa scolarité à la Geelong Grammar School, en Australie (que le prince adorait). En 1965, le duc et la reine organisèrent également un dîner pour discuter de la future éducation du prince avec, entre autres, le Premier ministre et l’archevêque de Canterbury (le seul absent notable était Charles lui-même). Harold Wilson, se faisant l’écho de l’école de pensée de Lord Altrincham, plaidait pour une université de province, mais le duc et la reine, encouragés par Lord Mountbatten, optèrent pour Cambridge et la Royal Navy.(...) » p.257-259

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