En pleine période secouée par les polémiques concernant l’immigration, le dictionnaire sur les étrangers qui ont contribué à bâtir la France dirigé par Pascal Ory , professeur d’histoire contemporaine à la Sorbonne apporte un éclairage salutaire sur la question de l'intégration et de l'enrichissement national apporté par tous ces "immigrants". Rencontre.
En pleine période secouée par les polémiques concernant l’immigration, l'ouvrage de Pascal Ory , professeur d’histoire contemporaine à la Sorbonne, qui enseigne aussi à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), ainsi qu’à Sciences Po Paris apporte avec recul – plus de 30 ans de recherches-, et sobriété – le parti pris du dictionnaire, un éclairage salutaire. Ce travail remarquable, écrit dans une langue limpide est une mine passionnante qui permet de relire l’histoire de la France depuis la Révolution. A l’occasion d’une rencontre organisée par Catherine Soëtemondt dans la cadre de son club de réflexion, 31Raspail, nous avons pu interroger celui qui montre combien la France a depuis des siècles été terre d’immigration et a construit sa richesse en intégrant ces talents du monde entier.
-Pascal Ory : C’est un projet très ancien, que je porte depuis 30 ans en effet. Il m’est apparu depuis longtemps que la France, comme les Etats-Unis ou l’Australie a toujours été un pays d’immigration, contrairement à d’autres nations en Europe , l' Espagne, l'Angleterre, ou l'Allemagne par exemple qui ont été des pays d’émigration traditionnelemnt. Lors d' un voyage à New York, alors que je visitais le musée de l’immigration sur Ellis Island, l'idée de ce dictionnaire m'est venue : la trace des immigrants américains y est très bien documentée dans le musée. J’ai pensé qu’il n’existait rien d’identique en France et que cela serait intéressant de donner corps à cette mémoire qui est aussi la nôtre.
-Pascal Ory : D’abord, nous avons pris une base chronologique : la Révolution française et plus exactement le 17 juin 1798, le jour où l’idée de Nation a été pour la première fois énoncée en France. Nous avons aussi décidé d’aller jusqu’à nos jours et d’y intégrer les vivants. Ensuite, il fallait être précis, car le terme d’étranger est assez flou. Nous avons donc décidé qu’il fallait qu’il s’agisse soit de personnes nées à l’étranger, soit de personnes nées en France mais avec le statut d’étranger. Enfin la langue française était aussi un critère (pour Casanova par exemple).
-Pascal Ory : Déformé ? Le
lecteur trouve dans un dictionnaire, ce qu’il vient y chercher. Je ne voulais
pas écrire une Encyclopédie pour ne pas
partir dans des thématiques qui m’auraient forcé à prendre des lignes d’interprétations.
Il s’agit de faits, de biographies, de destins. Rien ne peut être contesté, ni
détourné. Que les fondateurs de la maison Hermès, qui ont bâti le fleuron du
luxe français ou le Baron Bich, père d’un empire industriel ou de grands musiciens, peintres ou poètes comme Frédéric Chopin, Pablo Picasso ou Guillaume Apollinaire aient été étrangers
immigrés en France, sont des faits. S’ils n’avaient été intégrés à la France,
ils auraient manqué à son rayonnement.
-Pascal Ory : Il est certain que le rôle des ingénieurs britanniques au début de l’industrialisation, celui des dockers sénégalais à Marseille après la Seconde Guerre mondiale, ou même celui des manouches dans la diffusion du cinématographe était méconnu.
-Pascal Ory : La mémoire est sélective et oublie les difficultés pour y arriver. Qui imagine aujourd’hui qu’Henri Bergson a dû batailler pour exister en France ? Qui imagine que chaque étranger a dû conquérir sa place, sa reconnaissance dans son pays d'adoption?
-Pascal Ory : Sur le terrain du symbole, je citerais René Goscinny, fils d’émigrés juifs polonais et Albert Uderzo, issu de l’immigration italienne, qui ont créé Astérix, l’incarnation de l’esprit Gaulois, donc français. C’est quand même assez extraordinaire et c’est dans notre histoire récente !
Pascal Ory, Ces étrangers qui ont fait la France, Robert Laffont
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