Dans « La vie des choses » (La Veilleuse), Marc Agron, auteur suisse d'origine croate, imagine l'étrange retournement d'un écrivain, qui tente de se réinventer pour ressusciter une gloire révolue. Un texte au rythme enlevé, qui interroge sur le sens de l'écriture et le destin de ceux pour qui la plume est « la » vie.
Marc Agron, auteur suisse d'origine croate est un amoureux des livres. On lui doit la librairie-galerie bien nommée Univers à Lausanne, où il publie des catalogues de livres anciens et organise des expositions d’art contemporain. Après Carrousel du vent, il confirme son talent de conteur dans La vie des choses (La Veilleuse), un texte sur l'étrange destin d'un écrivain qui tente de se réinventer.
La vie des choses n'est pas seulement un récit sur la difficulté à poursuivre son destin pour un écrivain qui a connu la gloire, puis en a été déchu. C'est une mise en abyme sur les mystères et les fascinations de l'écriture, lumières éphémères pour les uns, obscurité pour les autres. C'est aussi une escalade vers le tout pour le tout d'un écrivain, dont le lecteur suit le destin tortueux.
Ce Yann Mendelec a connu les feux de la notoriété, mais son dernier livre a fait un flop. Son nom est désormais classé dans le camp des has been. C'est la déchéance. Cruelle. Impitoyable. Injuste ? Peut-être. Même son éditeur se détourne de lui. Chaque écrivain aurait-il son heure bénie et puis plus rien ? A quoi tient le succès et la rencontre avec le public ? Le deuil éclatant de la renommée.
L'auteur qui ne peut se résoudre à renoncer à son destin d'écrivain - d'ailleurs que sait-il faire d'autre ?-, décide de se transfigurer et d'écrire un nouveau texte. Plus incisif. Plus actuel. Au-delà de lui-même. Exercice de style ? Nouveau souffle ? On pense à Romain Gary qui a eu besoin de renaître en un «autre». L'éditeur du roman au nom de code Miroir du Temps, apprécie ce changement de cap. Ce livre-là pourrait bien marcher. A la condition que l'auteur fasse le grand saut et accepte de changer d'identité. On ne peut pas promouvoir un livre signé d'un nom dépassé, dit-il. Qu'est-ce que l'auteur sera prêt à faire pour se re-lancer ?
Le livre va montrer comment, entraîné dans une spirale à l'enchaînement implacable, Yann Mendelec va devenir un autre, avec toutes les conséquences que cela implique. Un autre qui va renier son double premier, pour mieux s'en libérer. Marc Agron pousse la logique jusqu'au bout, au point que le lecteur finit presque par trouver normal le cheminement insensé du héros. Il y a là une interrogation presque dostoïevskienne sur la conscience, et wildienne, sur le pacte quasi faustien qu'un écrivain peut faire pour rester sous la lumière.
Même si le récit peut se lire au premier degré avec beaucoup de plaisir, il peut aussi s'analyser comme une réflexion profonde sur le sens de l'écriture et la vie d'un écrivain aujourd'hui. A l'ère du marketing, on voit se développer des signatures comme des marques et des écrivains devenir les interprètes d'une partition dans l'air du temps. Crépuscule des œuvres au long cours ou au contraire libération pour celui ou celle qui saura construire sans rechercher les lumières de la renommée ? « Il ne tarda pas à réaliser que la gloire et le supplice étaient jumeaux, légataires d’un même destin. » Le roman de Marc Agron est-il annonciateur de cette nouvelle vie des écrivains, aux romans aussi éphémères que les tubes d'un chanteur de télécrochet ? Dans ce sombre avenir, les destins de ces livres seront construits sur le sable des désirs mouvants d'un public sans lendemain.
> Marc Agron, La vie des choses, La Veilleuse, 211 pages, 18 euros >> Pour acheter le livre, cliquer sur ce lien
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