-Reste tranquille s’il te plaît, maman est fatiguée. Et tais-toi quand papa regarde son journal.
-Ça suffit ! File dans ta chambre, et occupe-toi intelligemment pour une fois…
Alors il file l’enfant. Et s’occupe avec un jeu vidéo ou devant un écran ouvert sur un monde qui peu à peu se referme sur ses peurs et ses indifférences –si seul !
Là, immobile, il se gave d’images : petite dépouille à la chair superfétatoire, petit sujet (presque) bien dressé…. Mais sans plus d’apprentissages justement : ni celui de l’enfance, ni celui de sa force. Ni, surtout, celui de l’autre en sa réalité tellement semblable et si différente cependant – infinie richesse d’une communauté où la diversité fait humanité.
Or il doit apprendre le petit d’homme : à contrôler ses pulsions, vider ses énergies et verbaliser ses peurs ou ses violences. Apprendre de son corps engagé dans la bataille ; apprendre de ses compétitions pour que peu à peu elles s’amenuisent. Sans cela, un jour ou l’autre, avec d’autres forces, d’autres armes, portées de frustrations et de silences, elles resurgissent en vagues destructrices.
L’enfant donc, que l’on fait taire, que l’on assied. Qui est métamorphosé en un adulte miniature, en un consommateur effréné – en un solitaire sans plus de références proprement transmises, réellement investies.
L’enfant et les femmes. Qui se démultiplient : en rôles, fonctions, moments et états – entre un instinct (d’espèce), un statut (socio-culturel), une fonction (professionnelle), un rôle (familial), un choix (personnel/personnal – mais impliqué dans le lacis des déterminants pluriels) et un projet (d’existence/ existentiel).
Des femmes qui désirent, veulent et exigent : un enfant, si elles veulent ; un enfant quand elles veulent ; un enfant comme elles veulent (même hors leur ventre…).
Les femmes disions-nous, et les hommes : avec leurs désirs prométhéens, leur narcissisme angoissé, leur volonté de puissance, leurs manques, leur stress, leurs certitudes et leurs incertitudes ou leurs ignorances…
Les hommes et puis l’humanité en sa diaspora : ici accrochée, écorchée, sur des terres desséchées ; là engluée dans ses coulées de boue. Ou encore attachée (et fascinée, aveugle donc) à ses tours infernales qui chatouillent un ciel toujours plus enfumé – dansant sur les déchets qui étouffent ses propres enfants.
L’humanité et ses conflits sanglants, ses rivalités sans garde-fou, ses concurrences débridées et ses dilemmes moraux. L’humanité et ses choix, ses doutes, ses peurs – ses risques et ses angoisses. L’humanité et ses techniques : celles qui sauvent, celles qui tuent. Celles qui sont disponibles, celles que l’on s’achète, celles qui font défaut et celles qui se profilent.
L’humanité et son avenir donc, et son devenir…..
-Fais pas ci, fais pas ça…...
-Pas beau ! Pas bien ! Pas juste !
Et blabla-ci et blabla-là : le monde tourne et tout coule, comme disait l’autre Grec.
-C’est comme je dis ! Comme je veux, ou comme je peux...
-C’est immoral, que diantre ! Que dis-je ? Abominable, oui !
Et verbiage et emphase : les mots se gonflent tandis que leur sens éclate en sons vibrionnants.
-A penser bien, citoyens, cela relève d’une atteinte à la dignité et à la liberté.
-Croyez-moi, cher Monsieur, c’est un coup porté à l’enfance et à l’innocence.
-Contre la raison ou le sens commun…
-Contre l’ordre, cher ami, contre l’Ordre !
L’ordre des pères ou du Père (Eternel ?). L’ordre de la cité, l’ordre des choses, l’ordre du monde (physico-chimique ou transfiguré en une entité sacrale).
-D’ailleurs, c’est un crime, Votre Honneur – à l’encontre des personnes, de l’humanité ou de l’espèce.
Et l’on s’affronte à tout va : en duels verbaux, à coups d’arguments rationnels ou d’images irraisonnées – c’est dans l’ordre des choses humaines justement ! Entre sapiens, demens et pictor : parce que la conscience, parce que les vécus…… Parce que les espoirs, les inconnues et les angoisses…… Et la souffrance aussi, qui de temps à autre se révolte. Sans omettre, à tout homme son lot, les pulsions et les projets : qui sont individuels en leur situation relationnelle ; qui sont collectifs ou anthropologiques au-delà du singulier.
Cependant, désormais, l’on peut faire sauter la planète en poussant sur quelques «boutons» aux accès plus ou moins codés. Ou changer l’espèce en bricolant les génomes. Certes, les ciseaux sont moléculaires et les fils tissés de séquences géniques – tirés alors par quelque vecteur viral. N’empêche, c’est de patchwork qu’il s’agit :
- Inédit, chimérique, fantasmagorique – et dangereux.
-Prometteur, révolutionnaire – et merveilleux.
Par suite logique ou viscérale, l’on oppose les arguments qui sont souvent autant d’avis ou d’intuitions.