Avec ce second volet de la saga d'Isaac Sofer, modeste peintre parti à la rencontre de son destin, Christophe Blain confirme avec maestria tout son talent de dessinateur, de scénariste et de dialoguiste. Il renouvelle avec bonheur le récit de pirates et d'aventures. Ici, on est bien loin de Barbe-Rouge et des canons du genre. Pas de combats épiques, de héros inoxydables ni de rebondissements feuilletonnesques. Le héros s'interroge sur son devenir, parle de philosophie avec les marins du bord et se demande s'il est taillé pour ce genre de périple, lui qui n'aspirait qu'à rester dans son atelier pour travailler sa peinture. Surtout, le trait de Blain est un ravissement permanent. Il possède un authentique coup de crayon, nerveux, hachuré, diablement vivant. Chez lui, les maisons, les rues, les visages ou les objets sont tordus, bancals, incertains, comme ils le sont dans le quotidien. Loin de ces graphismes qui se veulent réalistes alors qu'ils n'ont à offrir qu'une pâle imitation de la vraie vie. Et puis, l'aventure d'Isaac n'a rien d'une geste excessivement héroïque : le personnage trimballe ce qu'il faut de doute et d'inquiétude pour convaincre le lecteur. Et les couleurs, enfin, ravissent l'œil. Traitées en aplats, tour à tour vives ou nuancées, leurs dominantes de brun, de bleu et de vert sont pour beaucoup dans la fascination visuelle exercée par cet album. Attention : une série majeure est en train de s'élaborer sous nos yeux... --Philippe Actère