A l’occasion de la parution de son roman «Il n'y a pas d'Indochine» (Grasset), Charles Dantzig se livre au jeu du «selfie» pour Viabooks. Un autoportrait au service de la littérature.
Réalisation Annick Geille
Mon bureau, éditions Grasset, rue des Saints-Pères, Paris, France, devant le mur de ma collection Les Cahiers rouges.
Je suis né en 1989, année de la publication mon premier livre. Tout écrivain naît à son premier livre. Avant cela, il est en gestation. Et c’est cette attente qui fait que nous avons à la fois vingt-sept ans de moins et mille ans de plus que les autres. J’ai mis longtemps à employer le mot « écrivain ». J’avais publié un livre, deux, trois, je ne trouvais pas que cela faisait de moi un « écrivain ». C’était un mot qui était réservé à la horde sacrée que j’adorais depuis l’enfance. On ne pouvait pas se permettre d’utiliser ce mot comme on met un gant.
Ecrire mille pages tout à sa gloire que j’ai appelées égoïstes. Etre éditeur, c’est-à-dire m’oublier pour m’occuper des autres, vivants (collection brique des Belles Lettres, collections jaune et bleue de chez Grasset) ou morts (Cahiers rouges), car je ne conçois pas la littérature présente sans celle qu’on appelle du passé et qui n’est pas moins vivante. Tout ça c’est un manège, avec chevaux de bois, pompons, musique, crins-crins, chefs-d’œuvre, on tourne, allez, montez, montez.
Remy de Gourmont, Cher Vieux Daim !, récemment réédité par Grasset, un essai sur cet essayiste, poète, romancier et éditeur capital de la fin du XIXe siècle.
C’est un livre où un narrateur va voir dans vingt-cinq endroits du monde comment se passe la postérité des artistes et qui, revenu, se retrouve. Il avait suivi une étoile.
« Je quitte Paris par la gare du Nord. »
« Te voilà, moi ! »
C’est un livre de mes débuts, le troisième, après l’essai sur Gourmont et mon premier livre de poèmes, Le chauffeur est toujours seul, dont les publications ont été concomitantes à deux mois près. Je le réédite augmenté d’une préface. J’ai autant de devoirs envers mes livres passés qu’envers les présents. Sans parler des futurs, puisque je dois les écrire, je suis en train, ils sont là, réclamant leur transfusion, ah, on ne sait plus où donner du sang. Le sang des écrivains est de l’encre, n’est-ce pas. Je l’ai entre autres écrit dans « Théorie de l’encre », poème de A quoi servent les avions ?, un de mes nombreux titres engageant ce moyen de transport.
Il n’y a pas d’Indochine contient mes livres suivants, cela m’a frappé en le relisant. Des écrivains partout, comme plus tard dans le Dictionnaire égoïste. Je ne regarde pas la littérature séparée des écrivains, contrairement à la façon dont on l’enseigne, comme si elle était une production abstraite dans laquelle les hommes ne seraient pour rien. Les écrivains sont la vie, l’imperfection, que l’on combat et dont on ne triomphe heureusement pas. Il y a aussi de nombreuses listes, comme plus tard l’Encyclopédie capricieuse. De la fiction, comme plus tard dans mes romans, où je place aussi des réflexions que l’on pourrait qualifier d’essais, car je ne crois pas aux genres. Suit un genre qui n’a pas d’idées.
J’aimerais bien qu’on puisse inventer des poèmes numériques où, en appuyant sur le cœur du texte, on plonge dans un sous-texte, et un autre, et un autre, et encore un autre, jusqu’aux profondeurs et, à la fin, autre surface.
Une jolie cravate.
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