Régulièrement, l'Hôtel Hyatt Regency Paris-Madeleine accueille entre ses murs les passionnés de littérature pour un brunch présidé par Daniel Picouly, qui reçoit les grands écrivains du paysage littéraire français (de Patrick Rambaud à Alain Mabanckou, en passant par Catherine Millet). Le dimanche 15 mai 2011, Philippe Sollers, dont le puissant Trésor d'Amour (Gallimard) vient d'être publié, était l'invité de ce brunch littéraire atypique, que Daniel Picouly définit lui-même ainsi: « Expression dominicale française, désignant le fait d'unir la table et la littérature pour en conjuguer les plaisirs en agréable compagnie. »
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Couronnée par sa verrière, La Chinoiserie est inondée par une lumière saine et caressante qui lui donne des allures d'atrium romain: les serveurs exécutent leur ballet à la perfection, et des parfums alléchants proviennent d'une salle voisine, où Frédéric Charrier, le chef-cuisinier, présente ses mets savoureux aux clients. Eclats de rires et bribes de conversations. En ce dimanche 15 mai, le déjeuner qui se déroule au restaurant de l'Hôtel Hyatt Regency Paris-Madeleine a quelque chose de particulier: il s'agit d'un Bruch Littéraire comme ceux que l'établissement organise régulièrement, animés par l'écrivain Daniel Picouly. C'est un invité de marque qu'accueille aujourd'hui La Chinoiserie, en la personne de Philippe Sollers, une des plus grandes plumes de notre époque. Il déjeune dans la salle avec Daniel Picouly, préparant déjà, sans doute, le passionnant entretien qui va avoir lieu.
D'emblée, la conversation est placée sous le signe de la franchise, même si celle-ci s'annonce...partielle: Philippe Sollers, hilare, commence en se définissant lui-même comme un "Cadet de Gascogne, bretteur et menteur sans vergogne". Ce sera donc à Daniel Picouly de percer l'écrivain à jour, ou au moins d'étudier avec lui les rouages de ses oeuvres, son rapport à l'écriture, ses méthodes de travail. De toute évidence, Philippe Sollers aime brouiller les pistes: à son vrai nom, "beaucoup trop beau, qui ne m'aurait attiré que des ennuis à l'époque", Philippe Joyaux, il préfère le pseudonyme de Sollers (qui fait référence, par l'étymologie, à un surnom donné à Ulysse) soulignant que "les rapports entre un écrivain et sa famille sont toujours très intéressants à observer". Très vite, l'auteur évoque sa rencontre avec François Mauriac, qui disait "Je m'emparerai de l'actualité et j'en ferai de la littérature". Philippe Sollers en est convaincu: "C'est la littérature qui peut dire la vérité" rappelle l'écrivain qui n'a jamais hésité face à l'engagement: passé par le maoïsme, il publie par exemple en 1998 La Littérature contre Jean-Marie Le Pen, aux éditions P.O.L. La littérature a, elle aussi, une responsabilité politique.
Ce militantisme littéraire, Philippe Sollers ne l'a jamais quitté pendant sa carrière aux ramifications multiples: en 1960, deux années seulement après son premier ouvrage, il participe à la création de la revue Tel Quel, qui contribuera à l'élaboration et au succès du structuralisme (l'interprétation par le langage), que Roland Barthes a largement théorisé et appliqué par la suite. Une époque, "une situation qui était très favorable" et dont il garde un souvenir impérissable: Barthes, Lacan (et ses fameux séminaires, menés "sans notes" rappelle l'écrivain), Foucault, Deleuze ou Derrida, Philippe Sollers les a tous rencontré, a échangé et partagé avec ses collègues écrivains et penseurs. Cet héritage de l'année 68 que certains voudraient "éradiquer", l'auteur en est un témoin direct et actif, et entend bien le préserver et l'entretenir. De chaque époque, Philippe Sollers tire de la littérature: lorsqu'il évoque (en imitant les grésillements de la radio) les messages codés en provenance de Londres pendant l'Occupation, "Les Français parlent aux Français", "J'aime les femmes en bleu" ou "Nous nous roulerons sur le gazon", il souligne immédiatement le caractère poétique du système lexical utilisé. En 1982, Sollers quitte Tel Quel pour créer L'Infini, une autre revue publiée par Denoël et prend la tête de la collection L'Infini chez Gallimard.
Daniel Picouly, décidemment excellent meneur d'entretien, rappelle à juste titre une formule tirée de Trésor d'Amour (Gallimard), le dernier ouvrage de Philippe Sollers: "L'amour est toujours politique". L'auteur explique sa conception du sentiment amoureux, à la fois "acte de résitance contre la politique et engagement politique", qui permet de devenir "réfractaire à la pensée dominante", une attitude salvatrice pour celui qui n'a jamais cessé de surprendre, interpeller ou agacer, selon certains. Dans Trésor d'Amour, l'écrivain sublime sa relation avec Venise, qui dure "depuis près de quarante ans" et convoque Stendhal pour disserter sur l'amour et sur... lui-même, ne délaissant jamais cette facette si particulière de son écriture qui fait que l'oeuvre se confond souvent avec son auteur, capable de citer le chant 33 de la Divine Comédie avant d'évoquer la question de l'inceste en littérature. Quand Daniel Picouly lui rappelle la célèbre phrase de Stendhal sur le roman, "miroir que l'on promène au bord de la route", Philippe Sollers précise "que les livres [de Stendhal] n'étaient pas du tout ça !". La Chinoiserie se change alors provisoirement en écrin, pour accueillir le diamant tiré du Trésor d'Amour de Philippe Sollers: il ne renvoie pas un reflet de l'écrivain, comme le miroir, mais des dizaines, tous différents à travers les facettes de la pierre précieuse.
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