A l’occasion de la sortie de la série du même nom sur Prime Vidéo et inspirée de ce livre, revenons sur « My Lady Jane » l’ouvrage de Cynthia Hand, Brodi Ashton et Jodi Meadows, publié aux éditions Rageot. Les trois autrices remanient l’histoire de l’Angleterre des Tudors pour nous proposer une uchronie mêlée de fantasy dans laquelle certains Hommes n’en sont pas vraiment, tandis que d’autres bien humains se révèlent quant à eux d’une inhumanité certaine.
Lady Jane, née de la plus haute noblesse et éducation, a tout d’une demoiselle bien rangée de la grande société britannique des Tudors. Cousine du roi Edward, fortunée et libre de ses actions, elle semble mener la vie de rêve, jusqu’à être confrontée à la plus grande misère des femmes nobles de son époque : le mariage forcé. Sa mère, avide de richesse et d’influence auprès du roi, lui a trouvé pour futur époux Gifford Dudley, fils d’un richissime lord qui lui sécuriserait une rente. Mais la réputation médiocre de ce dernier, mêlée aux ambitions personnelles auxquelles aspire Jane, donneront un cocktail explosif qui pourrait mener l’Angleterre a de dangereux bords…
Cynthia Hand est une auteure jeunesse et professeure. Elle est diplômée en creative writing à l'Université d'État de Boise (Boise State University) et à l'Université du Nebraska à Lincoln. Elle vit actuellement avec son mari et ses deux enfants en Californie du Sud, où elle enseigne l'écriture créative à l'université Pepperdine.
Brodi Ashton écrit pour les jeunes adultes. Elle est diplômée en journalisme de l’Université d'Utah et est titulaire d'un Master de relations internationales de London School of Economics.
Jodi Meadows vit et écrit dans la vallée de Shenandoah , en Virginie, avec son mari, un chat, et des furets. Elle est un accro du livre, et a voulu être écrivaine depuis qu'elle a décidé de ne pas devenir astronaute.
Mais qu’ont ces trois femmes en commun, à part la nationalité américaine ? Ce sont trois meilleures amies qui décidèrent pour plus se voir de monter un projet ensemble, celui d’un livre écrit à six mains. Cynthia Hand confie qu’elle sortait de l’écriture d’un roman lourd émotionnellement et voulait écrire quelque chose de léger et drôle remaniant l’histoire, avec ses meilleures amies.
Alors que toutes les jeunes filles de son âge rêvent au prince charmant et aux histoires d’amour, Lady Jane Grey s’intéresse bien plus à la médecine, aux plantes et aux savoirs anciens qu’à la gent masculine ou les relations sociales en général. Vivant avec sa mère et ses deux petites sœurs, cependant, l’argent ne coule pas à flots malgré le caractère ancestral de leur lignée, et le sujet du mariage est vite mis sur la table pour Jane. L’heureux élu n’est autre que Gifford Dudley, noble dont la richesse est aussi reconnue que la médiocrité de sa réputation. Très proche du roi Edward, Jane supplie ce dernier d’annuler le mariage pour conserver sa liberté. Mais alors tout chamboule : non seulement il ne peut rien pour elle, mais en plus il est mourant, l’hostile princesse Mary risquant alors de se retrouver reine, et pour couronner le tout, Gifford est un Edian.
Car dans l’histoire de Cynthia Hand, Brodi Ashton et Jodi Meadows, l’Angleterre est habitée non seulement par les humains « normaux », mais également par des sortes de mutants nommés Edians, pouvant se métamorphoser en animal à leur guise. Traqués et traités en parias, la nouvelle que Gifford est un Edian ferait trembler toute la Cour. Surtout depuis que le testament du roi Edward place sa chère cousine Jane en temps que nouvelle reine d’Angleterre…
S’ensuivent alors moulte péripéties et quêtes de pouvoir dans cette œuvre délicieusement farfelue où le lecteur ne perd pas de vue les objectifs de la toute nouvelle reine Jane, la liberté, la réconciliation, et l’harmonie dans une Angleterre au bord de la guerre civile.
Au même titre que le furent à certaines périodes de notre propre histoire les personnes noires, juives ou homosexuelles, dans le monde de Cynthia Hand, Brodi Ashton et Jodi Meadows, les Edians ne sont pas considérés comme des Hommes à part entière mais comme des entités distinctes et non mélangeables avec le reste de la population. Ils ne peuvent accéder aux hauts postes et sont chassés et ostracisés du fait de leur différence. Jane est particulièrement sensible à cette cause et fait tout une fois au pouvoir pour abroger les lois de séparation et pour rétablir la justice et l’équilibre dans le royaume. Car depuis qu’elle a découvert le secret de Gifford, et celui de beaucoup d’autres car les Edians se cachent dans toutes les strates de la société, elle a compris que l’Angleterre ne pourrait évoluer sans un changement radical qui, même s’il est effrayant, est nécessaire. Mais c’est sans compte sur sa Cour, où les intrigues fusent et où des personnages influents tels que le duc de Norfolk ou la princesse Mary complotent dans l’ombre pour la destituer et lui couper la tête.
L’Angleterre à l’époque de Jane s’inscrivait dans une continuité d’alliances entre puissant pour instaurer la stabilité du système et la pureté du sang de ses descendants. Ainsi les mariages d’amour n’avaient pas lieu d’être, de même que les rêves et ambitions des jeunes filles dont la seule obligation devait d’être belle, de se taire et de faire le plus d’enfants possibles, et le plus de garçons bien entendu. Jane et son fort caractère font donc l’embarras de beaucoup dans ce monde misogyne où naître femme revenait à être une éternelle enfant. Les personnages féminins forts telle que notre protagoniste sont alors une source d’inspiration à ne pas négliger. La pratique du mariage forcé existe encore de nos jours à certains endroits, et il convient donc de rappeler le droit des femmes à disposer d’elles-mêmes. Bien entendu, les Hommes nobles n’avaient guère le choix non plus pour la plupart que de se voir attribuer une épouse, il n’en reste que leurs libertés étaient les mêmes qu’avant le mariage. Jane s’émancipe de ce système, et devient finalement reine alors que Lord Dudley intrigue désespérément pour hisser son fils au rang de roi.
Alors que les trois autrices se sont appliquées à cuisiner l’histoire à leur propre sauce, notamment en y ajoutant des éléments de fantastique telles que les Edians métamorphes, l’ensemble reste cohérent et fidèle dans les grandes lignes à ce que l’on peut trouver dans les livres d’histoire, preuve que l’on peut mélanger apprentissage et divertissement. Bien que cet ouvrage ne soit pas un livre historique, ce contexte culturel permet au lecteur de plonger dans un temps qui n’est pas le sien grâce à la littérature, tout en s’imprégnant de la culture antérieure. Histoire et littérature sont foncièrement liées, que cela soit l’Histoire humaine générale, ou les histoires récits telles que « My Lady Jane ».
>« My Lady Jane », Cynthia Hand, Brodi Ashton et Jodi Meadows, éditions Rageot, Traduction Sarah Dali, 582 pages, 18,90 euros >> Pour acheter le livre, cliquer sur ce lien
>Visionner la bande-annonce qui présente le livre
Légende photo : Jérôme Garcin, Hervé Le Tellier, Rachida Brakni, Marthe Keller, Gaël Faye, Kamel Daoud, Rebecca Dautremer, Emmanuel Lepag
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