Petit ouvrage épuré, Cabale à la cour (Robert Laffont) fera la joie des amateurs de belles manières et de beau langage. Sous la plume de Jean-Michel Delacomptée, ils retrouveront les grands noms de la Cour du Roi-Soleil, autour d’un dialogue minimaliste entre raison et plaisir.
Sous la plume de Jean-Michel Delacomptée, Cabale à la cour (Robert Laffont) met en scène les grands noms de la cour du Roi-Soleil, autour d’un dialogue minimaliste entre raison et plaisir. Un régal pour les lecteurs
La mise en scène est dépouillée, presque graphique. En 1710, le duc de Saint-Simon, évoqué à coups de « débit rapide de la voix pointue, regard intense qui tourne comme une toupie, gestes vifs, souvent même fougueux », sollicite un entretien avec son ami de longue date le duc d’Orléans. Celui qui sera régent cinq ans plus tard est alors en disgrâce et loin d’envisager le pouvoir qui deviendra le sien. Et le sagace Saint-Simon, pourtant si pointilleux lorsqu’il s’agit d’accorder son estime, voit en lui « le tient rougeaud bruni par ses campagnes militaires, mais des manières infiniment gracieuses, le maintien altier sans rien de rude, l’abord toujours cordial, la voix douce avec des éclats de colère ».
Compagnon de jeunesse du neveu du roi, Saint-Simon plaint surtout « son incurable sentiment d’ennui, creuset des débauches où il dilapide ses incomparables talents ». Mais ces débauches ont usé la patience des puissants et de l’opinion, ses provocations lui ont suscité trop d’ennemis, et le fidèle Saint-Simon a eu vent d’un complot visant à le condamner pour haute trahison. Au cours d’un dialogue qui prend la forme d’un examen de conscience et qui s’étend sur tout le roman, le futur mémorialiste s’efforce de convaincre Philippe d’Orléans de rompre sa liaison ostentatoire avec Mme d’Argenton pour retrouver la faveur royale. Il s’efforce de le convaincre d’abandonner la seule véritable joie de sa vie au profit de sa situation.
« Scintillement des pierreries, reflets moirés des chausses. » En toile de fond de la délibération confinée dans le cabinet du duc d’Orléans, nous parviennent les échos des intrigues de cour plus ou moins fameuses. Plaisir pour les amoureux du Grand Siècle de reconnaître ces noms célèbres dans une perspective intimiste. Plaisir auquel Jean-Michel Delacomptée a habitué ses lecteurs puisqu’il s’ingénie depuis plusieurs décennies à faire revivre par les mots ce siècle qui couronna la France reine des lettres et des arts, et que nos contemporains négligent pourtant. Les aficionados de Saint-Simon apprécieront aussi les clins d’œil à ses Mémoires où « il appuiera férocement sur le manche du pinceau ». Reste cette perplexité que provoque toujours un peu l’immersion dans cet univers dont la mécanique raffinée ne masque pas la singulière vacuité. Et cette morale : « le bon courtisan est un être double ».
>Jean-Michel Delacomptée, Cabale à la cour, Robert Laffont, 156 pages, 17 euros
>Plus d'informations sur le site Internet de l'auteur
>Visionner une vidéo dans laquelle Jean-Michel Delacomptée s''exprime sur la langue française et les dangers qui pèsent sur elle.
Réalisation: François Busnel/La grande Librairie.
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