Dans son dernier essai, Massoud, le rebelle assassiné ( L'Aube), Olivier Weber revient sur la mémoire du Commandant 20 ans après son assassinat. Alors que les talibans ont pris le contrôle de l'Afghanistan, l'ancien reporter de guerre et ambassadeur de France itinérant, président du jury du prix Joseph Kessel, place son espoir dans l’esprit de résistance de ceux qui défendent encore, à l'instar de Massoud, «l’aventure de la liberté». Un livre essentiel.
Le courage, c’est de continuer à construire. Malgré l’obscurantisme résurgent. Les « passions meurtières ». La haine rampante, protéiforme et proliférante. Comme le font les Afghanes et les Afghans issus de la société civile qui, jusqu’ici, ont lutté pour l’éducation, la santé. La survie. La liberté de croire, de penser et de débattre.
Dans son dernier essai, Olivier Weber, ancien reporter de guerre et ambassadeur de France itinérant, président du jury du prix Joseph Kessel, place son espoir dans l’esprit de résistance qu’ils incarnent. Son opus précédent, Si je t’oublie Kurdistan, rendait hommage l’an dernier aux résistants kurdes. Aux femmes notamment. « Deux conflits qui sont à la fois des causes justes et perdues, délaissées par les regards du monde ».
Le courage, c’est de continuer à se battre (et à témoigner) face à cette indifférence quant à la « longue peste » qui gagne du terrain. Massoud, le rebelle assassiné a paru peu de temps après la chute de Kaboul. Et très peu de temps avant celle de la vallée du Panjshir, fief de feu le commandant Massoud. « Vallée-monde » qui fut jusqu’à il y a peu le refuge de son fils et héritier spirituel Ahmad. « Laboratoire des droits humains » tombé aux mains de la barbarie et de la cruauté institutionnalisées.
Figure charismatique inspirée par la poésie soufie. « Héraut du politique au sens noble du terme ». Ce nouveau portait en forme de plaidoyer ne va pas sans lucidité sur un personnage à la « Guevara d’Orient ». Sur une certaine féodalité teinté de tribalisme qui règne en Afghanistan, sur l’empire du pavot et de la corruption. Qui n’occulte en rien la portée de l’ambition démocratique de Massoud. « Son modèle était l’ordre constitutionnel de l’ancien roi Zaher Shah, avec ses principes laïcs, la promotion des droits des femmes et la liberté d’association ». Capable d’intégrer les conseils des sages traditionnels à des structures démocratiques modernes. De concilier l’inconciliable ?
Le courage, c’est de continuer à rêver. Au milieu des bombes. Face à la mort qui rôde. Face au rictus vainqueur des tueurs, des briseurs d’âme. Face au triomphe des marchands de mort qui, sous les projecteurs, assènent leur discours tour à tour lénifiant et exterminateur. Prêts à « encager les femmes, la parole, l'image et la liberté », comme le dénonce encore Olivier Weber sur son compte Facebook.
« Vingt ans après (…) il reste l'espérance », ajoute-t-il sans relâche. « Il reste à écouter ses héritières et ses héritiers, celles et ceux qui se battent et disent leur révolte, qui bravent la triste milice de la Vertu, depuis le Panjshir et Kaboul jusqu'au Kurdistan et ailleurs en Orient, et même au-delà, contre cet obscurantisme qui tente de voiler le monde. Il reste le courage. »
Le courage, donc, de ne pas perdre sa boussole dans la débâcle. De continuer à (tenter de) la jouer collectif dans le sauve-qui-peut. De ne pas céder à la complaisance, au silence gêné, enfin à l’impuissance face au Mal organisé et de ne pas se tromper d’ennemi. Car « cet impérialisme est le même, et je pèse mes mots, que celui que veulent imposer les salafistes dans les banlieues de France et d’Europe ».
Le courage, c’est de ne pas céder enfin au mimétisme de la violence. Physique et d’abord morale. Gangrène insidieuse. Pour résister à la pente de ces facilités, Olivier Weber brandit l’éthique et les symboles. De la fidélité à l’exemple universaliste d’un Islam des Lumières que Massoud père, figure solaire et solitaire, a incarné à toutes forces. Celui même dont son fils reprend le flambeau dans les montagnes du Nord de l’Afghanistan. Après la chute tragique de la vallée du Panjshir que le Commandant Massoud avait protégée par sept fois de l’invasion soviétique. Il était à l’époque suivi par Olivier Weber qui y a fait durant 20 ans son travail de grand reporter au prix de risques insensés.
Ce dernier rappelle aujourd’hui le dessein profond, nietzschéen, du Lion du Panjshir, qui consistait « désapprendre à faire la guerre ». À apprendre l’art de la paix.
Le 19 août, l’auteur de La confession de Massoud (Flammarion) et lauréat des prix Albert Londres, Kessel et du prix du Livre Européen et Méditerranéen transmettait cet appel d’Ahmad Massoud. « (…) nous avons besoin d'aide. Surtout si le monde ne veut pas voir s'installer à nouveau un sanctuaire des groupes terroristes de la planète dans un endroit stratégique comme l'Afghanistan ».
Évidemment, 20 ans après les tours jumelles et 6 ans après le Bataclan, plus personne ne pourra dire qu’il ne savait pas. Que l’Afghanistan, que le Kurdistan et que le Panjshir sont aussi notre problème. Et pourtant.
>Massoud, le rebelle assassiné d’Olivier Weber, L’Aube, 97 pages, 12 euros.
>La confession de Massoud, Flammarion, 192 pages, 18 euros
Découvrir une vidéo à propos du livre d'Olivier Weber, Massoud le rebelle assassiné.
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Légende photo : Jérôme Garcin, Hervé Le Tellier, Rachida Brakni, Marthe Keller, Gaël Faye, Kamel Daoud, Rebecca Dautremer, Emmanuel Lepag
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