Nous nous éloignons des invités et nous nous rapprochons du hublot panoramique qui permet, à cette hauteur vertigineuse de 324 mètres, comme la tour Eiffel de Paris, d’observer la vaste étendue du 6ème continent et quelques carrés des Célébrités Posthumes dont celles de Papa Legba et du Minotaure, qui s’étalent à nos pieds.
Nous souhaiterions apercevoir le Minotaure car il se montre rarement. Il préfère rester caché dans son labyrinthe de brume. C’est son habitude mais parfois on peut l’entendre hurler, meugler, et c’est terrifiant car il a un souffle puissant.
Corne de brume soufflée par un Taureau puissant et mythique d'une île de ma Méditerranée.
Au loin nous apercevons la silhouette de Li Po boire et lever le coude comme s’il se tenait debout derrière un bar en regardant la lune, sa lune artificielle qui éclaire son carré avec l’efficacité d’un lampadaire public de banlieue.
J’aurais aimé apercevoir Wu la blanche mais elle ne sera pas passée devant nous, jusque-là.
Le soleil se couche au même moment, brutalement, et lance sur ce paysage une éphémère peinture de couleur rouge sang. Tout est devenu rouge, dans des teintes différentes, que ce soient les oiseaux mutants, le ciel, la mer ou la brume. C’est probablement la même couleur que celle des bottes de la fille de Wu, telles que le poète les avait rêvées et chantées.
Celle-ci vient d'arriver et marche à grandes enjambées dans notre paysage.
Ce spectacle est beau à vous couper le souffle, aussi beau qu’avait du être la naissance du monde, lorsqu’il n’était qu’énergie.
Je murmure alors, à voix haute, le poème de Li Po que Sam nous avait conté :
« – Une belle de Wu de quinze ans, sur un cheval nain ses sourcils peints d’indigo, ses bottes de brocard rouge... »
Cinq mouettes chiens volent en tourbillonnant devant le hublot panoramique. Elles sont blanches immaculées comme le sont les colombes et représentent probablement, ici dans le sixième continent, la même idée de pureté, j’espère de paix.