Sur une trame aussi noire, on pourrait s'attendre à une écriture fort austère, mais loin s'en faut : Martin Page cultive des métaphores et trouvailles heureuses qui tirent le texte du côté de la rêverie surnaturelle et poétique. Si le monde contemporain paraît absurde, vu par cet employé modèle qui n'arrive pas à mettre fin à ses jours et passe son temps à écouter un quatuor de mariachis mexicains reprenant les standards des Beatles, il est aussi le lieu d'un décalage permanent. "Superman déguisé en Clark Kent", l'éternel suicidaire n'est-il pas parvenu par exemple à cultiver un "jardin intérieur", au sein d'un immeuble dédié au béton et au métal ? Une révolte discrète qui ira chez l'impétrant jusqu'à passer une semaine de vacances dans son ascenseur ! Clin d'œil nonchalant au film de Bill Murray, Un jour sans fin, Une parfaite journée parfaite se décline comme une douce folie que bercent de multiples références musicales. Une folie qui n'est autre que celle de notre société de consommation, épinglée ici avec malice par un enfant terrible de la littérature française. Ce deuxième roman renforce à souhait l'univers de Martin Page et en fait un romancier joyeusement mélancolique qu'on n'a certainement pas fini d'apprécier. --Frédéric Grolleau