Lointaine, présente dans l'absence, Hannah Arendt le fut pour Martin Heidegger dès les premiers mois de leur relation amoureuse. Étrange amour que le leur, fait de pudeur et d'audace, de tact et de sincérité, d'une admiration réciproque à laquelle ils restèrent fidèles jusqu'à leur mort. Leurs origines, le Reich et l'adhésion de Heidegger au régime nazi, l'exil, la Shoah, l'orientation même de leurs philosophies respectives, rien de ce qui était fait pour les séparer n'y parviendra. Dix-huit ans : c'est l'âge auquel la jeune étudiante, romantique et mélancolique, tomba amoureuse du maître qui était déjà devenu celui par lequel toute une génération d'étudiants renouait avec l'ambition de penser. C'est aussi l'écart d'âge qui les séparait. C'est encore la durée du silence que les tragiques événements du siècle leur imposèrent. Jusqu'à ce qu'en 1950, à l'initiative de celle qui allait publier à New York sa première grande œuvre, Les Origines du totalitarisme, le contact soit rétabli. Au fil des mois, les échanges retrouvent quelque chose de la ferveur d'autrefois, témoignant de la conscience partagée du mystérieux accord qui ne cessa de résonner entre deux êtres aux destinées pourtant si dissonantes.
Pour en savoir plus sur ces deux philosophes, vous pouvez vous reporter à La Fille de Thrace et le Penseur professionnel, Arendt et Heidegger, de Jacques Taminiaux ; Hannah Arendt et Martin Heidegger, de Elzbieta Ettinger ; Heidegger et son temps, de Rüdiger Safranski et Hannah Arendt de Martine Leibovici. -Emilio Balturi