Alors que l'Europe est ébranlée par le plus grave conflit qu'il lui ait été donné de connaître depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, nous évoquons Stefan Zweig. Revenons sur la vie de ce pacifiste convaincu, qui fut le témoin de la fin d'un monde et qui espérait qu'après sa mort, une nouvelle Europe libre et unie verrait le jour.
Il était un fervent Européen, convaincu de la nécessité de la paix et du partage des cultures. Né le 28 novembre 1881 à Vienne en Autriche-Hongrie dans une famille juive, Stefan Zweig représentait l’élite viennoise de la fin du XIXe siècle. Son père, Moritz Zweig, était un riche fabricant de textiles et sa mère, Ida Brettauer, appartenait à une longue lignée de banquiers.
Très tôt tourné vers l'écriture, il se lia d'amitié avec de nombreux esprits éclairés comme Sigmund Freud, Arthur Schnitzler, Romain Rolland, Richard Strauss ou encore Émile Verhaeren. Il célébra aussi son goût pour la culture du monde européen avec sa collection de manuscrits, de partitions et d'autographes, qu'il avait enrichie après avoir hérité d'un ensemble constitué par son oncle.
Dans ce véritable trésor, assemblé comme une œuvre d'art, on retrouvait notamment une page des Carnets de Léonard de Vinci, un manuscrit de Nietzsche, le dernier poème manuscrit de Goethe, des partitions de Brahms et de Beethoven... Cette collection inestimable sera confisquée par les nazis, dispersée et en grande partie détruite. Un texte de Zweig, La Collection invisible, fige pour l'éternité la beauté de ces alliances mémorielles couchées sur papier, témoins des plus grands génies de la culture européenne, qu'il aimait conserver près de lui.
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Ayant pris très vite conscience du danger que représentait Adolf Hitler, Stefan Zweig partira en exil. Il se rendra dans un premier temps en Angleterre, vivant d’abord à Londres, puis à partir de 1939 à Bath. L'auteur de La Confusion des sentiments et de Vingt-quatre Heures de la vie d'une femme, poursuivra son œuvre littéraire, de biographe (Joseph Fouché, Marie Antoinette, Marie Stuart) et surtout d'auteur de romans et nouvelles : Amok, La Pitié dangereuse, La Confusion des sentiments, Le Joueur d'échecs...
Il finira par s'exiler au Brésil en 1941, formulant le dernier espoir d’un monde de fraternité, de paix et d’harmonie entre les peuples.
Le 23 février 1942 à Petrópolis, l'écrivain viennois se donnera la mort, aux côtés de sa femme Charlotte Elisabeth Altmann.
Stefan Zweig laissera une lettre juste avant de mourir. Voici sa version en français traduite par Laurence Baïdemi :
« Avant de quitter la vie de ma propre volonté et avec ma lucidité, j’éprouve le besoin de remplir un dernier devoir : adresser de profonds remerciements au Brésil, ce merveilleux pays qui m’a procuré, ainsi qu’à mon travail, un repos si amical et si hospitalier. De jour en jour, j’ai appris à l’aimer davantage et nulle part ailleurs je n’aurais préféré édifier une nouvelle existence, maintenant que le monde de mon langage a disparu pour moi et que ma patrie spirituelle, l’Europe, s’est détruite elle-même.
Mais à soixante ans passés il faudrait avoir des forces particulières pour recommencer sa vie de fond en comble. Et les miennes sont épuisées par les longues années d’errance. Aussi, je pense qu’il vaut mieux mettre fin à temps, et la tête haute, à une existence où le travail intellectuel a toujours été la joie la plus pure et la liberté individuelle le bien suprême de ce monde.
Je salue tous mes amis. Puissent-ils voir encore l’aurore après la longue nuit ! Moi je suis trop impatient, je pars avant eux. »
Stefan Zweig, Pétropolis, 22-2-1942
Lettre originale conservée par la la Bibliothèque nationale d'Israël
Fidèle à ses idéaux pacifistes, Stefan Zweig a toujours invité les pays à fraterniser entre eux plutôt que de nourrir les antagonismes et les conflits. Il prêchait pour une Europe unie, conviction qu'il défendra jusqu'à la fin de sa vie. Peu avant son suicide, il avait achevé son autobiographie qui résonne avec une intensité toute particulière aujourd'hui à la lumière des événements qui touchent l'Ukraine. Dans Le Monde d'hier. Souvenirs d'un Européen, Zweig évoque «l' âge d'or » de l'Europe, et analyse ce qu'il considère comme l'échec d'une civilisation. Sommes-nous en train d'assister à un nouveau crépuscule de ce rêve européen tant appelé de ses vœux par Stefan Zweig ? Malgré la fin tragique de son auteur, la parole de Zweig ne doit jamais faire oublier son espoir, écrit dans Le Monde d'hier :
« Mais toute ombre est en fin de compte aussi fille de la lumière, et seul celui qui a connu clarté et obscurité, guerre et paix, ascension et déclin, seulement celui-là a véritablement vécu. »
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