Sophie écoutait le récit calme et posé de Luka et prenait quelques notes. Il lui raconta ses classes joyeuses, le crissement de la craie sur le tableau vert, les casiers débordants de livres abimés. La cloche sonnait les récréations libérant les écoliers pour des parties de balle au prisonnier qui les menaient en enfer et des marelles qui les transportaient au paradis. Vers huit ans, Luka avait intégré l’école de rugby locale. Il y avait découvert, avec exaltation, les premières amitiés viriles, celles qui se forgent au combat et qui vous laissent entrevoir l’homme que vous allez être. Il vivait ses journées au pas du soleil et ses années au rythme des saisons. Les vendanges lui avaient donné ses premiers émois faisant surgir des hordes de jeunes saisonniers pressés qui, au crépuscule, laissaient entendre leurs guitares à la lumière crépitante des feux de bois. Les ceps rougissaient sous la braise dégageant un parfum musqué et enivrant. Fasciné, Luka découvrait la vie des grands qui fumaient des herbes voluptueuses et s’éclipsaient par deux derrière de sombres bosquets.