Lauréat du prix Renaudot des lycéens, "L'amour et les forêts" peint la vie d'une femme blessée, harcelée par son mari. Alors que mardi 25 novembre 2014, le monde se mobilisera contre les violences faites aux femmes, Eric Reinhardt écrit sur ce thème qui lui tient à cœur depuis "Système Victoria" et "Elisabeth ou l'équité", un récit glaçant , qui montre l'implacable enchaînement du harcèlement. Certaines maladresses du texte nuisent malheureusement à sa force littéraire. Ce qui ne retire rien à la pertinence de son sujet.
Professeur de français, adepte de l'automne et de l'écrivain aristocrate Villiers de L'Isle Adam, éprise de sublime, Bénédicte Ombredanne apparaît au narrateur, qui n'est autre que l'écrivain, comme une femme sensible et raffinée. Pourtant, sa vie est gâchée par une vie de famille destructrice, menée par un mari goujat et manipulateur. Bien loin de ses ambitions, elle bovaryse, en tentant de croire à un avenir meilleur, ou en ressassant une unique après-midi de bonheur.
Entre servilité sans limite et esprit révolté, Bénédicte Ombredanne est une héroïne duale. Ses nom et prénom, qui ne sont presque jamais dissociés, sont répétés comme une litanie lassante plusieurs fois par page. L'aspect tragique n'en est que plus marqué, avec ce qui passe comme un rappel de l'oxymore que forme l'association d'un tel prénom - benedictus signifie "béni" en latin - à une telle vie. Cette vie impossible est minée par le temps, nivelée par le bas au fur et à mesure des humiliations. Mais ce temps qui enterre est aussi suffisamment pesant pour émousser par instants l'intérêt du lecteur.
Un jour de prise de conscience plus aiguë qu'à l'ordinaire, elle décide de se sentir libre et se rend sur Meetic. L'auteur choisit de retranscrire ces échanges crus et triviaux d'un site de rencontre, mais avec un ton faussement drôle qui fait de son style un violent contraste avec celui de Villiers de L'Isle Adam, dont la nouvelle "l'Inconnue" (Contes Cruels) est reprise intégralement au milieu du roman. Cette inclusion fait figure de parenthèse onirique, mais aussi d'un modèle dans l'écriture des images et des perceptions. Les deux textes superposés font ressentir d'autant plus au lecteur les tentatives infructueuses d'Eric Reinhardt en matière de fuidité stylistique.
Forêts mystérieuses, langueur du temps et manipulations
La perversion du mari, qui n'est pas sans rappeler les pièges et manipulations du dernier film de David Fincher, Gone Girl, éclate après cette aventure adultère en une belle tirade de plusieurs pages, qui deviendra quotidienne. Crachant sa colère et son mépris, celle-ci est comparée à la densité d'une forêt. Les fameuses forêts du titre sont donc tout ceci à la fois: la déflagration verbale touffue du mari, le goût qui lie Bénédicte Ombredanne à l'écrivain, et le lieu du rêve et du sensible, de l'évasion poétique de la fin du roman.
La composition anachronique de L'amour et les forêts est une audacieuse mise en abîme des points de vue, où le personnage de l'écrivain, qui se met lui-même en scène, demeure central en se posant comme un observateur-enquêteur ,mais se confondant avec le narrateur omniscient. On peut regretter l'usage systématique du discours indirect libre pour introduire la parole des autres personnages, qui devient un recoursattendu et perd de sa valeur esthétique.
"C'est sans doute mon roman le plus personnel, une synthèse de tous mes livre" a confié Eric Reinhardt à l'AFP. Le fameux dernier roman mentionné dans L'amour et les forêts, reconnu comme un chef d'oeuvre achevé par l'héroïne et par l'écrivain lui-même? Qu'importe, et même si l'histoire de Bénédicte Ombredanne a été inspirée par la rencontre de l'auteur avec une femme harcelée par son mari, l'auteur rappelle que L'amour et les forêts reste une fiction.
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